Lauréate du prestigieux Prix L’Oréal-Unesco pour les femmes en science, Ndèye Maty Ndiaye incarne une nouvelle génération de scientifiques africaines qui allient excellence, engagement et innovation. Spécialisée dans les nanomatériaux pour le stockage d’énergie, cette physicienne sénégalaise rêve d’un continent autonome sur le plan énergétique. De Pretoria à Drexel, de Dakar aux zones rurales du Sénégal, elle fait rayonner une science ancrée dans les réalités africaines, portée par une vision panafricaine et un combat quotidien pour l’inclusion des femmes dans les Stem (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques).
Sur les hauteurs feutrées des laboratoires de l’Université Cheikh Anta Diop, une femme fait bruisser d’espoir l’univers discret de la recherche scientifique africaine. À la croisée des chemins entre science, engagement et résilience, le parcours de Dr Ndèye Maty Ndiaye incarne un souffle nouveau : celui d’une Afrique qui innove, s’autonomise et puise dans ses ressources pour dessiner un avenir énergétique propre et durable.
Ndèye Maty Ndiaye n’a jamais douté du pouvoir de la science pour transformer les vies. Issue d’un milieu où l’accès à l’énergie restait un luxe dans bien des foyers, elle a très tôt perçu l’urgence de penser autrement l’électricité. « Ma motivation profonde est née de la volonté de contribuer à un avenir énergétique durable pour l’Afrique et le monde, en particulier au Sénégal », confie-t-elle, avec calme et détermination.
Formée à l’Ucad, où elle décroche un master en physique de la matière condensée, la chercheuse sénégalaise se distingue rapidement. Sa passion l’emmène jusqu’en Afrique du Sud, à l’Université de Pretoria, grâce à une bourse de l’Owsd (Organisation pour les Femmes en Science pour le Développement). Là, elle se spécialise dans les matériaux pour le stockage d’énergie. Sa thèse de doctorat marque le début d’un engagement scientifique de haut niveau, au service des défis africains. En 2021, le Prix L’Oréal-Unesco pour les femmes en science – Talents d’Afrique subsaharienne met en lumière ses recherches sur les matériaux durables issus de la biomasse. L’année suivante, c’est une distinction encore plus prestigieuse qui la propulse sur la scène mondiale : le Prix international Rising Talent. « Cette visibilité a permis d’attirer l’attention sur les enjeux spécifiques de notre continent en matière d’innovation énergétique », explique-t-elle avec humilité.
Son postdoctorat à Drexel University, aux États-Unis, dans le cadre du programme Faculty for the Future de la Fondation Schlumberger, lui permet de travailler sur des technologies de batteries de pointe. Mais elle n’oublie jamais ses racines ni sa mission. De retour à Dakar, elle s’investit au sein du Laboratoire Photonique Quantique Énergie et Nanofabrication (Lpqen), qu’elle contribue à dynamiser avec énergie.
L’un de ses projets phares, la conception de batteries à partir de biomasse locale faite à partir de coques d’arachide, de balles de riz ou encore de résidus végétaux. Un pari audacieux, mais déjà fructueux. « Nous avons validé le concept avec des résultats très prometteurs, publiés dans des revues scientifiques internationales », se félicite-t-elle. Des tests électrochimiques réalisés dans les laboratoires sénégalais démontrent l’efficacité de cette solution, pensée pour fournir une énergie propre, verte et bon marché aux zones rurales.
Cette ambition ne va pas sans obstacles. « Les défis sont principalement d’ordre financier et infrastructurel. Il nous manque encore des équipements de caractérisation avancée, indispensables pour affiner nos recherches ». Mais avec détermination, elle multiplie les partenariats internationaux pour pallier ces manques et continuer à avancer.
Une voix forte pour les femmes en science
La réussite de Dr Ndiaye n’est pas seulement celle d’une scientifique brillante. C’est aussi celle d’une militante pour l’égalité des chances et la valorisation des femmes dans les filières scientifiques. Elle s’engage dans plusieurs organisations et multiplie les initiatives pour accompagner les jeunes filles vers les carrières Stem (science, technologie, ingénierie et mathématiques). « Les freins sont encore nombreux : stéréotypes, manque de modèles féminins visibles, difficultés de conciliation vie professionnelle et personnelle. Il est essentiel de soutenir et de valoriser les parcours féminins en science », martèle-t-elle. À travers son statut d’enseignante-chercheuse à l’Ucad, elle devient un modèle accessible, une présence bienveillante dans les amphithéâtres et les laboratoires.
Mais derrière cette ascension, il y a aussi des figures silencieuses. « J’ai eu la chance d’être entourée de leadeurs inspirants, comme mon mari, professeur d’université, et le Pr Balla Diop Ngom. Leur passion et leur engagement m’ont guidée dans les moments de doute. » Ce réseau de soutien, qu’elle entretient avec reconnaissance, lui permet de concilier sa vie professionnelle et personnelle. Mère et chercheuse, elle admet : « Ce n’est pas facile, mais j’y parviens grâce à une bonne organisation, une gestion rigoureuse du temps et un entourage solide. »
Loin de se contenter des réussites personnelles, Dr Ndiaye porte une vision ambitieuse pour l’avenir scientifique du continent. « Je crois en une Afrique innovante, capable de transformer ses ressources naturelles en solutions technologiques durables. » Son rêve, c’est de bâtir un réseau panafricain de centres de recherche interconnectés, porté par une jeunesse audacieuse, des femmes puissantes et des chercheurs visionnaires.
Une vision panafricaine de la science
À moyen terme, elle se projette comme actrice d’un changement à grande échelle. « Dans cinq à dix ans, je souhaite élargir mes projets, intensifier les collaborations et contribuer à l’industrialisation des solutions développées. Mon ambition est de consolider une dynamique durable d’innovation au service de l’Afrique », projette la jeune chercheuse.
À celles qui hésitent encore à se lancer dans les métiers scientifiques, elle adresse un message simple et puissant : « Croyez-en vous. Ne vous laissez pas décourager. Trouvez des mentors. Osez rêver grand. » Et surtout, dit-elle, « engagez-vous pleinement dans vos projets. La curiosité, la persévérance et la passion sont les clés. » Dans un monde en quête de solutions nouvelles face aux urgences climatiques et aux inégalités énergétiques, la voix de Dr Ndèye Maty Ndiaye résonne comme une promesse. Celle d’une science africaine ancrée dans les réalités locales, mais ouverte sur le monde. Une science féminine, ambitieuse, solidaire, qui éclaire, inspire et transforme.
Par Daouda DIOUF