Le Sénégal s’est résolument engagé dans la quête de la souveraineté alimentaire. Dans cet ambitieux objectif, les Domaines agricoles communautaires (Dac) sont appelés à jouer un rôle prépondérant. Dans cet entretien, le coordonnateur du Prodac revient sur les enjeux. Cheikh Ahmadou Bamba Ngom aborde également la question de l’organisation des agriculteurs en coopératives, ainsi que d’autres aspects du programme.
Dans la dynamique de souveraineté alimentaire, les Dac sont appelés à jouer un rôle central. Pouvez-vous revenir sur le processus de formalisation des coopératives agricoles dans les Dac ?
L’organisation des acteurs en coopératives est une vision portée par les plus hautes autorités de ce pays. Le Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage (Masae), en tant que département chargé d’exécuter la politique du gouvernement dans le domaine agricole au sens large, en a fait une priorité. En tant que structure rattachée, le Prodac s’efforce de mettre en œuvre cette ambition. Il convient de rappeler que le programme avait déjà expérimenté une forme d’organisation similaire à travers les Groupements d’entrepreneurs agricoles (Gea). Le principe consistait d’abord à renforcer les capacités des bénéficiaires (les incubés), ensuite à les regrouper en Gea, puis à les installer sur les infrastructures de production disponibles. En ce qui concerne les coopératives proprement dites, leur formalisation est encadrée par les textes de Ohada (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), qui prévoit leur constitution en sociétés coopératives. Fort heureusement, ce processus est validé par le Masae à travers les Directions régionales de développement rural (Drdr). À ce jour, deux sociétés coopératives ont déjà été formalisées à Séfa (département et région de Sédhiou). Neuf autres sont en cours de formalisation, dont quatre à Itato (région de Kédougou), trois à Keur Momar Sarr (région de Louga) et deux supplémentaires à Séfa.
Quel bilan tirez-vous de la production cette année dans les Dac ?
Après près de six mois d’activités, je dirais que le bilan est encourageant. À Séfa et Keur Momar Sarr, qui concentrent la quasi-totalité des activités de production, la production horticole obtenue en moins de six mois représente déjà plus de 60 % de celle enregistrée durant toute l’année précédente à Séfa. À Kms, ce pourcentage est estimé à plus de 50 %. Les grandes cultures se pratiquent principalement pendant l’hivernage, raison pour laquelle leur bilan n’est pas encore établi. Le principal défi du programme reste toutefois l’équipement de tous les Dac en infrastructures de production suffisantes pour permettre une activité continue toute l’année. Cette dynamique est en cours grâce à de nombreuses initiatives en développement.
Qu’en est-il de la deuxième génération de Dac ?
Pour rappel, les Dac dits de deuxième génération sont au nombre de quatre : Dodji (département de Linguère, région de Louga), Boulel (Kaffrine), Niombato (Foundiougne, Fatick) et Fafacourou (Médina Yoro Foulah, Kolda). Il faut reconnaître que les travaux n’ont pas connu le rythme escompté, en raison de plusieurs contraintes. Heureusement, grâce à la nouvelle dynamique insufflée par la coordination nationale et appuyée par les autorités, la majorité de ces contraintes ont été levées. Selon le planning du Prodac, trois Dac – Dodji, Fafacourou et Niombato – devraient être livrés au plus tard en décembre 2026. L’astuce retenue consiste à procéder par livraisons partielles des infrastructures. Concrètement, dès qu’un bloc (poulaillers, bergeries, unités autonomes d’exploitation, etc.) est opérationnel, une coopérative y est immédiatement installée pour démarrer l’activité, sans attendre l’achèvement de l’ensemble du site.
Pouvez-vous nous faire le point sur les projets en cours ?
Les projets en cours sont divers et impliquent trois catégories d’acteurs : d’autres programmes du Masae ou d’autres ministères, des investisseurs privés, les coopératives agricoles. À l’heure actuelle, le projet phare est l’aménagement de 300 hectares répartis entre les Dac de Séfa, Kms et Itato (100 ha chacun). Ce projet s’inscrit dans le Programme de résilience du système alimentaire en Afrique de l’Ouest (Fsrp), financé par la Banque mondiale et placé sous la tutelle du Masae. Dans le cadre du Budget consolidé d’investissement (Bci), 30 hectares sont en cours d’aménagement à Itato et seront réceptionnés sous peu. En parallèle, 45 hectares seront aménagés, dont 30 à Kms et 15 à Keur Samba Kane (département de Bambey, région de Diourbel). Les procédures de passation de marché pour ces travaux sont en cours, et le démarrage est imminent. Toutes ces infrastructures seront exploitées par des coopératives. En outre, une convention de partenariat sera signée très prochainement avec le projet Agri-jeunes pour accompagner 192 jeunes à Séfa et à Kms. Dans le cadre de la promotion de l’initiative privée, une convention a déjà été signée avec l’organisation mouride Hizbut Tarqiyyah, pour l’exploitation de 70 ha en pivot à Kms durant cette campagne, avec un accent mis sur la reconstitution du capital semencier. À moyen terme, cette organisation prévoit de s’étendre aux Dac de Boulel, de Séfa et d’Itato en y installant ses propres infrastructures. Les négociations sont également très avancées avec Manko Invest, un regroupement de la diaspora sénégalaise, qui ambitionne d’investir dans l’agriculture.
Dans un premier temps, ils prévoient d’exploiter 41 hectares d’infrastructures hydro-agricoles à Séfa, avant d’étendre leur intervention à d’autres superficies. Par ailleurs, un appel a été lancé aux investisseurs privés nationaux intéressés par une installation dans les Dac. Considérant les résultats déjà obtenus, 28 opérateurs privés sénégalais ont confirmé disposer des fonds nécessaires pour démarrer leurs activités au plus tard trois mois après mise à disposition du foncier. Des projets de convention leur ont été transmis pour amendement.