D’après Gco, la mine n’impacte pas la nappe phréatique comme l’accusent la plupart des riverains à Diogo et Lompoul. Des arguments qui peinent à convaincre sur place.
Entrée en production le 1er juillet 2014, la Grande côte opérations (Gco) exploite une mine de minerais lourds qui avance de 3 km par an selon le directeur général Frédéric Zanklan. Si elle a restitué à l’Etat 85 ha réhabilités en 2022 tandis que 900 ha sont en cours de l’être, les populations la pointent du doigt comme un pollueur de terre à grande échelle. « Les industries extractives sont dans l’accaparement et la pollution des terres des exploitations familiales », accuse Ibrahima Seck, coordonnateur de la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fenab), une organisation de 20.000 membres.
M. Seck observe chaque jour avec angoisse son champ de 5 ha face à l’avancée de la mine. Dans cette zone des Niayes qui produit 70% de la production horticole du Sénégal, Ibrahima Seck qui la qualifie de nouvel eldorado minier, prévient qu’à l’avenir, les paysans n’auront plus de terres à cultiver. A Diogo, village perdu dans la commune de Darou Khoudoss (département de Tivaouane), c’est la peur et l’angoisse. La valse de camions transportant les minerais extraits du sol ne profite pas aux populations. Manque d’eau, terres en péril, absence de services sociaux de base… A Diogo, la misère suinte de partout. Au centre de dunes de sables, il y a des concessions en torchis alors quelques herbes sans éclats, certainement martyrisés par le froid, résistent encore au temps.
Saisie par « Le Soleil », la Gco se défend de toute dégradation de l’environnement de sa part. « Les activités d’Eramet Grande côte n’impactent pas les nappes phréatiques utilisées par les agriculteurs. La mine dispose d’un système de pompage situé à 450 m de profondeur, bien au-dessus des nappes phréatiques utilisées par les agriculteurs », indique la Gco.
Dans l’étude environnementale réalisée en 2007, soit 7 ans avant le début de la production, l’annexe 1 de l’avenant mentionne que « les ressources en eaux dans la zone du projet sont dans un dynamique négative aussi bien du point de vue qualitatif que quantitatif. Du point de vue quantitatif, la recharge va dépendre exclusivement de la pluie ». Toutefois, la Gco dit prendre une eau qu’elle recycle dans la nappe phréatique. « On a un accord avec le gouvernement qui fait qu’on doit recycler 50% de l’eau tirée de cette nappe. Aujourd’hui, on est à des niveaux proches de 60%. Donc, c’est plus que ce que notre permis nous invite à faire. Après notre passage, le niveau de la nappe superficielle est relevé de 1 à 2 mètres », renseigne Frédéric Zanklan. Une argumentation qui est rejetée par Gora Gaye.
« La Gco dit qu’elle va utiliser un procédé qui va créer un lac artificiel qui va alimenter la nappe. Mais on n’est pas naïf. Nous sommes dans un pays tropical avec un soleil qui se pointe le jour avec ses chauds rayons. Une grande partie de l’eau va s’évaporer. Cela ne peut pas régénérer la nappe, c’est faux », réplique M. Gaye, géographe-aménagiste de formation. Une note technique du ministère de l’Hydraulique blanchit la Gco Face à la polémique, Cheikh Tidiane Dièye, ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, a actionné la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau (Dgpre) pour une mission de vérification de la conformité des ouvrages hydrauliques de la concession minière de la Grande côte opérations sur la nappe phréatique.
*D’après cette enquête réalisée du 2 au 5 janvier, les activités de la filiale du groupe Eramet, du fait de la non utilisation de produits chimiques, n’impactent pas l’eau à Diogo et Lompoul. « Le recyclage est donc un pompage du trop-plein d’eau introduit dans la nappe à travers l’infiltration de l’eau des sables rejetés à l’arrière du bassin. En ce sens, il ne peut être considéré comme une consommation directe de la nappe superficielle. Ce dispositif permet non seulement de lutter contre les inondations dans les Niayes mais également de réduire les pompages dans la nappe profonde », indique la note que « Le Soleil » a consultée et qui devait être sur la table du ministre au plus tard depuis hier 8 janvier, nous apprend-on. D’après ces experts assermentés, les apports en eau du bassin « reposent, d’une part, sur un apport d’eau en provenance de la nappe profonde du Maastrichtienne et d’autre part, sur un recyclage des eaux de la nappe superficielle du Quaternaire ».
Selon la Dgpre, l’impact de l’exploitation du zircon sur les nappes est suivi à travers un réseau de plus de 400 piézomètres superficiels, répartis entre Mboro et Lompoul et 3 piézomètres profonds équipés d’enregistreurs automatiques de niveaux d’eau et de paramètres physico-chimiques, dont les 2 sont actuellement non fonctionnels. Cette note technique confirme une autre étude réalisée par la Dgpre en avril 2021 sur financement de la Banque mondiale et qui avait tiré les mêmes conclusions.
L’Etat pèche dans le suivi environnemental
Nous avons pu consulter le Plan de gestion environnemental et social qui a permis à Gco l’exploitation de la zone de Lompoul. Lors de l’audience publique tenue à Lompoul sur Mer le 9 mars 2022, les populations ont rejeté ce Pges. D’après Baba Dramé, directeur de la Réglementation et du contrôle au ministère de l’Environnement, avant l’exploitation par Gco, un comité comprenant les services concernés a été mis en place.
« Là où le bât blesse, c’est le suivi environnemental. Mais cela demande des moyens. Le ministre de l’Environnement, à chaque fois que j’entre dans son bureau, me dit qu’il faut davantage suivre les Pges. Nous sommes en train de travailler pour la mise en place d’un dispositif afin que des cabinets aident l’Etat dans le cadre du suivi des Pges. Nous avons besoin de cabinets indépendants qui vont mentionner pas seulement ce qui arrange l’Etat ou l’entreprise mais ce qu’ils ont constaté pour aider à la prise de décision ».
B.G. DIOP