Dans son ouvrage intitulé « Le Choix de la souveraineté monétaire du Sénégal : quelles implications ? », Serigne Momar Seck explore trois scénarios pour l’avenir monétaire du pays. Entre intégration régionale renforcée, réforme du franc Cfa ou création d’une monnaie nationale, chaque option comporte son lot d’opportunités et de risques, selon l’économiste en chef à l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Amao).
Alors que la question de la souveraineté monétaire s’installe durablement dans le débat public sénégalais, l’essai de Serigne Momar Seck vient structurer les discussions en les ancrant dans une analyse rigoureuse et lucide. Dans « Le Choix de la souveraineté monétaire du Sénégal : quelles implications ? », publié aux éditions L’Harmattan Sénégal, l’économiste en chef de l’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Amao) identifie trois scénarios majeurs, tous porteurs de conséquences économiques, financières, sociales et institutionnelles. La première voie explorée par M. Seck, titulaire d’un Doctorat en Sciences économiques obtenu à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), est celle du maintien du Sénégal dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), tout en œuvrant pour une réforme concertée du franc Cfa. Il s’agit ici de capitaliser sur les acquis de l’intégration régionale, notamment le tarif extérieur commun, la solidarité financière et la stabilité monétaire, tout en revendiquant une plus grande marge de manœuvre sur la politique monétaire.
Seulement, ces réformes ne peuvent être portées par le Sénégal seul. « Elles doivent se faire de concert avec les autres pays membres de l’Union », a souligné Serigne Momar Seck, samedi 26 juillet 2025, lors d’une présentation de l’ouvrage à des journalistes. Il évoque la nécessité d’une volonté politique commune sans laquelle toute évolution resterait symbolique.
Le deuxième scénario envisage une sortie progressive du franc Cfa au profit d’une monnaie unique portée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ce projet, longtemps évoqué à travers la future monnaie, Eco, peine encore à se matérialiser alors que l’échéance est fixée à 2027. Néanmoins, l’économiste souligne qu’un tel changement pourrait renforcer la coopération régionale et doter la zone d’un instrument monétaire propre.
« Une nouvelle monnaie, c’est aller à l’aventure »
Selon lui, les avantages seraient nombreux : un marché régional renforcé, une politique monétaire plus adaptée aux réalités africaines et une rupture progressive avec l’héritage colonial. Cependant, a-t-il nuancé, la mise en œuvre dépendrait de la convergence des économies et d’un cadre institutionnel robuste. Sans cela, le projet resterait un vœu pieux, d’après Serigne Momar Seck.
Enfin, le troisième scénario consiste à quitter l’Uemoa pour créer une monnaie nationale sénégalaise. Une décision qui aurait de profondes répercussions, a prévenu M. Seck. Sur le plan économique, le Sénégal perdrait l’accès aux mécanismes de solidarité financière régionale. Par exemple, a relevé l’auteur, le pays ne pourrait plus bénéficier du tarif extérieur commun ni lever des fonds sur le marché régional. « Ceci transformerait une dette en monnaie régionale en dette libellée en devises étrangères, donc soumise aux aléas du taux de change », a-t-il précisé. Sur le plan institutionnel, Serigne Momar Seck a indiqué que cela poserait la question du sort du siège de la Bceao, basé à Dakar, et de ses fonctionnaires sénégalais. Sur le plan monétaire, l’ex-agent à la Chambre de commerce de Dakar informe que le pays devrait rassurer les investisseurs et les citoyens face aux incertitudes d’une nouvelle monnaie. « Une monnaie nouvelle suscite toujours une forme de psychose au sein des agents économiques », rappelle-t-il, citant les débuts de l’euro ou encore les turbulences rencontrées par la livre sterling.
Le spécialiste conclut en soulignant que le choix d’une monnaie nationale n’est viable qu’à certaines conditions : une discipline budgétaire stricte, des réserves de change suffisantes et une gouvernance monétaire solide. À défaut, une telle initiative risquerait d’affaiblir l’économie au lieu de l’émanciper. « Une nouvelle monnaie, c’est aller à l’aventure », a-t-il assuré. En somme, résume Serigne Momar Seck, la souveraineté monétaire est possible, mais elle est aussi exigeante. « Elle ne se décrète pas, elle se construit. Et le choix que fera le Sénégal aura des répercussions durables sur son avenir économique et géopolitique », a-t-il prévenu sans indiquer la meilleure formule entre ces trois scénarios.
La cérémonie de dédicace a eu lieu ce mardi 29 juillet 2025 au siège de L’Harmattan Sénégal.
Babacar Guèye DIOP