À seulement 22 ans, Amadou Cissé pilote un projet novateur à l’École supérieure polytechnique de Dakar. Avec son équipe d’étudiants en génie mécanique, il lance “Aquatus” : une solution d’aquaponie intelligente, accessible et durable, conçue pour démocratiser une agriculture économe en eau et sans produits chimiques, du foyer urbain aux exploitations rurales.
Dans un contexte de raréfaction des ressources en eau et de pression croissante sur les écosystèmes agricoles, un groupe d’étudiants de l’École supérieure polytechnique (Esp) de Dakar propose une alternative durable et innovante : « Aquatus », un projet d’aquaponie adapté aux réalités locales. Selon le dictionnaire Larousse : c’est un système en circuit fermé qui associe l’élevage de poissons à la culture hors-sol de plantes, lesquelles assurent la filtration de l’eau en y puisant les nutriments produits par la décomposition des déjections des poissons. Issus des filières de génie mécanique, génie chimique, biologie appliquée, gestion et informatique, ces étudiants ont conçu un système qui conjugue ingénierie, écologie et impact social. Leur objectif : démocratiser l’agriculture intégrée grâce à des kits intelligents. Porté par Amadou Cissé, 22 ans, étudiant en master de génie mécanique, ce projet conjugue ingénierie, écologie et impact social pour démocratiser l’agriculture intégrée via des kits intelligents.
Expliquant la trouvaille, le jeune étudiant souligne qu’il s’agit d’un projet aquaponique qui allie aquaculture et pisciculture dans un circuit fermé, permettant une économie d’eau pouvant aller jusqu’à 90 %. « On utilise les déjections des poissons pour nourrir les plantes qui, à leur tour, filtrent l’eau et la renvoient aux bacs à poissons », explique Amadou Cissé. Grâce à ce système, dit-il, l’utilisation de pesticides et d’intrants chimiques est inutile, rendant le système à la fois écologique et durable. Le kit développé par l’équipe est à la fois simple à installer et sophistiqué dans sa conception. Il comprend un bac de 1 m³, capable d’accueillir entre 40 et 70 poissons. Ces derniers produisent des déchets riches en ammonium, transformés naturellement en nitrates, absorbés par les plantes. « Le principe est simple et puissant, chaque kit comprend des capteurs intelligents mesurant en temps réels les niveaux de pH, d’oxygène dissout, l’humidité ou encore le niveau d’eau, assurant la stabilité du système. C’est une forme d’agriculture assistée par la technologie. Il s’agit de combiner pisciculture et culture maraîchère dans un circuit fermé », explique Amadou Cissé.
Le projet « Aquatus » n’est pas réservé qu’aux experts. Il est disponible même pour les particuliers. « Des installations plus grandes ciblent les exploitants agricoles. Un bac d’un mètre cube peut accueillir jusqu’à 70 poissons et produire plusieurs cycles de plantes. Nous visons celles à cycle court comme le poivron, le gombo, la fraise, le piment ou l’hibiscus », a fait savoir M. Cissé. Il précise que les risques liés à la contamination sont maîtrisés grâce à la séparation physique entre les bacs de poissons et les substrats végétaux. L’idée est née d’un constat alarmant. En 2023, dans le programme Enactus, l’équipe d’ « Aquatus » effectue une mission d’immersion dans la zone de Passy. L’équipe d’étudiants découvre un problème aussi vital que récurrent : le manque d’eau. « Dans cette zone, les agriculteurs ne parviennent plus à faire des cultures hors saison. Les puits tarissent en quelques jours juste après la saison des pluies. C’était urgent de proposer une solution qui réduit la dépendance à l’eau », confie Amadou.
De cette prise de conscience sur le terrain est né le projet « Aquatus », qui repose sur le principe de l’aquaponie (une technique qui combine l’aquaculture et l’hydroponie pour élever des poissons et des plantes dans un même système). « C’est une solution innovante adaptée aux zones rurales défavorisées. Il est modulable aussi et peut bien convenir à une famille urbaine souhaitant cultiver sur sa terrasse qu’à un producteur agricole en milieu rural », a indiqué M. Cissé. Un modèle d’entrepreneuriat social L’équipe d’ « Aquatus » est composée de différents profils. Il s’agit du génie mécanique, génie chimique, biologie appliquée, gestion et informatique. Une complémentarité essentielle pour un projet aussi technique. « L’aspect biologique n’était pas notre spécialité au départ, mais nous avons multiplié les recherches, les visites et les collaborations avec des experts », raconte le porteur du projet.
Aujourd’hui, « Aquatus » vise plus loin. L’ambition de ses initiateurs est de créer des serres aquaponiques régionales, stimulant l’économie rurale tout en protégeant les ressources hydriques. Ils souhaitent accompagner une agriculture plus résiliente face au changement climatique. Le projet, comme le souligne Amadou Cissé, est un bon modèle d’entrepreneuriat. Le seul problème pour sa divulgation reste la recherche de financements. « Nous avons besoin de financements pour élargir notre gamme. À terme, nous voulons installer des serres aquaponiques à travers tout le pays. Cela nécessite, dans un premier temps, un financement de 50 millions de FCfa pour concrétiser cette vision ambitieuse », a confié M. Cissé. L’équipe prévoit également une formation initiale pour chaque bénéficiaire, un suivi et un accompagnement technique sur le terrain. « Chaque kit vendu est accompagné d’une formation initiale pour les bénéficiaires, ainsi que d’un suivi mensuel pendant six mois.
L’idée est de transmettre un savoir-faire, mais aussi de s’assurer de la viabilité à long terme des installations », informe le porteur du projet. L’équipe souhaite inscrire son action dans la durabilité afin de sensibiliser les populations et les acteurs du monde rural sur la gestion durable de l’eau, vulgariser des techniques agricoles écologiques, et contribuer à la sécurité alimentaire dans les zones défavorisées. « Nous voulons que notre projet dépasse le cadre de l’école. L’idée est de bâtir un modèle durable qu’on peut démultiplier un peu partout à travers le pays et montrer que la jeunesse sénégalaise peut innover pour répondre aux défis de demain », a indiqué Amadou Cissé.
Par Maguette Guèye DIÉDHIOU