Si l’exploitation du lait local est à l’étape rudimentaire, des investisseurs sénégalais tentent d’y apporter une touche industrielle. A la ferme Serigne Mouhamadou Mbacké Falilou, logée à Diamniadio, un modèle d’élevage intensif, le circuit est bien huilé pour une production en quantité. Mais l’accès à la terre est un défi.
La ville de Diamniadio est boueuse. La pluie remonte à moins d’une semaine – notre passage remonte au 07 octobre – et les pistes de terre sont encore collantes, mettant à l’épreuve motos et véhicules pick-up. Difficile d’accès ? La ferme Serigne Mouhamadou Mbacké Falilou, installé en plein cœur de la brousse, ressemble à un cheveu dans la soupe dans cette ville industrielle avec ses immeubles inachevés, ses maisons en chantier, ses infrastructures modernes (stade Abdoulaye Wade, Dakar Arena…). Construite sur un hectare – le propriétaire en veut plus – la ferme laitière est composée des piliers qui dessinent un hangar, des engins agricoles alors que des bottes de paille sont entreposées. Quelques dizaines de mètres plus loin, un autre hangar abrite des bovins d’une part, des moutons d’autre part des chèvres qui fuient le visiteur dès le premier regard. « Nous produisons 700 à 800 litres de lait par jour si la période est propice. Mais en hivernage, on peut descendre jusqu’à 200, 300 voire 400 litres », explique Amadou Fall Diop dit Baye Fall, directeur de la ferme.
Derrière Baye Fall, une petite dizaine de vaches pâturent dans le champ limité et aménagé. Certains beuglent tandis que d’autres broutent à l’envie l’ensilage en masse dans l’enclos. Ils sont 140 animaux à vivre dans l’emplacement, loin des regards indiscrets et des caprices de dame nature : 40 bêtes en production, 20 vaches à traire, 15 génisses et une dizaine de vêles. « On fait deux traites par jour, à 6h du matin et à 16h », renseigne l’éleveur. Bâtiment pour traire, chambre froide pour la transformation, lieu de consultation des animaux, la ferme, érigée en 2010, est un investissement d’une centaine de millions de FCFA. « Nous avons une chambre froide qui peut contenir 2000 à 5000 pots avec 5 m de long et 3 m de largeur. Il faut que l’Etat du Sénégal nous aide à avoir des terres pour cultiver l’ensilage de sorgho. Nous n’avons pas de terres. Pour aider les éleveurs, il faut des terres. Cela va diminuer le coût de l’alimentation, un grand problème. Si c’est le cas, on pourra même vendre le litre de lait à 300 FCFA. Actuellement, on le vend à 700 FCFA », confie Cheikh Diop, éleveur dans la ferme.
Au Sénégal, l’alimentation du bétail est une problématique importante. Jamais remembrée, la terre est rare et chère, et parfois déconnectée de la production animale. « Nous avons des enclos étroits. Si on me donnait 100 hectares, je peux pratiquer de l’agriculture et mes vaches vont pâturer. Si j’importe 100 vaches, l’année suivante, le nombre sera de 180 ou 200 », jure Baye Fall qui dit avoir déboursé 1 million de FCFA pour l’achat de chaque bœuf importé de la France, du Danemark, de l’Autriche ou du Brésil (le prix a été subventionné par l’Etat à hauteur de 50%). Une situation qui fait que les éleveurs ne comptent pas sur la terre pour développer leur exploitation. Selon lui, il n’a pas de difficultés d’écoulement du produit contrairement à beaucoup de collègues. « Il faut que les industriels achètent le lait local. Les vaches produisent mais la production reste entre les mains des propriétaires. Investir son argent pour produire du lait et se retrouver avec un produit invendu, tôt ou tard, on risque de quitter ce commerce. Les industriels disent qu’acheter un litre de lait à 500 FCFA ne leur convient pas. Ils préfèrent importer du lait en poudre et le transformer. Cela revient moins cher ; Mais ce lait fait à partir en poudre n’est pas de qualité », note Cheikh Diop, un jeune qui a quitté l’Italie pour investir dans l’élevage. Si dans cette ferme, le projet fonctionne à plein régime, l’élevage intensif a encore du chemin à parcourir. Une mamelle à traire…
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