Faut-il recourir à la punition pour exhorter les enfants à la discipline et à la rigueur ? Si cette question suscite des réactions diverses, elle dégage une position commune chez les éducateurs : les punitions physiques n’ont jamais produit les effets escomptés. Ils reconnaissent les limites de la violence éducative et proposent des alternatives pour façonner un citoyen modèle.
L’avènement des nouvelles technologies de l’information pousse de plus en plus les parents à s’interroger sur le type d’éducation à choisir pour bâtir un citoyen modèle. Nombreux sont ceux qui craignent rater le coche avec une perte en vitesse de l’éducation dite traditionnelle. Celle-ci se fondait généralement sur la violence dite éducative. Elle est présentée, par les experts, comme cette violence physique et ou verbale, partie intégrante de l’éducation à la maison et dans tous les lieux de vie de l’enfant. Mais pour des éducateurs que nous avons contactés, les mutations sociales imposent de nouvelles règles aux parents. Ibrahima Samba, professeur de français au lycée d’excellence, le Prytanée militaire de Saint-Louis (Pms), confirme cet état de fait. « Il est clair qu’aujourd’hui, le système éducatif interdit cela parce que la relation pédagogique ne doit pas aller jusqu’à toucher le corps de l’enfant ; que ce soit dans le sens d’une caresse sur la joue ou sur toute autre partie du corps ; que ce soit dans le sens d’une gifle ou bien d’un pincement sur le corps de l’enfant qui est sacralisé par les nouvelles lois et les nouvelles règles », explique-t-il.
La pédagogie, fait-il savoir, doit se faire dans une façon de conduire l’enfant vers le savoir, le savoir-faire, savoir-être et non de manière violente. « Évidemment, le pédagogue a les moyens, comme le parent, d’user de certaines formes de privation, certaines formes de menace, etc. Mais, il ne peut plus en tout cas utiliser la violence contre l’enfant, même si c’est pour l’amener vers des situations meilleures », note M. Samba. Sa position est partagée par Amy Cissé, coach de vie, par ailleurs militante des droits des enfants. Elle précise d’emblée qu’il n’y a pas d’éducation standard. « Nous devons accepter notre imperfection en tant que parents et revoir notre copie. Nous voulons tous des enfants parfaits, mais ce n’est pas possible, cela n’existe pas. Il faut s’atteler à développer le sens de l’écoute et à créer des liens avec eux pour une communication fluide.
La violence est une atteinte à la dignité de l’autre, elle est contreproductive. Nous avons la fâcheuse habitude de nous déverser sur nos enfants quand on a des soucis ailleurs », soutient-elle. Enseignant de formation et ancien secrétaire exécutif du bureau Afrique de la Fédération internationale des syndicats de l’enseignement (Fise), Djibril Gningue préconise des solutions adaptées aux temps actuels. « Je pense que c’est passé de mode de frapper les enfants, il faut miser sur le sens de l’écoute, la bienveillance, l’éducation par les valeurs familiale et sociale, en l’absence de l’éducation morale et de l’éducation civique à l’école, qui existait jusqu’à une période récente », relève Djibril Gningue. Au niveau des familles, soutient-il, il y avait une éducation morale qui faisait appel aux différentes valeurs, la violence était brandie comme une sorte de mise en garde, mais elle n’était pas systématique. Celle-ci, précise M. Gningue, est devenue une alternative quand il y a eu défaillance à ces niveaux. « Cela n’a jamais donné les résultats attendus d’autant plus que la rue et les réseaux sociaux ont pris le relais », estime M Gningue.
Pour lui, comme pour le Dr Massamba Guèye, la violence a toujours constitué l’ultime recours dans les sociétés africaines. « Nous ne sommes pas une société violente avec les enfants, nous sommes une société de correction (douma en wolof) est différent de (dor ou frapper). On passe toujours par toutes les étapes avant de frapper légèrement l’enfant. On utilise généralement les brindilles de balai à la place du bâton ou de la cravache pour ne pas faire mal. Il est même interdit, dans notre culture, de gifler l’enfant. Notre société est faite de sorte que les punitions corporelles sont interdites. Elles se font exceptionnellement ». Il propose, dans ce sillage, les techniques du défunt guide des mourides, le vénéré Serigne Saliou Mbacké. Il disait : « si on doit frapper un seul enfant pour lui enseigner quelque chose, je préfère fermer tous les daaras ». Et le Dr Massamba Guèye d’ajouter : « il avait su créer un environnement bienveillant mais normé, ce qu’il faut faire pour que l’enfant soit conscient de ses limites ».
Par Matel BOCOUM