Promues par l’Etat grâce à de nombreuses initiatives pour qu’elles puissent s’engager en masse dans les séries et filières scientifiques, les filles ont maintenant compris, qu’il n’existe aucun frein à la réussite et que les sciences ne sont pas une affaire de genre. Aujourd’hui, elles ont brisé les stéréotypes et se retrouvent en grand nombre dans les sciences au moyen, secondaire et même dans l’enseignement supérieur.
« Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre », disait l’une des premières femmes scientifiques au monde, la polonaise Marie Curie. Au Sénégal, ces dernières décennies, les filles ont fini par comprendre, que les sciences ne sont pas uniquement réservées aux hommes. Aujourd’hui, loin des idées reçues et des préjugés, elles embrassent massivement les séries et filières scientifiques. Et la composition des salles de classe au lycée de Hann l’illustre à souhait. Ici, les filles sont majoritaires dans les classes scientifiques, notamment la Seconde S B et la Terminale S2 où nous avons assisté à des cours avec les élèves.
Il est 13 heures, c’est la reprise des cours après une pause de 30 mn au lycée de Hann. Nous sommes en 2nd S B. Dans cette salle les premières tables-bancs de toutes les rangées sont occupées par des filles. Et, à la dernière rangée en face de la table des professeurs, elles occupent la première loge, laissant les garçons occuper les deux dernières tables.
En grande partie, voilées elles sont assises à deux parfois trois sur les tables-bancs. C’est l’heure du cours d’Histoire et de géographie (Hg). Le professeur avec ses copies et une règle à la main, entre dans la salle et se dirige vers la table qui leur est réservée. Il pose ses affaires et se tourne vers les élèves qui étaient debout pour le saluer. « Bonjour Monsieur ! », lancent-ils en chœur. « Bonjour. Asseyez-vous » ; répond le Professeur à son tour.
Un garçon se lève, aussitôt et se met à effacer le grand tableau peint en vert. Pendant ce temps, le Professeur ouvre son sac, sort un sachet noir avant de lancer à l’endroit des élèves qui chuchotaient encore : « Nous allons corriger le devoir. Je vais vous remettre vos copies et la meilleure note est 17,5 ».
Un défi à portée de main
Une phrase qui a changé l’ambiance occasionnant dans la foulée quelques minutes de silence dans la salle. «17,5 !», répètent spontanément les élèves. « Non, c’est 18,5, non plutôt 19 », rétorque le Professeur. « Fatou Faye, 19 », poursuit-il. Ce fut un moment d’acclamations de la part de ses camarades. Assise sur la première table, au troisième rang, son foulard rose juste posé sur la tête, elle se dirige vers le Professeur prend sa copie, esquisse un petit sourire et retourne à sa place.
Pour ce 3e devoir d’HG, leur professeur Ibrahima Niang renseigne que 28 filles sur les 36 de la classe, ont une moyenne supérieure ou également à 10 sur 20. Pendant, le cours, elles participent aussi bien que leurs camarades garçons.
Après plus d’une heure passée avec les élèves de Seconde S B, nous nous sommes rendues à la TS2, au premier étage de ce bâtiment situé en face du terrain de basquet de l’établissement. Ici, l’ambiance est plus contractée. Le professeur de Mathématiques écrit un tableau et les élèves recopient en silence. De temps en temps, il se retourne, pose des questions aux élèves et poursuit. A l’instar de la Snd S B, les filles sont également, plus nombreuses en TS2 et occupent les premières rangées. Elles sont 23 sur le total de 36 élèves.
Des préjugées, ces filles ont eu à les entendre au moment de faire leur choix. « On nous disait certes, que les mathématiques sont dures et c’est vrai. C’est dur, mais, on gère. Au début, on m’avait dit que les mathématiques, c’est difficile. Cependant, on tient encore le coup. Je ne suis pas trop forte dans les matières littéraires, car je n’aime pas trop mémoriser les leçons », confie à la fin du cours, Ndèye Marie, élève en Terminale S2. Assise à côté d’elle, son camarade Ndiémé Codou Dème confirme et se montre plus déterminée à aller jusqu’au bout de ses rêves. « J’adore les mathématiques et cela depuis l’école primaire. En plus, j’ai été influencée par mon grand frère, l’ainé de ma famille qui m’a surtout motivée à choisir les sciences. Je savais que je pouvais le faire. Inchallah, je vais y arriver et après le Bac, je vais poursuivre des études en médecine. Naturellement, j’ai toujours eu le soutien de ma famille, de mes amies. On travaille en groupe lorsqu’on a des devoirs ou on prépare les compositions », renchérit-elle toute souriante.
Ayant déconstruit mythe et idées reçues au moyen et secondaire, les filles se montrent plus dévouées dans les sciences à l’université. A la Faculté de Médecine, de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), elles s’engagent à aller au moins jusqu’à la soutenance de leur thèse. « J’ai toujours été attirée par les séries scientifiques, mais la médecine n’était pas mon option. Je voulais être ingénieur. C’est après avoir décroché mon bac en série S2 avec une mention, que j’ai su que la meilleure option pour moi, était de suivre des études en médecine. C’est vrai que c’est un long cursus, mais avec engagement et volonté on peut y arriver », affirme Ndèye Maguette Faty, étudiante en deuxième année de Médecine. Rencontrée à l’entrée du Nouveau bâtiment, Ndèye Maguette la mine joyeuse, le regard serein, sait déjà qu’il faut au moins faire 8 ans pour soutenir sa thèse au niveau de son département.
Plus d’engouement à l’université
Et si elle veut se spécialiser, elle fera encore 5 autres années d’études. « Ce n’est pas évident si on est une femme et qu’on doit fonder une famille. C’est compliqué, mais, c’est une question de choix et d’amour qu’on a pour notre pays, le Sénégal. J’invite nos sœurs à se lancer dans les filières scientifiques », dit-elle. Ancienne élève de la série S1 qu’elle a abandonnée après la Première, la jeune étudiante avoue que « ce n’était pas facile ». « On stresse, on maigrit. En plus, il y a des choses qu’on ne peut pas avouer en public. Mais, ce n’était pas évident pour moi de m’en sortir. Au-delà, il y a la question des débouchés. Parce qu’en général, les élèves qui décrochent leur Baccalauréat en S1 poursuivent les études à l’étranger et s’ils ne réussissent pas aux concours, ils sont orientés à la Faculté des Sciences. Ce n’est pas encourageant », lance-t-elle avec désolation. A l’intérieur du Nouveau bâtiment, un groupe de jeunes filles vient de sortir d’un laboratoire situé au premier étage. Leur blouse blanche déjà pliée et rangée dans leur sac, elles empruntent les escaliers pour rejoindre le hall. Interpelées sur leur percée dans les filières scientifiques, la plupart d’entre elles s’éclipsent. Contrairement à leurs camarades, Khadidiatou Badji et Adja Kali Bâ se confient avec enthousiasme. « Mon frère est médecin et il est mon idole. Car, porter la blouse, sauver des vies, c’est pour moi une joie indescriptible. C’est ce qui justifie mon choix. Certes, au début ce n’est pas facile à cause des stéréotypes. On nous répétait tout le temps que la série S, c’est difficile. Toutefois, il suffit d’y croire et se fixer des objectifs pour s’en sortir », soutient Khadidiatou, étudiante en deuxième année de Pharmacie.
Ces sources de motivation
Elle raconte qu’elle a vu beaucoup de ses camarades de classes aussi bien des filles que des garçons abandonner les séries scientifiques au cours de leur parcours. Certaines, notamment les filles, à cause du mariage. Parce qu’elles ont eu des enfants et ce n’était pas évident pour elles pour s’occuper des deux. « Par contre, certaines s’en sont sorties. Notre rêve est aujourd’hui, de décrocher au minimum un doctorat en pharmacie. C’est une fierté de porter la toge, de lever la main et de jurer devant sa famille. C’est magnifique », a-t-elle ajouté les yeux éblouissants. Jurer devant sa famille et proches, Khadidiatou en fait un sacerdoce et pour cela elle met de côté tout autre projet qui peut l’empêcher d’y arriver. Ayant eu un Bac S2 avec une mention, Adja Kali Bâ, à l’instar de son amie est passionnée depuis l’école primaire, de matières scientifiques. « Je rêvais déjà d’être chimiste. Ce qui m’a le plus poussée à poursuivre les études scientifiques, c’est quand je suis tombée malade en classe de Seconde et qu’on m’a amenée à l’hôpital. J’ai rencontré sur place des femmes médecins, des femmes laborantins et j’ai vu comment ces femmes s’activaient dans le domaine médical. Elles faisaient vraiment notre fierté », raconte Adja.
Mariama DIEME