Des familles entières s’entassant dans des abris de fortune comme des sardines et qui se jettent dans les monticules d’immondices dès les premières heures de l’aube. Des enfants happés sur un univers interlope, des proies vulnérables en tout et protégées de rien : banditisme, drogue et abus sexuels.
Le décor dans la démarche de Mbeubeuss a les allures d’un film de science-fiction. Les régimes politiques passent mais Mbeubeuss demeure cette bombe écologique menaçant d’exploser. Cette célèbre décharge, exploitée depuis 1968, est un véritable chaos environnemental en plus d’un drame social pour des centaines de Sénégalais. À l’image du conflit casamançais dont certains ne souhaitent aucunement la fin à cause des mallettes d’espèces sonnantes et trébuchantes, Mbeubeuss fait aussi des heureux : opportunistes, faux militants de l’écologie…. Politiques, activistes, associations de jeunes… tous se disent défenseurs de cette décharge et font de sa réhabilitation une priorité. De façade pourtant.
Dès les premières heures de son magistère, le ministre Moussa Bala Fofana, avec une activité débordante, s’est rendu sur les lieux, comme pour marquer son territoire. Mais comme souvent avant lui, la sortie est ultra médiatisée à grand renfort d’influenceurs et de directs web. Au finish, des promesses, encore et encore. Les enfants seront retirés de la démarche, sécurisation du site… 1 an et 2 mois plus tard, Mbeubeuss, logée dans la commune de Malika, département de Keur Massar, est au bord de l’asphyxie. Les squatteurs du site continuent d’être de pauvres victimes qui, parfois, se transforment en prédateurs. Les faibles n’ayant presque aucune chance de survivre dans cette jungle.
Pourtant, en octobre 2022, le projet pour la Promotion de la gestion intégrée et de l’économie des déchets solides au Sénégal (Promoged) s’était donné comme ambition de retirer 200 enfants de la décharge. Mais sur les amas de détritus longeant sur des kilomètres à Mbeubeuss, avec ses senteurs putrides, les mômes, dans une totale insouciance, continuent d’errer. Qui du programme de 15 milliards de FCfa destinés à la réhabilitation du site lancé en juin 2022 par le ministre Abdoulaye Seydou Sow ? Pour le moment, on ne voit pas encore les résultats, mais les responsables seraient bien inspirés de nous dire où est allée cette manière financière. À l’image d’autres projets, Mbeubeuss continue de capter des financements.
La décharge impacte l’environnement. C’est un euphémisme. De toute façon : investir dans les déchets a toujours été le cadet des soucis de nos gouvernants. Pour un secteur qui a besoin de 500 milliards de FCfa selon le Promoged, le retard d’investissement extraordinaire dans le secteur des déchets est criant. Bref, il n’a jamais bénéficié d’un investissement colossal. Aujourd’hui, le Promoged est le premier comme acte d’investissement. La preuve, dans les régions, il n’y a que des décharges sauvages. Pour le moment, le Sénégal a besoin de plus de 25 centres de traitement des déchets qui doivent être alimentés par des infrastructures intermédiaires au niveau communal et départemental.
Cela a fait l’objet d’une évaluation financière pour faire savoir que le secteur des déchets a besoin de plus de 500 milliards de FCFA d’investissement. Mais ça, ce sont des projets. Sous ce registre, le Sénégal peut être champion du monde, tellement les projets sont bien ficelés. Mais les populations de Malika, elles, subissent au quotidien des feux spontanés ou provoqués par les récupérateurs. Le tout est associé à une infiltration des eaux pluviales qui polluent la nappe et le sol. Mbeubeuss, c’est 115 ha de déchets, plus de 25 millions de tonnes de déchets enfouis. Il est donc temps de nettoyer les écuries d’Augias comme dirait le journaliste Pape Samba Kane.
Babacar Guèye DIOP