Ils sont historiens, anthropologues, économistes, sociologues, écrivains et même médecins, à faire découvrir au public, une facette de la vie d’Aline Sitoé Diatta. Ainsi, ils ont tous essayé de réactualiser jeudi, à l’occasion du symposium « la Dame de Kabrousse ».
« On a essayé de revisiter une figure féminine, en partant de ce que nous constatons. Les histoires de lutte de libération sont souvent ponctuées par une action invisible des femmes, souvent reléguées au second plan, lorsque viennent les moments de gloire. C’est toute la raison de ce pourquoi, nous avons dit que nous allions revisiter le legs d’une femme dont la parole a été étouffée à 24 ans », explique le Professeur François-Joseph Cabral, président du comité scientifique du Symposium sur Aline Sitoé Diatta.
Il s’agit, pour les organisateurs de ce rendez-vous scientifique, de « séparer l’accessoire de l’essentiel ». « Nous avons l’habitude de célébrer nos ancêtres avec trop de folklore. L’accessoire prend le dessus sur l’essentiel. L’essentiel pour nous, c’est de réécrire notre histoire et d’offrir ce récit à nos enfants. Et c’est la raison pour laquelle, un ouvrage sortira de ce qui s’est passé ici en 2023. Les presses universitaires de Dakar nous présenteront cet ouvrage dans les jours à venir », poursuit M. Cabral.
Pour évoquer l’essentiel, Robert Baum, Professeur d’études africaines aux États-Unis, a abordé la dimension spirituelle de Sitoé. « Dans mes recherches, j’ai trouvé qu’Aline Sitoé pensait qu’elle était l’envoyée de dieu. Elle entendait une voix qui lui demandait de retourner en Casamance pour mettre fin à la sécheresse en faisant un rite. Dans chaque village, il devait sacrifier un taureau noir. C’est de cette manière que la communauté devait prier dieu pour qu’il fasse tomber la pluie », raconte cet Américain qui a séjourné plusieurs années à Kabrousse pour retracer l’histoire d’Aline.
Sitoé : une figure toujours d’actualité
Professeur d’Histoire et géographie à la retraite et ancien proviseur du lycée Djignabo de Ziguinchor, Nouha Cissé, souligne qu’Aline Sitoé est toujours d’actualité. Car, il rappelle que déjà, dès les années 60-70, le mouvement patriotique et révolutionnaire au Sénégal a particulièrement manifesté sa volonté de conquête de l’autonomie et de l’indépendance du Sénégal. « C’est à l’époque où on parlait de la lutte contre le colonialisme, le néocolonialisme, le capitalisme… Et les grandes batailles ont été engagées. Différents courants de la gauche patriotique ont compris qu’il faut se mobiliser pour restaurer à notre pays sa dignité, restaurer à notre peuple sa souveraineté », a-t-il indiqué.
D’après M. Cissé, c’est ce qui a conduit beaucoup à investiguer l’histoire du Sénégal par opposition à l’histoire qui avait été enseignée depuis l’école coloniale. « Aline Sitoé a fait partie de ceux et de celles qui ont inspiré le peuple sénégalais dans la poursuite de la lutte pour l’autonomie et la souveraineté. Et en cela, elle est héroïne au même titre que les femmes de Nder, au même titre que Lat Dior, Alboury Ndiaye, etc. Donc c’est l’historiographie sénégalaise qui s’enrichit avec Aline Sitoé d’une héroïne de renom qui a pu effectivement faire bouger les lignes en Casamance », estime-t-il.
Mariama DIEME