Président de la Coalition nationale éducation pour tous (Cnept), Silèye Gorbal Sy invite les acteurs à consolider les acquis et à garantir une année scolaire stable. Dans cet entretien avec « Le Soleil », M. Sy estime que le dialogue social dans le secteur reste encore fragile.
Que retenez-vous de l’entame de l’année scolaire 2025-2026 ?
La rentrée scolaire s’est globalement bien déroulée, même si des défis persistent. Nous notons avec satisfaction la volonté du ministère de l’Éducation nationale d’assurer une ouverture effective des classes sur l’ensemble du territoire, dès les premières semaines. Cependant, les problèmes structurels demeurent. On peut citer notamment le déficit d’enseignants dans certaines zones rurales, celui des infrastructures encore insuffisantes ainsi que des conditions d’apprentissage parfois difficiles. L’effort de mobilisation de la communauté éducative reste donc essentiel pour consolider les acquis et garantir une année scolaire stable et réussie.
Le ministre de l’Éducation nationale a interdit l’usage du téléphone portable à l’école et a annoncé, dans la foulée, l’introduction de l’Intelligence artificielle (IA) dans les enseignements. Que pensez-vous de ces mesures ?
Ces deux mesures, bien que paraissant opposées, traduisent une même préoccupation : celle de protéger l’espace éducatif tout en le modernisant.
L’interdiction du téléphone portable à l’école peut se comprendre dans un souci de discipline et de lutte contre les dérives observées (cyberharcèlement, distraction, triche). Mais elle doit s’accompagner d’une éducation numérique, afin que les élèves apprennent à utiliser les technologies de manière responsable.
Quant à l’introduction de l’IA dans les enseignements, c’est une initiative à saluer. L’IA peut révolutionner les méthodes pédagogiques, personnaliser les apprentissages et améliorer le suivi des élèves. Cependant, il faut veiller à ce que cette innovation ne creuse les inégalités entre établissements.
À peine le démarrage des enseignements-apprentissages, des syndicats menacent d’aller en grève. Qu’en dites-vous ?
Cela montre que le dialogue social dans le secteur éducatif reste fragile. Les revendications syndicales sont souvent légitimes, car elles tournent essentiellement sur les conditions de travail, le respect des accords, la gestion des carrières. Il est important que le ministère privilégie une approche concertée et inclusive pour éviter les perturbations.
Votre structure est connue pour son engagement en faveur de l’alphabétisation qui reste le parent pauvre du système éducatif. Comment inverser cette donne ?
Effectivement, l’alphabétisation demeure un maillon faible. Pour inverser la tendance, il faut un changement de paradigme. Il s’agit de considérer l’alphabétisation non comme un secteur marginal, mais comme un levier de développement économique, social et citoyen. Il faut augmenter les ressources allouées, former davantage de facilitateurs, valoriser les langues nationales et intégrer le sous-secteur dans les politiques locales. Notre structure œuvre, avec ses partenaires, pour une approche communautaire de l’éducation, où chaque adulte peut apprendre à lire, écrire et compter dans sa langue maternelle.
Pouvez-vous revenir sur les grands axes de votre engagement pour l’éducation et les défis à relever ?
Notre engagement s’inscrit dans la dynamique du Partenariat mondial pour l’éducation (Pme) et du mouvement Éducation 2030. Nous travaillons sur trois axes majeurs à savoir : Plaider pour un financement équitable et durable de l’éducation ; renforcer les capacités des organisations de la société civile afin qu’elles participent activement au suivi des politiques publiques en matière d’éducation et promouvoir l’inclusion et la qualité dans l’enseignement, en veillant à ce qu’aucun enfant, fille ou garçon, ne soit laissé de côté.
On parle de plus en plus de la refondation du système éducatif, d’une école plus ancrée dans nos traditions et alignée sur la Vision 2050. Qu’en pensez-vous ?
C’est une orientation pertinente. La refondation du système éducatif doit être l’occasion de repenser nos curricula, de reconnecter l’école avec les réalités socioculturelles, économiques et environnementales du pays. Une école ancrée dans les traditions, ce n’est pas un retour en arrière, mais une valorisation de nos savoirs endogènes : langues, histoire, valeurs civiques, entrepreneuriat local. L’alignement sur la Vision 2050 doit permettre d’anticiper les mutations technologiques et sociétales, en formant des citoyens compétents, responsables et ouverts sur le monde.
Propos recueillis par Seydou Prosper SADIO

