Invité à prononcer le cours inaugural du colloque international « Multilinguisme et diversité à l’école : regards croisés entre recherche, pratique et institutions », Mamadou Ndoye, ancien ministre de l’Alphabétisation et des Langues nationales sous le régime du Président Abdou Diouf, a livré un vibrant plaidoyer pour une politique linguistique audacieuse à l’école.
« L’enfant ne vient pas à l’école pour apprendre à parler sa langue, il vient pour en comprendre le fonctionnement », a martelé Mamadou Ndoye, ancien ministre de l’Alphabétisation et des Langues nationales. Il prononçait le cours inaugural du colloque international « Multilinguisme et diversité à l’école : regards croisés entre recherche, pratique et institutions » (8 au 10 juillet).
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L’ancien secrétaire exécutif de l’Adea (Association pour le développement de l’éducation en Afrique) a lancé un vibrant plaidoyer pour une politique linguistique cohérente et ambitieuse à l’école, plaçant les langues nationales au cœur de la réussite éducative et du développement national. Pour lui, il est temps de construire un véritable écosystème linguistique au service du savoir, de la culture et de l’identité.
À l’en croire, l’éducation sénégalaise est confrontée à deux défis structurels majeurs. D’abord, celui de la massification de l’accès à l’école, pour permettre à chaque enfant d’être scolarisé dans de bonnes conditions. Ensuite, celui de la qualité de l’apprentissage, indissociable de la maîtrise de la langue d’enseignement.
« La langue est le principal vecteur de l’acquisition du savoir. C’est par elle que se construisent les concepts, que s’organise la pensée et que se transmettent les connaissances », rappelle-t-il.
Autrement dit, l’amélioration des performances scolaires passe inévitablement par une réforme de l’enseignement des langues à l’école. « Comprendre sa langue, découvrir la culture qu’elle porte, affirmer son identité : voilà les clés pour transformer l’éducation en levier de développement », a-t-il dit.
Créer un véritable écosystème linguistique
Mais, Mamadou Ndoye refuse toute approche superficielle. Il ne suffit pas, selon lui, d’introduire les langues nationales dans les curricula ou de les afficher sur les murs des classes. Il faut aller beaucoup plus loin : créer un véritable écosystème linguistique, dans lequel les langues nationales seront valorisées dans tous les espaces de la vie sociale.
Pour l’expert, cette présence sociale de la langue est essentielle pour en faire un outil viable d’apprentissage. Il appelle ainsi à l’émergence d’une industrie linguistique libre, avec des productions culturelles, artistiques, médiatiques et scientifiques dans les langues nationales. L’un des malentendus que Mamadou Ndoye veut dissiper concerne la fonction de la langue maternelle à l’école. Trop souvent, elle est perçue comme un simple outil de transition ou de facilitation.
Or, insiste-t-il, « l’enfant parle déjà sa langue ». L’objectif n’est donc pas de lui apprendre à parler, mais de l’amener à comprendre le fonctionnement de sa langue : morphologie, syntaxe, lexique. Ce travail de structuration de la pensée linguistique est crucial, et va de pair avec la découverte de la culture portée par la langue.
« Chaque langue est porteuse d’une vision du monde, d’une représentation de la réalité, d’un rapport particulier à l’environnement », souligne Mamadou Ndoye. C’est pourquoi il appelle à une révision des curricula pour intégrer pleinement ces dimensions culturelles et identitaires.
Daouda DIOUF