Le Grand-mother project (Gmp-changement par la culture) est un programme unique dans le département de Vélingara. Déroulé depuis 2008, il offre aux grands-mères des villages environnants l’occasion de dispenser des cours axés sur les valeurs culturelles en milieu scolaire.
Mariama Mballo est originaire de Saré-Yeroyel. Un village situé à 3 kilomètres Vélingara. Âgée de 58 ans, la dame est venue donner des cours à l’école privée Saint-Joseph. Elle est accueillie avec tous les honneurs par le maître et les apprenants. D’emblée, les élèves chantent les louages de la grand-mère. Après cet intermède musical, les enfants partent s’asseoir. Ici, les tables bancs ont vite cédé la place à la traditionnelle natte comme en famille. Chaque lundi, de 8 heures à 9 heures, les mamies prennent le pouvoir dans les écoles. Pendant une heure, Mariama Mballo explique, à travers des contes, l’importance des valeurs. Ce jour-là, la solidarité a été à l’honneur avec des jeux d’éveil. Après ce cours, la quinquagénaire reprend le chemin de son village avec le sentiment du devoir accompli.
Ces cours s’inscrivent dans le cadre du programme dénommé Grand-mother project (Gmp-changement par la culture). Il vise à intégrer des valeurs positives à l’école à travers le dialogue intergénérationnel. Les grands-mères viennent dans des écoles pour enseigner les valeurs culturelles. « Les grands-mères ont des connaissances, mais nous avons compris qu’il fallait les valoriser pour faire éclore ce potentiel. Il était important qu’elles puissent savoir qu’elles ont de la valeur et que leurs savoirs sont utiles. Elles ont eu à bénéficier de formations pour les préparer avant qu’elles commencent les cours », a expliqué Aliou Sall, le chargé de l’intégration des valeurs culturelles et positives à l’école.
Plus de 200 grands-mères impliquées
« Ce programme est très important. Il nous permet de transmettre notre savoir-faire aux plus jeunes et d’être utiles », a témoigné Mariama Mballo, la cinquantaine révolue. L’utilité du programme est également saluée par Siranding Baldé. L’élève de 14 ans affirme que Gmp lui a permis d’être plus attentive face au monde qui l’entoure en tant que jeune. « Depuis que j’ai commencé à côtoyer les grands-mères, cela m’a beaucoup aidée à être plus attentive face au monde qui m’entoure et à murir en tant que femme », a relevé la collégienne.
Le programme est présent dans quatre communes à Vélingara. Kandia avec 34 écoles, Nemataba avec 21 écoles, Vélingara avec 8 écoles et Saré Coly Sallé depuis deux ans avec six écoles Unique en son genre, il est déroulé depuis 2008 dans le département sous l’initiative de Judi Aubel, sa directrice. « Une soixantaine d’écoles en sont bénéficiaires et plus de 200 grands-mères sont impliquées », a souligné Aliou Sall. Les enseignants sont également au premier plan dans la mise en œuvre. « Nous faisons comprendre aux enseignants que l’enseignement des valeurs est reconnu et est pris en charge par le curriculum de l’éducation de base. Ils ont des exercices à faire pour enseigner certaines valeurs à travers les contes et devinettes », a fait savoir M. Sall. À l’en croire, ces méthodes d’implication des grands-mères ont donné des résultats scolaires satisfaisants. « Elles sont aussi au cœur de la sensibilisation de phénomènes tels que les mariages et grossesses précoces ainsi que les mutilations génitales féminines. Les grands-mères ont compris qu’elles ont un rôle à jouer dans l’éducation des enfants et prennent à cœur cette responsabilité », a-t-il souligné.
Sensibilisatrices de la première heure
Le programme ne se limite pas seulement à inviter les grands-mères à l’école. Elles font aussi dans la sensibilisation. Elles tiennent régulièrement des séances de communication sur certains phénomènes comme les mariages et grossesses précoces. C’était le cas, le 19 novembre dernier, lors de notre passage. Ces discussions tenues devant l’ambassadrice du Royaume des Pays-Bas au Sénégal, Carmen Hagenaars, visent à montrer l’impact de Gmp.
Assises sur des nattes face aux jeunes filles, à l’ombre des manguiers, elles forment un cercle, symbole d’unité et de sobriété. Ces femmes du village de Saré Soukandé dans la commune de Saré Coly Sallé (4 km de Velingara) ont animé un cours assez particulier à l’école Sinthiang Ouinor. En langue pulaar, l’animatrice explique d’abord aux grands-mères le phénomène de grossesse précoce à travers des jeux interactifs. Un peu plus loin, les jeunes filles de l’école suivent avec attention ce cours assez spécial.
La deuxième partie de la séance consiste à donner la parole aux jeunes filles. Une occasion, pour ces jouvencelles, à travers un sketch, de sensibiliser sur le phénomène des mariages précoces et de montrer l’apport des grands-mères dans le plaidoyer. « Ce projet est d’une grande utilité pour nous, car cela nous a rapprochés de nos grands-mères. Il y a une réelle interaction entre nous », témoigne Mariama Diallo, élève en classe de CM2. Pour Oumou Baldé, une autre grand-mère, le projet Gmp leur a permis de se sentir valorisées dans la société à travers l’éducation et la sensibilisation des jeunes générations. « Nous avons l’occasion de discuter à l’école avec les jeunes filles et cela permet de prévenir les grossesses précoces, mais aussi de lever les barrières intergénérationnelles », reconnait la quinquagénaire.
Le programme dénommé Grand-mother project (Gmp-changement par la culture) est financé par le Royaume des Pays-Bas au Sénégal. « Ce sont des échanges très importants, car elles abordent des sujets sensibles. C’est là où le rôle de Gmp est intéressant, parce qu’il aide à lever le voile sur ces tabous », a magnifié Carmen Hagenaars, l’ambassadrice du Royaume des Pays-Bas au Sénégal. Cette dernière a relevé l’importance que son pays accorde à l’accompagnement de ces dialogues intergénérationnels dans ces communautés. « Nous comptons inscrire notre collaboration dans la durabilité, car le changement est graduel », a-t-elle indiqué, remerciant le village de Saré Soukandé pour son accueil et son hospitalité.
Par Arame NDIAYE (de retour de Vélingara)