Le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems), Ndongo Sarr, dresse un bilan mitigé de l’année scolaire écoulée. Déplorant la baisse des résultats au baccalauréat, il appelle les autorités gouvernementales à une refondation profonde du système éducatif et au respect des engagements pour éviter tout risque de perturbations scolaires.
À quelques jours de la rentrée scolaire 2025/2026, le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems), Ndongo Sarr, a invité les autorités et autres acteurs du secteur à repenser le système éducatif sénégalais. Dans une interview accordée au quotidien, « le soleil », il affirme que l’heure n’est plus aux réformes partielles, mais à une refondation globale du système éducatif. Il appelle ainsi à instaurer deux parcours parallèles dès la classe de Sixième à savoir un enseignement général et un enseignement technique, menant à des diplômes équivalents. Le leader du Cusems s’est aussi prononcé sur la révolution numérique. D’après M. Sarr, celle-ci impose aussi une adaptation. « L’écrasante majorité des enseignants n’a pas été préparée à l’usage des outils numériques et de l’intelligence artificielle. Certains se sont formés par leurs propres moyens, mais cela reste marginal. Il faut un plan national de formation continue sur ce domaine », préconise-t-il.
Réformes annoncées et lenteurs constatées
En outre, le secrétaire général du Cusems avertit et invite les autorités gouvernementales au respect et à la matérialisation stricte des engagements pour éviter tout risque de perturbations scolaires. Sur le front social, Ndongo Sarr reste catégorique. « Nous avons signé des accords ; certains points ont avancé, d’autres non », rappelle-t-il. Deux décrets relatifs aux décisionnaires attendent toujours. « Si, à la rentrée, rien ne bouge, nous courons vers des difficultés », fait savoir le syndicaliste.
Il met aussi en avant la question de la rémunération : « À diplôme égal, parfois Bac+6, un enseignant gagne trois fois moins qu’un agent d’un autre corps. Cette iniquité doit être corrigée », a martelé M. Sarr. Il cite également les blocages du dispositif du « Prêt Dmc » (à la direction de la monnaie et du crédit).
Les carrières, enfin, restent entravées par des blocages administratifs, notamment pour les titulaires de diplômes dits « spéciaux ». Il faut un dispositif dérogatoire pour régulariser leur situation », suggère-t-il.
Il pointe aussi du doigt le manque de concertation avec les autorités. « On nous présente comme des partenaires, mais très souvent, nous découvrons les décisions après coup. Pourtant, notre expertise du système éducatif pourrait éviter bien des errements », a fait remarquer le secrétaire général du Cusems.
Non sans préciser que depuis l’installation du nouveau gouvernement, il n’y a pas eu de crise majeure, non pas parce que les protocoles ont été respectés, mais parce que les enseignants ont fait preuve de responsabilité. « On ne va pas continuer à comprendre et à attendre. L’État doit faire bouger les choses. Sinon, il portera seul la responsabilité d’une crise », a-t-il avancé. Ndongo Sarr alerte aussi sur « des écoles encore dans les eaux » ou « squattées par des sinistrés ».
Des inégalités structurelles persistantes
Par ailleurs, le secrétaire général du Cusems, Ndongo Sarr, s’est félicité de l’absence de perturbations, de mouvement de grèves notés au cours de l’année scolaire précédente, les considérant comme un point positif. Toutefois, il déplore les faibles résultats obtenus au baccalauréat précédent. « Cette atmosphère apaisée, cette sérénité auraient dû se traduire par d’excellents résultats à tous les examens. Or, le baccalauréat a enregistré une baisse du pourcentage de réussite », dit-il.
Ce contraste, note Ndongo Sarr, nourrit une inquiétude plus large. Et cela doit nous pousser à nous interroger sur nos méthodes d’évaluation et sur la qualité de nos apprentissages ». Pour lui, il est paradoxal qu’une année sans grèves, débouche sur des résultats en demi-teinte. Selon lui, c’est le signe que les difficultés du système ne se résument pas aux perturbations. Elles sont, à son avis, d’ordre structurel. D’après Ndongo Sarr, sur le littoral, vous trouvez des établissements bien construits, avec le mobilier nécessaire. Mais à l’intérieur du pays, la réalité est tout autre. Lors d’une visite au lycée de Marsassoum, il dit avoir constaté une situation alarmante : « seules quelques salles étaient en dur. Le reste était des abris provisoires en paille ».
Pourtant, il estime possible de résorber toutes ces classes en abris provisoires en cinq ans. Il préconise l’utilisation de matériaux locaux, résistants et moins coûteux, pour accélérer le processus.
Au-delà des bâtiments, le manque de professeurs et de tables-bancs pèse lourdement sur la qualité des enseignements. « Ces inégalités expliquent en grande partie les écarts de résultats entre les académies », insiste-t-il. Pour le syndicaliste, il ne s’agit pas seulement de pédagogie, mais de justice sociale. « Quand certains élèves, à Dakar ou Saint-Louis, bénéficient de bonnes conditions d’apprentissage et que d’autres, dans les zones reculées, manquent de tout, l’égalité des chances est compromise », a martelé Ndongo Sarr.
S’agissant des examens, le syndicaliste préconise une remise à plat. Le taux élevé d’échec aux examens du baccalauréat, soutient-il, montre que nous propulsons trop d’élèves sans profil adéquat. La question de l’orientation scolaire est, selon lui, un nœud gordien. « Beaucoup d’élèves sont envoyés en séries littéraires sans avoir le profil. L’orientation doit cesser d’être un déversoir », fait-il constater. Il cite l’exemple des Isep. « Dans ces établissements, le taux de réussite dépasse souvent 90 %, parfois même 100 %, quand leurs pairs orientés à l’université peinent à avancer. », regrette le leader du Cusems.
Quant au Bfem, il dénonce des « paradoxes » et appelle à une « académisation progressive », qui permettrait à la fois de limiter les fraudes et de faciliter l’organisation, notamment avec la montée pléthorique des effectifs aux différents examens.
Il a rappelé que les nouvelles autorités ont promis de résorber ces inégalités. Mais Ndongo Sarr reste prudent : « un atelier sur les constructions scolaires s’ouvre à Saly, l’armée a été annoncée pour aider à la résorption des abris provisoires. Tout cela est bien, mais il faut que les décisions se traduisent concrètement en acte ».
Daouda DIOUF