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Université sénégalaise : ces traces de « colonialité » qui poussent l’État à réformer le système
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Les empreintes de la « colonialité » sont visibles partout au niveau de l’université sénégalaise, aussi bien dans la matérialité et les symboles de l’université que dans ses pratiques. C’est le constat fait par les nouvelles autorités. D’où le lancement des Assises nationales de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Anesri). Ces travaux qui démarrent ce jeudi à Diamniadio doivent aboutir sur l’élaboration de l’Agenda national de transformation de l’ESRI (Antesri) sur la période 2025-2050. L’objectif est la réforme globale de tout l’écosystème universitaire au Sénégal.
L’Université sénégalaise moderne demeure depuis sa création en 1957, soulignent les services de l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Mesri), une institution « puissamment travaillée » par les paradigmes de l’extraversion et de la dépossession bien que plusieurs moments aient servi à repenser le modèle qui la gouverne.
Dans le document présentant les termes de référence de l’Agenda national de transformation de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (Antesri) 2025-2050, ils relèvent que les traces de la « colonialité » y sont visibles partout. Ceci aussi bien dans la matérialité et les symboles de l’université que dans ses pratiques.
Parmi ces stigmates, il y a des curricula qui « marginalisent » les savoirs endogènes, la pauvreté du dialogue avec la société à savoir les acteurs politique, la société civile et les acteurs économique. En plus, le fétichisme de l’importation, la répétition, le déficit d’adaptation à son environnement social, culturel et économique restent des challenges à corriger. À cela s’ajoute l’assujettissement à un agenda hégémonique qui détourne trop souvent les chercheurs des priorités et des demandes de connaissance locales.
Moins de 1 % du PIB alloué à la recherche et à la technologie
Sur ce socle, renchérit le document, viennent ensuite se sédimenter d’autres facteurs, notamment « l’inconsistance » d’une gouvernance dont les arbitrages financiers ont invariablement marginalisé la recherche. Or, sans la recherche, indique la tutelle, il n’y a pas de renouvellement des enseignements, pas de données probantes pour éclairer la décision politique, pas d’innovation pour le secteur productif, pas de rayonnement international.
À ce propos, le document rapporte qu’en 45 ans, le Sénégal « n’a pas encore réussi à allouer 1% du PIB (Produit intérieur brut) à la recherche et à la technologie », comme recommandé par le Plan d’actions de Lagos de l’Union Africaine (1980).
« Les budgets, certes en hausse, demeurent encore largement insuffisants. Les stratégies se suivent souvent sans évaluation et par conséquent sans apprentissage institutionnel majeur. La gouvernance universitaire, affaiblie par des défauts de coordination et de rationalisation à différents niveaux, rend les universités faiblement compétitives et aptes à prendre en compte les besoins des acteurs internes (politiques de carrières et de soin adaptées, sécurisation de l’espace, cohésion sociale…) », lit-on dans le document.
Redéfinir l’enseignement supérieur, une urgence face aux enjeux de l’heure
Ainsi, dans un contexte de « complexité inouïe » et de transition rapide vers le nouvel âge numérique du monde, les autorités étatiques estiment que redéfinir l’enseignement supérieur sénégalais est en effet essentiel.
D’ailleurs, c’est pourquoi le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a lors de la séance du Conseil des ministres du 28 août 2024, chargé le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, sous l’égide du Premier ministre et en concertation avec l’ensemble des acteurs, de piloter avec « diligence » un processus « inclusif » de refondation du système d’enseignement supérieur et de recherche du pays.
Dans cet esprit, le chef de l’État a souligné la nécessité d’une évaluation des réformes et programmes issus de la Concertation nationale sur l’avenir de l’Enseignement supérieur (Cnaes) d’avril 2013 et des onze décisions du Conseil présidentiel sur l’Enseignement supérieur et la Recherche d’août 2013.
Intégrer la montée en puissance de l’IA
Cette évaluation doit, selon la tutelle, déboucher sur l’élaboration consensuelle et consolidée d’une stratégie nationale de développement de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Celle-ci doit intégrer notamment la montée en puissance du numérique combinée aux potentialités et défis de l’intelligence artificielle ainsi que les défis environnementaux et sécuritaires se posant au monde.
« En effet, les politiques et les stratégies conçues jusqu’à présent pour concilier les objectifs de formation et de recherche avec les transformations structurelles n’ont toujours pas permis de noter avec satisfaction l’impact durable de la recherche sur le développement économique et social des populations sénégalaises », souligne le texte.
Construire d’ici 2050 un système d’enseignement supérieur et de recherche « plus souverain »
Et c’est dans cette optique que les Anesri doivent permettre de construire, à l’horizon 2050, un système d’enseignement supérieur et de recherche « plus souverain, plus ouvert et territorialisé, plus équitable et performant, plus adapté et innovant ». L’objectif est de faire de l’enseignement supérieur un pilier de transformation sociale, économique et scientifique du pays.
Sur ce, les acteurs répartis en 8 commissions vont travailler sur les curricula et la recherche souverains, l’administration et la gouvernance universitaire, ainsi que le statut institutionnel des acteurs et l’équité de genre, la transformation numérique de l’ESRI.
Ils ausculteront en même temps la qualité, la pertinence, le professionnalisation et l’évaluation des formations ; la recherche fondamentale, celle appliquée, les politiques technologiques et l’innovation. Mais aussi l’économie de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation, la publication scientifique, la diffusion, la dissémination, les chaires et la science ouverte, et enfin la science, la politique et la société.