Les avantages du contrat renégocié pour la réalisation de l’usine de dessalement de la Grande Côte s’alignent avec les besoins en eau, en constante évolution dans le périmètre Dakar-Thiès-Mbour, qui représente 80 % de la consommation d’eau dans les centres urbains.
En attendant le démarrage des travaux des autoroutes de l’eau ou la redynamisation du projet de dessalement des Mamelles, le Gouvernement tient son premier projet dans le secteur de l’eau.
« Si j’ai un seul mot à dire, ce serait Alhamdoulilah. » Ces mots du Président de la République prononcés, jeudi dernier, au Palais de la République, traduisent un ouf de soulagement. C’est l’aboutissement d’un long processus. Honni, controversé et chahuté, le contrat pour la réalisation de l’usine de dessalement de la Grande Côte, signé dans un premier temps le 27 mars 2024 par l’ancien régime, telle une saga, a survécu à bien des péripéties. Alors que le Sénégal et l’Arabie Saoudite ont frôlé les tensions diplomatiques dans ce dossier, la version renégociée a été définitivement mise sur orbite ce jeudi 17 juillet 2025, entre la Sones et la société saoudienne Acwa Power. Inutile de tourner autour du pot : le Sénégal ne peut plus traîner les pieds, sous peine d’être rattrapé par des enjeux sociétaux qui risquent de menacer sa stabilité : l’approvisionnement en eau dans le triangle Dakar-Thiès-Mbour. Cette zone, appelée dans le jargon du secteur de l’eau le « Grand Dakar », voit ses besoins croître de façon constante du fait de son poids démographique. En clair, elle polarise 35 % de la population nationale sur 3,7 % du territoire.
De plus, Dakar-Thiès-Mbour abrite également 55 % de l’activité économique et une forte concentration d’infrastructures et d’établissements de toutes sortes : aéroport, ports, aménagements immobiliers, stades, sphères ministérielles, universités, pôles touristiques, etc. En choisissant l’option du dessalement, un projet de 459 milliards de FCfa, l’État veut régler définitivement la question de l’alimentation en eau potable dans ce périmètre, qui représente 80 % de la consommation d’eau potable dans les centres urbains. Pour connaître l’ampleur du défi, il suffit d’interroger les chiffres de la Sones. Autrement dit, la production d’eau potable destinée à la région de Dakar est passée de 110 millions de m³ en 2012 à 190 millions de m³ en 2022, soit des volumes supplémentaires mobilisés de 80 millions de m³, représentant une progression de 58 % en dix ans.
Diversification des sources d’approvisionnement Par conséquent, dans le « Grand Dakar », les besoins en eau potable passeront d’environ 763.000 m³/jour en 2025 à 1.800.000 m³/jour en 2040, pour atteindre plus de 3.000.000 m³/jour en 2050. Pour cela, l’usine de la Grande Côte, qui sera implantée dans la commune de Tivaouane Peulh, produira 400.000 m³ d’eau dessalée par jour en deux phases de 200.000 m³/jour chacune, soit le double de la capacité d’une infrastructure de production d’eau potable comme l’usine de Kms3. Alors que les études de faisabilité du projet des « autoroutes de l’eau » devraient, selon le ministère de l’Hydraulique, être disponibles vers octobre 2025, le démarrage de ce programme phare du régime est programmé pour 2026. Quid de l’usine de dessalement des Mamelles ? Le projet, financé par le Japon à hauteur de 135 milliards de Fcfa, est confronté à « quelques contraintes de financement complémentaire », de l’aveu du ministre Cheikh Tidiane Dièye. Ces données montrent que les infrastructures de production d’eau doivent s’accélérer pour suivre la bombe démographique à Dakar, Thiès et Mbour.
En outre, dans une logique de couverture durable des besoins tout en préservant les ressources vulnérables, l’État du Sénégal a pris des options de mobilisation basées sur une combinaison de sources différentes : le fleuve Sénégal, directement ou via le Lac de Guiers, et le fleuve Gambie pour le traitement des eaux de surface douces, ainsi que l’océan Atlantique pour le dessalement d’eau de mer. Ainsi, le maintien du leadership de notre pays en matière de gouvernance et d’accès aux services d’eau potable devra requérir des efforts importants et des innovations dans le design des infrastructures, dans les mécanismes de financement, dans les stratégies d’exploitation, dans la gouvernance institutionnelle et dans la promotion de l’approche « sécurité de l’eau ». C’est dans cette optique qu’il faut lire le partenariat pour l’édification prochaine d’un institut de formation aux métiers du dessalement. Ainsi, le Sénégal, membre fondateur de l’Organisation internationale de l’eau – titre acquis à Riyad en mai dernier – tente d’être sur la voie de la souveraineté dans le secteur de l’eau. La mise en service de l’usine de la Grande Côte pourrait être une des réponses.
Par Babacar Guèye DIOP