En mars 2023, nous avons eu la chance d’assister à Beijing aux traditionnelles « Two Sessions » qui marquent l’ouverture de la session des organes législatifs et consultatifs en Chine, l’Assemblée nationale populaire (Apn) et la Conférence consultative politique du peuple chinois (Ccppc). Deux faits majeurs, en dehors de la prestation de serment du président Xi Jinping qui venait d’être réélu pour un troisième mandat en 2022, avaient marqué ces « Two Sessions » qui sont un moment fort que les Chinois appellent « la démocratie participative ».
C’est l’augmentation du budget de la défense et celui du…ministère des Sciences et Technologies. Il était question ainsi de réforme plus importante qui va toucher le ministère des Sciences et Technologies qui sera davantage renforcé. Xi Jinping avait ainsi montré son option et sa vision qui sont, au-delà de l’économie, de faire aussi de la technologie l’un de ses outils et par conséquent asseoir son autonomie stratégique dans beaucoup de domaines face à ce qui est appelé « l’endiguement technologique » mené par les États-Unis.
La Chine, ces dernières années, devait faire face au «containment» mené par les États-Unis, sur le plan militaire, commercial, industriel et technologique et surtout sur la question des semi-conducteurs aux microprocesseurs. L’exemple le plus patent, ce sont les eaux troubles dans lesquelles le vaisseau amiral chinois des télécommunications et de la technologie, Huawei, se trouve, avec les sanctions américaines qui l’ont frappé. Sous le parapluie de la sécurité nationale, beaucoup d’entreprises chinoises de télécoms ou de technologies ont été ainsi bannies des États-Unis ces dernières années. Il se trouve aujourd’hui qu’il est difficile d’arrêter la mer technologique chinoise avec les bras institutionnels américains, et de manière intentionnelle. Avec son miracle économique, la Chine a également connu un déclic technologique capable de lui permettre de faire face à toutes les barrières qui se présenteront devant elle. Ces dernières années, la Tech chinoise est devenue une vraie concurrente de la Silicon Valley américaine avec, tous les jours, des innovations majeures bon marché qui inondent le marché. Que ce soit dans les villes de Beijing, Shanghai, Shenzhen, Suzhou, l’éclosion de la Tech chinoise est venue s’imposer au monde et aussi aux États-Unis.
Le dernier épisode de la saga de la plateforme chinoise TikTok, la plus téléchargée au monde, durant la transition du pouvoir entre Joe Biden et Donald Trump et le coup de massue de DeepSeek, le nouveau Chatbot, à la Big Tech américaine montrent clairement que les États-Unis sont en train de subir. Cela démontre surtout que les moyens supplémentaires accordés au ministère chinois des Sciences et Technologies depuis 2023 sont en train de donner des résultats clairs. Si sur le plan militaire, la Chine a un gap énorme à résorber, ce n’est plus le cas sur celui technologique. Dans ce domaine, sur des segments comme l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, les voitures électriques et autres, un grand bond en avant est réalisé par la Chine, lui permettant des avancées notables. Malgré tout cela, il reste que l’Empire du Milieu est toujours tributaire des semi-conducteurs qu’elle importe de Taiwan et des États-Unis. Cette dépendance va encore faire revenir « l’endiguement technologique » américaine et nuire à la longue à l’éclosion de ses talents dans ce secteur stratégique pour son rattrapage symétrique. Dans cette nouvelle compétition mondiale, la technologie sera aux côtés de l’économie les deux mamelles sur lesquelles vont s’abreuver les puissances globales et régionales. Les technologies seront ainsi pour certains des facteurs d’endiguement et d’autres de dépassement.
Par Oumar NDIAYE
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