Drame sanitaire et environnemental, les eaux usées issues des canaux d’évacuation font désormais partie de la face hideuse de Dakar. À Yoff, Grand Yoff et aux Parcelles assainies, les populations expriment leur calvaire, en ce début d’hivernage.
Petit à petit, le phénomène étale ses tentacules et fait vivre aux populations un calvaire permanent. De Yoff à Grand Yoff, en passant par les Parcelles assainies, les eaux usées débordent des canaux d’évacuation, dégradent le cadre de vie et dégagent des effluves qui incommodent. Le lundi 30 juin 2025, au marché de Yoff, automobilistes et piétons se disputent les trottoirs, car de l’eau noirâtre en grande quantité a déjà élu domicile sur la route. « Les services de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas, Ndr) doivent nous aider. On est obligé de prendre des raccourcis pour éviter les eaux qui peuvent gâter nos véhicules », se plaint Mafall Niang, chauffeur de « clando » qui fait la navette Dior-Yoff.
Une odeur malodorante domine l’atmosphère. Il est 11h. Déjà martyrisés par la canicule, certains se bouchent le nez, d’autres toussent ou se contentent de mouchoirs. Vendeuse de mangues, Abibatou Fall étale ses produits à quelques mètres du liquide fétide. Des canaux à ciel ouvert qui charrient odeurs pestilentielles et déchets plastiques. Dans cet enfer de détritus, mécaniciens, commerçants, tabliers… cohabitent dans un cadre de vie aux relents de bidonville. Ils y trouvent, au quotidien, leur pitance dans des conditions de vie qui passent de l’exécrable à l’abominable.
L’Onas interpellé
« Cela pose un problème sur la qualité de nos produits. Mes mangues sont à moins de 10 mètres des saletés. On respire la mauvaise odeur. Non seulement c’est une mauvaise publicité pour nous, mais cela dégrade aussi notre santé parce que nous respirons, à longueur de journée, des eaux puantes », se désole la sexagénaire, assise sur un banc, à la recherche de clients.
À l’Unité 15 des Parcelles assainies, les eaux font désormais partie du décor. Dans ce quartier populaire de Dakar, le liquide nauséabond trace des rigoles puantes le long des trottoirs, s’infiltrant jusque dans les ruelles étroites où jouent les enfants. Chapelet à la main, Pape Matar Diouf s’alarme devant ce spectacle affligeant. « Nous vivons cette situation depuis des années. Nous avons interpellé la mairie, mais jusque-là, rien n’a été fait. Nous avons même fait des points de presse, mais aujourd’hui, nous nous sommes résignés », déplore le quinqua, fataliste. Il dénonce aussi les branchements clandestins qui, selon lui, surchargent les canaux.
À Grand Yoff, la situation n’est pas au mieux. L’eau sale, grise par endroit et verdâtre ailleurs, s’échappe lentement des bouches d’évacuation artisanale. « Je crois que c’est Grand Yoff qu’on doit repenser. Cette commune est sale et a l’un des pires cadres de vie de Dakar. Nous interpellons l’Onas, le Service d’hygiène, le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour venir s’enquérir du volet environnemental de notre commune », invite Bathie Diop, habitant au quartier Arafat.
Dans cette partie de Grand Yoff, les populations se sont organisées pour curer elles-mêmes les canaux. « Comme nos alertes n’ont rien donné, le comité de gestion du quartier organise des séances pour soulager les canaux. Après, les déchets sont déBaposés à la mer », explique M. Diop.
Pour son ami, Adama Fall, le ver se trouve dans l’étroitesse des ouvrages. « Grand Yoff fait plus de 250.000 personnes. L’Onas ne peut pas y installer de petits ouvrages. Au bout d’un moment, ça déborde parce qu’il y a des maisons avec plus de 30 personnes qui doivent se laver tous les jours en plus de la vaisselle », note M. Fall, menuisier dont l’emplacement fait presque corps avec les eaux usées.
Nous avons joint le service de communication de l’Onas qui affirme que ce phénomène s’explique par le dépôt de déchets plastiques et les branchements clandestins. Cependant, il est prévu une vaste opération de curage des canaux dans les prochains jours. En attendant, à Yoff, aux Parcelles assainies et à Grand Yoff, les eaux usées continuent leur chemin, causant un problème sanitaire et environnemental.
Babacar Guèye DIOP