Au Sénégal, on dénombre plus de 5.200 établissements d’enseignement privé. Cependant, si ce secteur est indispensable dans la scolarisation des enfants, il demeure majoritairement informel. En effet, une étude menée par le cabinet Osmose démontre que seuls 9 % de ses établissements sont formalisés. L’écrasante majorité ne détient ni Ninea ni registre de commerce et ne s’acquittent pas de leurs obligations fiscales. Face à cette situation, le Conseil des acteurs et partenaires de l’enseignement privé va lancer, le 18 décembre prochain, en partenariat avec ledit cabinet, un programme inédit de mise en conformité administrative, fiscale, comptable et sociale. Une démarche structurante soutenue par les autorités et accueillie avec un vif intérêt dans tout le pays.
Parmi les piliers du système éducatif sénégalais, l’enseignement privé occupe une place désormais incontournable. Avec plus de 5.200 établissements répartis sur l’ensemble du territoire, il accueille, aujourd’hui, près d’un tiers des élèves du pays et emploie plus de 40.000 enseignants. Pourtant, derrière cette force de contribution, les chiffres révèlent un secteur qui nage dans un flot de paradoxes. En effet, selon une étude du cabinet d’expertise comptable Osmose, la majorité de ces structures évoluent en dehors des cadres administratifs, fiscaux et sociaux définis par l’État.
En termes plus clairs, 90 % des établissements n’ont ni Ninea ni registre de commerce. Pis, 70 % ne tiennent aucune comptabilité organisée et plus de 80 % ne déclarent pas leurs obligations fiscales. C’est pour répondre à ces lacunes que le Conseil des acteurs et partenaires de l’enseignement privé (Capep), en partenariat avec ledit cabinet va lancer, le 18 décembre prochain, un programme national inédit de mise en conformité administrative, comptable, fiscale et sociale des écoles privées.
Une initiative soutenue par les autorités administratives et saluée comme l’une des plus importantes réformes structurantes du sous-secteur depuis plus de deux décennies. « Le projet vise à accompagner la formalisation administrative, juridique, fiscale, comptable et sociale des établissements de l’Éducation nationale avec une priorité accordée au préscolaire, scolaire et au secondaire privé au Sénégal. Il s’inscrit dans une dynamique de transformation structurelle du sous-secteur de l’enseignement privé, en parfaite cohérence avec les réformes fiscales en cours et l’agenda national de modernisation du système éducatif. À terme, l’objectif est clair : permettre à chaque établissement de se structurer, de se moderniser et d’obtenir une reconnaissance pleine et entière de l’État, afin de renforcer sa pérennité et d’améliorer la qualité des services rendus aux apprenants », explique Amadou Arame Diagne, patron d’Osmose. Le Capep, un acteur devenu stratégique
Créé en 2009 par le ministère de l’Éducation nationale, le Capep devait initialement servir d’interface entre les établissements privés et les autorités académiques. Quinze ans plus tard, il en est devenu la cheville ouvrière. Son président, Abasse Ndour, rappelle l’essence même de cette institution : « Le Capep a été créé pour structurer et accompagner un sous-secteur en pleine expansion. Aujourd’hui, il regroupe plus de 5.200 établissements à travers les 46 départements du pays et assure des missions essentielles : appui administratif, renforcement de capacités, médiation avec les autorités et promotion de la qualité dans l’enseignement privé ». Cette mission prend une importance croissante au regard des défis auxquels les promoteurs privés doivent faire face.
Un diagnostic alarmant qui révèle un secteur vital, mais massivement informel. « Le constat est sans ambiguïté : le secteur est indispensable, mais il est massivement informel dans la formalisation. En plus des chiffres cités supra qui illustrent l’ampleur de la situation, une grande majorité du personnel n’est ni affiliée à l’Ipres ni à la Caisse de sécurité sociale. Nous avons donc un secteur vital, mais vulnérable, qui doit impérativement être structuré et sécurisé », martèle Abasse Ndour. Pourquoi une formalisation si faible ? Plusieurs facteurs expliquent cette informalité persistante, argue le président du Capep. D’abord, il cite la croissance très rapide des écoles privées, souvent créées pour répondre à une demande sociale pressante, qui a dépassé les capacités d’encadrement institutionnel. « Beaucoup de promoteurs se sont lancés sans formation en gestion administrative ou fiscale », précise-t-il.
Ensuite, il insiste sur les procédures de formalisation qui sont souvent perçues comme complexes, lourdes et coûteuses. « Dans les faits, nombre d’entrepreneurs de l’éducation ne savent tout simplement pas vers quelles structures se tourner pour régulariser leur situation », justifie-t-il. Enfin, il insiste sur cette crainte répandue et persistante qui fait croire à bon nombre de chefs d’établissement que la mise en conformité augmente les charges financières, « alors qu’elle constitue, au contraire, une condition essentielle pour protéger et développer l’établissement », selon lui. « En réalité, la formalisation protège, sécurise, crédibilise et ouvre des opportunités. Elle est un levier, pas une contrainte », souligne le président du Capep.
Les avantages de la conformité
Le programme lancé par le Capep et Osmose Audit & Conseils propose un accompagnement intégrant audit administratif et juridique, mise en place d’une comptabilité conforme, régularisation fiscale et sociale, appui pour les procédures de reconnaissance administrative et préparation à l’accès au financement bancaire.
L’enjeu est de faire entrer le secteur dans une dynamique de modernisation et de professionnalisation. Ainsi, avance Abasse Ndour, président du Capep, les établissements qui s’engagent dans la formalisation peuvent accéder à de nombreux avantages comme la reconnaissance administrative et pédagogique facilitant leur fonctionnement légal, l’accès au financement bancaire, notamment via le Fongip, la Bnde et les services financiers décentralisés, la protection sociale du personnel, essentielle pour stabiliser les équipes pédagogiques, l’amélioration de la gestion financière, gage de transparence et de durabilité ; la réduction des risques juridiques, fiscaux et sociaux, souvent ignorés, mais potentiellement lourds. « Et pour les promoteurs, c’est un moyen de sécuriser leur investissement et pour le personnel, une garantie de droits sociaux. Pour les familles, un gage de qualité et de stabilité », précise-t-il.
Elhadji Ibrahima THIAM

