Amadou Kanouté, Directeur exécutif de l’Ong Cicodev Africa, une structure qui œuvre au développement des cantines scolaires, plaide pour le renforcement des ressources allouées à l’alimentation scolaire.
Quels sont les principaux obstacles financiers auxquels font face les cantines scolaires au Sénégal et quelles solutions pour assurer un financement pérenne ?
Le premier défi, c’est de travailler à ce que le gros du financement vienne de l’Etat lui-même. C’est un droit fondamental d’un enfant d’être nourri correctement et l’Etat doit s’engager à ce niveau en renforçant les ressources allouées aux cantines scolaires. Une étude que nous avions faite sur le budget de 2022-2023 avait montré que seul 0,11% du budget du ministère de l’Education nationale était affecté à l’alimentation scolaire. Nous avons porté ça à l’attention du ministère en lui disant que ceci n’est pas durable. Nous avons dit à l’Etat qu’on ne peut pas confier l’alimentation de nos enfants à des étrangers. Nous pensons que le message a été attendu parce que dans le budget 2025, le nouveau Gouvernement a procédé à une augmentation de 130% du budget alloué à l’alimentation scolaire au niveau du ministère de l’Education nationale. C’est ce que nous demandions et ce Gouvernement l’a entendu et est sur la bonne voie. Il y a des mécanismes innovants, endogènes de financement de l’alimentation scolaire qu’il nous faut identifier ensemble et travailler à ce qu’ils soient valorisés. Il nous est possible d’avoir une loi qui pérennise tout cela. Donc, ne reculons pas sur la loi.
En quoi selon vous les cantines scolaires jouent-elles un rôle clé à l’école ?
Les cantines scolaires, c’est d’abord l’idée de l’équité sociale. C’est de faire en sorte que l’élève, quel que soit le statut socio-économique de ses parents, puisse être logé à la même enseigne en termes de bien être pour pouvoir suivre les apprentissages. L’alimentation scolaire est un intrant capital dans le système éducatif. Il n’est pas possible à un enfant qui a faim de pouvoir donner toute l’attention nécessaire aux enseignements du maître.
C’est une mission régalienne de mettre en place un système d’alimentation scolaire qui permet de faire en sorte que tous les apprenants soient dans les meilleures conditions psychologiques, physiques pour pouvoir absorber les enseignements-apprentissages dans de bonnes conditions.
Des études que nous avons menées ont montré que le taux d’absentéisme est drastiquement réduit dans les zones où l’alimentation scolaire est bien implantée. Cela fait que les élèves sont plus enclins à venir à l’école parce qu’ils savent qu’ils auront de quoi manger. Les cantines scolaires réduisent également les charges chez les parents d’élèves. Ces derniers, particulièrement les femmes, peuvent s’adonner à d’autres activités génératrices de revenus. D’autant plus que ça leur enlève de l’esprit cette contrainte de toujours penser à comment nourrir les enfants pour qu’ils puissent aller à l’école. Donc, il faut qu’on travaille à ce que l’alimentation scolaire puisse être pérennisée, universalisée même au Sénégal.
Quels seraient, selon vous, les étapes prioritaires pour mettre en place cette loi qui va garantir un accès durable et équitable aux cantines scolaires ?
Il est nécessaire d’avoir une politique nationale de l’alimentation scolaire parce que ça assure l’équité sociale et territoriale. Cela permet de faire en sorte que nous ayons un cadre dans lequel nous allons structurer et développer l’alimentation scolaire. Au Sénégal, tous les partenaires se sont entendus pour dire qu’il fallait qu’on ait une politique d’alimentation scolaire adossée à la production locale. Cela permet d’avoir un impact sur le consommer local. Cette politique va permettre de définir les moyens d’y parvenir. Les écoles doivent être le premier marché, le premier réceptacle des produits locaux. Pour promouvoir la consommation locale, il est essentiel d’habituer nos enfants à s’alimenter avec des produits issus du terroir. Ce qu’il faut dire aussi, c’est que l’alimentation scolaire peut permettre de réaliser la souveraineté alimentaire. Les enfants font presque 50% de ce pays et ils sont dans les écoles, dans les daaras. Si nous mettons en place un système d’alimentation scolaire qui s’approvisionne à la production locale, nous favorisons la consommation de produits locaux, tout en posant les bases de la souveraineté alimentaire. C’est la politique qui va définir tout ça. Et nous travaillons avec l’Etat dans ce sens. On parle aujourd’hui d’une politique d’alimentation scolaire basée sur l’approvisionnement des écoles en produits locaux. Nous sommes prêts à accompagner l’Etat dans cette vision.
Propos recueillis par Aliou DIOUF