Étudier dans une université et revenir pour y occuper de hautes fonctions est une aubaine qui n’est pas donnée à tout le monde. Dr Babacar Diop a eu cette chance. Cet alumni de l’Université Gaston Berger (Ugb) est, depuis juillet 2024, le directeur du Centre des œuvres universitaires et sociales de Saint-Louis. Une très grosse responsabilité que le sociologue de l’éducation, comme il se définit, compte remplir avec fidélité, abnégation, au grand bénéfice de la communauté universitaire de Saint-Louis. Dr Diop veut durablement la stabilité et la paix sociale pour pacifier notre espace universitaire.
Après plusieurs années passées en Suisse et au Canada, il a décidé de rentrer au Sénégal en 2017. Sans promesse d’emploi et sans beaucoup de ressources. Un pari risqué pour Babacar Diop. Parce que le natif de Gandiole, dans la région de Saint-Louis, a toujours cru qu’une fois sa thèse en poche, il avait plus à faire au Sénégal qu’ailleurs. C’est ainsi qu’il a pris le risque d’un retour au bercail. « Quand je suis arrivé au Sénégal, je suis resté trois mois à Gandiole. Je suis ensuite parti à Dakar où je dispensais des cours dans des écoles privées. Avec l’arrivée de la Covid-19, je suis rentré à Gandiole », explique-t-il. Trois mois plus, un coup de fil d’un de ses amis le sort de son hibernation. Il lui parle d’un projet avec l’Agence française de développement (Afd) et le ministère de l’Éducation nationale. Puis, direction Ziguinchor où ils ont ouvert, plus tard, un institut d’études sur les questions de genre. « Pendant 18 mois, nous avons travaillé à sillonner le Sénégal. C’était une très bonne expérience parce que ça nous a permis de mieux connaître le pays. Et en même temps, je continuais mon engagement politique. C’était un peu difficile parce qu’il fallait faire chaque mois la navette entre Ziguinchor, Saint-Louis et Dakar ». Puis, dame chance lui a souri. Elle a tapé à sa porte après la Covid-19. Babacar Diop a été recruté à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar comme enseignant à la Fastef. Et deux ans plus tard, sa nomination à la tête du Crous est tombée. « Je suis revenu à Saint-Louis avec un détachement. Chaque jeudi, je vais à Dakar pour faire cours et revenir », précise-t-il.
La pacification de l’espace universitaire, le grand défi
En choisissant de rentrer au bercail, Dr Babacar Diop a fait un véritable don de soi. « Quand on vit dans un pays comme la Suisse, où on a la sécurité, où on peut gagner normalement sa vie, ce n’est pas toujours évident de rentrer. Mais à un certain moment, je me suis dit que je ne pouvais pas terminer ma thèse, faire dix ans à Genève et continuer à être assistant de recherche. Ce n’est pas ce que je voulais. Mon objectif, c’était de rentrer et servir mon pays plutôt que de rester en Europe pour y jouer les seconds rôles », renseigne-t-il. C’est avec cet esprit-là qu’il est rentré au Sénégal en 2017. Et Dr Babacar Diop ne regrette pas son choix. Au contraire, il estime qu’il aurait dû le faire beaucoup plus tôt même. « Je pense que c’est en ayant foi à mon pays, en ayant foi à mes compétences aussi que je l’ai fait. Je savais que tôt ou tard, les portes allaient s’ouvrir et les choses se sont faites naturellement », fait savoir Dr Babacar Diop, partagé entre plaisir et satisfaction d’être un alumni de retour à l’Ugb.
Pour Dr Babacar Diop, c’est un avantage d’avoir été étudiant à l’Ugb et y revenir en tant que directeur du Crous. « C’est un avantage quelque part parce que tout simplement, on est confronté aux mêmes problèmes que quand on était étudiant. Donc quand on revient, on connaît déjà le milieu et on a déjà vécu ces problèmes-là. C’est ce qui fait qu’il faut moins de temps pour comprendre là où il faut agir », relève-t-il. Mais, de l’autre côté, soutient-il, ça peut être un piège, parce que, croit-il savoir, les gens vont être beaucoup plus exigeants par rapport à quelqu’un qui ne connaît pas le milieu. « C’est à ce niveau-là que se trouve le problème, mais c’est un défi qu’il faut relever et je pense qu’après dix mois, nous sommes en train de faire notre petit bonhomme de chemin », assure Dr Diop qui estime que sa nomination est, en grande partie, le fruit de son engagement politique. Mais pas que. « Je pense que c’est lié aussi au fait que les nouvelles autorités ont espoir que mon profil collait à ce poste-là et que j’avais des compétences pour pouvoir manager le Crous », indique-t-il.
La touche que le Dr Babacar Diop compte apporter, ce sera dans le style du management. La digitalisation des services du Crous sera également un grand défi à relever pour le directeur du Crous. « La digitalisation, c’est quelque chose d’essentiel, surtout qu’aujourd’hui, au rythme où vont les choses dans le monde, on n’a pas d’autre choix », indique-t-il. « Je pense que nous avons la chance d’arriver à un moment où les gens parlent de digitalisation, mais aussi de rationalisation de nos ressources. Ce sont deux volets sur lesquels je vais plus m’appesantir pour réaliser énormément de choses », fait remarquer Dr Babacar Diop qui compte s’employer corps et âme pour que la stabilité de l’Ugb soit assurée. « Parce que sans stabilité et sans paix sociale, rien de grand ne peut se réaliser. Je pense que c’est ce dont nous avons besoin ; un besoin de pacifier notre espace universitaire. Et du point de vue de mon style de management, je pense que c’est quelque chose que j’ai à l’esprit. Parce que quand on est très facile d’accès par rapport à nos étudiants, ça nous permet de pouvoir désamorcer les crises qui pouvaient se soulever », soutient Dr Babacar Diop qui ambitionne de maintenir le culte de l’excellence à l’Université Gaston Berger, à travers le volet social, notamment par la prise en charge médicale, l’animation culturelle et sportive, l’hébergement et la restauration. « Jour et nuit, nous nous battons à assurer ces quatre missions-là au service de nos bénéficiaires », note le directeur du Crous.
Un bon Gandiolais
Docteur Babacar Diop qui se définit comme un enseignant-chercheur, un sociologue de l’éducation, se considère comme un bon Gandiolais. Parce que tout simplement, c’est dans cette contrée qu’il est né et où il a grandi. Il y a également fait ses humanités. « J’ai fait l’école coranique à Gandiole jusqu’à l’âge de 7 ans. Après, je suis allé à l’école élémentaire. J’alternais les deux en même temps jusqu’à mon entrée en sixième, en 1996. Je suis ensuite parti à Dakar rejoindre un oncle, qui est comme un père ». C’est à la capitale qu’il a fait son cursus secondaire. Babacar Diop a décroché son bac au lycée des Parcelles assainies. C’était son billet retour pour Saint-Louis. En 2004, Babacar Diop est revenu à Saint-Louis comme étudiant à l’Université de Gaston Berger, en section sociologie. De 2004 à 2007, il a décroché une licence qui lui permettra d’aller poursuivre ses études à l’étranger. En Suisse notamment. À Genève, il a intégré l’Institut de hautes études internationales et du développement où il a fait un Master en études du développement et relations internationales, suivi d’un autre Master en analyse et intervention dans les systèmes éducatifs, à l’Université de Genève. Il s’en est suivi une thèse en sciences de l’éducation. Babacar Diop s’est intéressé à la Réforme de l’enseignement supérieur au Sénégal, avec la réforme Lmd. « En 2013, je suis parti au Canada où je suis resté six mois. Je suis ensuite rentré à Genève pour terminer ma thèse en 2016. J’y ai travaillé dans des Ong et à l’Université comme assistant de mon directeur de thèse », renseigne Dr Babacar Diop, qui s’est engagé en politique en 2017-2018. Il est tombé sous le charme du parti Pastef après avoir écouté une émission de Ousmane Sonko sur la radio Sud Fm. Mais, précise-t-il, c’est la visite de Birame Souley Diop qui a créé le déclic.
Depuis, Dr Babacar Diop milite à Gandiole ; une contrée où personne ne le connaissait, avant 2019, comme homme politique. « Il y avait des gens capitalisant une expérience politique de plus de 10 voire 20 ans. Mais mon principal défi, c’était qu’il fallait d’abord exister. Je pense que quand on regarde les résultats enregistrés à Gandiole en 2019 et le travail de terrain avec une petite équipe qui nous a permis de sillonner tout le Gandiole, nous avons pu récolter des résultats très honorables, malgré le fait que nous n’ayons pas de passé politique. Je pense que les résultats de Pastef à Gandiole étaient beaucoup plus commentés que d’autres résultats », estime-t-il. Et son engagement lui a donné raison. « Quand nous lancions le parti à Gandiole, nous étions trois ou quatre membres. Les gens nous raillaient, disant que nous nous fatiguions pour rien. Ironie du sort, notre parti est arrivé en troisième position lors de la présidentielle de 2019. Après plusieurs péripéties, nous avons senti que la mayonnaise a pris et Pastef à Gandiole est devenu comme Pastef au niveau national », se réjouit Dr Babacar Diop. Selon lui, l’élection présidentielle de 2019 a été sa plus belle expérience en politique ; même si celle de 2024 a été magnifique.
Par Samba Oumar FALL