L’État du Sénégal a, au titre de l’année 2024-2025, déboursé un montant global de plus de 90 milliards de FCfa, contre 82 milliards de FCfa en 2023, pour les allocations d’études universitaires et cela compte non tenu des fonds alloués aux bourses étrangères. Une enveloppe jugée très salée par le directeur des bourses. Jean-Amedé Diatta, dans un entretien avec « Le Soleil », révèle que la direction des bourses est en train de déployer des stratégies pour réorganiser le mode de paiement et mieux gérer le crédit budgétaire.
Au 30 septembre 2025, date du dernier paiement des allocations d’études universitaires, plus connues sous le nom de bourses, l’État du Sénégal a dépensé 90.139.330.000 FCfa dont 86,2 milliards de FCfa pour les bourses bancarisées, c’est-à-dire celles des établissements publics d’enseignement supérieur et 3,9 milliards de FCfa pour celles des effectifs qui en bénéficient dans le privé, au titre de l’année universitaire 2024-2025. Ces montants n’ont rien à voir avec l’enveloppe de 8,4 milliards allouée comme bourses étrangères, a déclaré Jean-Amedé Diatta, directeur des Bourses. Et l’enveloppe ne cesse de grimper d’année en année, car en 2023, celle-ci était de l’ordre de 82 milliards de FCfa. Dans un entretien avec « Le Soleil », il reconnait que cette facture est très salée et que la direction des bourses est en train de déployer des stratégies pour la gérer au mieux.
Justifiant les raisons, M. Diatta évoque, en premier, le chevauchement des années académiques né de la crise sanitaire de la Covid-19 et de la fermeture de certaines universités au Sénégal. Une situation qui a influé sur la gestion des crédits.
«On estime qu’il y a un problème lié au calendrier universitaire. Depuis le chevauchement des années académiques du fait de la Covid et de la fermeture de certaines universités, on n’est plus sur la même longueur, car les étudiants s’inscrivent durant presque toute l’année et cela a des conséquences. Chaque mois, on peut enregistrés presque 10.000 personnes qui intègrent le système alors que le mode de paiement n’a pas évolué. Jusque-là, on a gardé le système de paiement classique à savoir le paiement qui s’étale d’octobre à septembre. Cela pose problème. Plus on avance dans l’année, plus les montants augmentent et cela ne permet pas de contrôler nos crédits budgétaires», a expliqué Jean-Amedé Diatta. L’impact des inscriptions souvent effectuées au courant de l’année académique (février voire avril) reste également un facteur limitant dans la gestion des crédits, reconnait le directeur des bourses qui cite, en exemple, les 17.000 étudiants inscrits en avril 2024, en pleine année et qui ont coûté à l’État plus de 8 milliards de FCfa. Payer en fonction des dates d’inscriptions Face à cette situation, la direction des bourses, sous l’impulsion de son directeur, a décidé de réfléchir sur une réforme.
« On s’est dit, pour l’année 2025-2026, il va falloir réviser certaines pratiques, parmi celles-ci le paiement des retardataires, dont certains ne s’inscrivent qu’au mois de février. On a déboursé plus de 8 milliards de FCfa pour plus de 17.000 retardataires et c’est ce qui crève le déficit budgétaire », a souligné M. Diatta.
L’évolution croissante et rapide des dépenses portant sur les bourses nationales surtout, qui sont passées de 40 milliards de FCfa à plus de 90 milliards de FCfa, illustre bien cette problématique et interroger sur la nécessité d’envisager des mesures correctives qui, selon M. Diatta, auraient comme objectif majeur de préserver la viabilité de la prise en charge de la dépense de bourse et de l’apurement de la dette due à la banque.
« C’est-à-dire de payer les gens à partir du mois d’inscription et d’étaler celui-ci sur un an. Ce qui va permettre de mieux contrôler le crédit budgétaire. Et le décret est clair sur ce point. Cela veut dire que le calendrier de paiement d’un étudiant inscrit par exemple en avril sera différent de celui d’un autre inscrit en octobre. Mais au finish, il reçoit aussi sa bourse sur une année », a détaillé le directeur des bourses. En réalité, selon lui, cette nouvelle mesure que l’État propose ne retire rien à l’étudiant. « Nous voulons seulement réorganiser le mode de paiement et mieux gérer le crédit budgétaire, de contrôler la ligne et d’éponger la dette due à la Banque. Car si la ligne est saturée, c’est ce qui crée les retards. Aujourd’hui, si l’on veut que le système soit fluide, il faudrait qu’on accepte de revoir le mode de paiement. Mais on ne va rien devoir à personne », a-t-il fait savoir. Et sur ce point, des discussions sont engagées avec les étudiants. Le directeur des bourses compte sur la compréhension des uns et des autres pour soutenir cette réforme.
À côté de celle-ci, d’autres projets sont en cours d’études à la direction des bourses. « On a décidé de revoir la manière de travailler. L’idée, c’est de mettre en place une base de données numérisées entre la direction des bourses et les universités de telle sorte que, lorsqu’un étudiant s’inscrit, on dispose aussitôt de l’information. Ce projet de digitalisation va permettre de faire des économies, car il arrive que des bénéficiaires abandonnent et que l’information remonte tardivement à la direction des bourses », note Jean-Amedé Diatta. Le renforcement de la communication avec les étudiants est aussi un volet qui lui tient à cœur.
« Nous avons entrepris des descentes dans les lycées, dans les régions pour renforcer la communication avec nos administrés afin qu’ils comprennent mieux le système, les opportunités et comprendre qu’avoir le Bac avec la manière a un impact dans l’obtention de la bourse », a fait savoir M. Diatta. Aussi, des antennes sont en train d’être installées dans les universités pour permettre d’éviter certaines crises et avoir à portée des bureaux de réclamation. La direction des bourses a aussi un autre projet dénommé Fonds de solidarité globale dont l’objectif est de regrouper les anciens boursiers à travers une dynamique de solidarité collective. Des allocations pour l’excellence et le mérite Les critères d’attribution des bourses concernent ce que l’on appelle la bourse pédagogique, a précisé le directeur des bourses.
À côté de ces bourses pédagogiques, il y a les bourses sociales attribuées à des personnes ne remplissant pas les critères sus mentionnés ou en situation de vulnérabilité ou d’handicap. Dans les quotas de répartition, les 70% du montant global que décaisse l’État sont octroyés à la bourse pédagogique, le reste (30%) à la bourse sociale appelée encore aide du ministère. « Par exemple, au titre de l’année 2025, on a octroyé 20.688 dont 16.000 bourses pédagogiques et 5.688 bourses sociales.
À côté, on a aussi ce qu’on appelle les aides pour les non boursiers à savoir 100.000 FCfa par an et cette année 18.800 personnes en ont bénéficié », a déclaré Jean-Amedé Diatta, directeur des bourses. À titre indicatif, il informe que pour cette année en cours, sur les 74.000 bacheliers, 16.000 ont eu la bourse pédagogique, 5.688, la bourse sociale et 18.800 l’aide ministérielle.
Seydou Prosper SADIO

