Les contributions d’Ibrahima Camara demeurent à jamais inscrites dans l’histoire du Collège d’enseignement moyen (Cem) Gaïndé Fatma de Mbacké. En tant que professeur d’histoire et de géographie, il a su, grâce à son mouvement d’élèves « We Can Do It Together » (On peut le faire ensemble en français), transformer l’environnement de cet établissement où il enseigne depuis 2015.
L’homme est un passionné des problématiques environnementales. En plus de sa fonction de professeur d’histoire et de géographie, Ibrahima Camara, natif de Ziguinchor, est également formé au scoutisme. Mais, plutôt que de faire porter des foulards à ses élèves, l’encadreur dans le mouvement national des pionniers du Sénégal préfère afficher son propre foulard de scout pour les encadrer. Ainsi, les élèves ont commencé à s’intéresser à son initiative. C’était durant l’année scolaire 2018-2019, période marquée par le lancement de ses activités visant à embellir le cadre de vie des élèves. En classe de troisième, il ne pouvait plus supporter l’état délabré du mur qui se dressait devant lui. De cette prise de conscience est née l’idée d’organiser les élèves pour embellir et préserver leur environnement. Grâce à ses talents en peinture, il a métamorphosé sa classe. Les élèves, motivés par son initiative, ont contribué de façon symbolique. Il a dû compléter pour financer l’achat du matériel nécessaire. Ainsi, il a donné vie à sa première classe, colorée et décorée avec soin. Inspirés par son exemple, d’autres élèves lui ont emboîté le pas. C’est ainsi qu’a pris forme le mouvement.
« La même année, nous avons eu à peindre trois classes et la façade des deux premiers bâtiments de l’établissement », renseigne M. Camara. L’année suivante, il a revu ses ambitions à la hausse. Avec ses élèves de quatrième, ils ont rénové 24 classes pédagogiques et la surveillance. De plus, l’enseignant envisage de reboiser l’école. « Nous avons commencé à repiquer des plantes, à assurer l’arrosage et l’entretien », déclare-t-il. L’établissement compte plus de 2.000 élèves. Ces derniers avaient des difficultés à trouver des espaces où s’asseoir pendant la récréation. De ce fait, ils avaient tendance à sortir de l’école pour se masser dehors ; ce qui les exposait à divers risques. « Beaucoup d’élèves ont appris à faire de mauvaises choses à travers ce regroupement hors de l’école », soutient-il.
Grâce à une collaboration avec le Gouvernement scolaire et l’utilisation de pneus usés, le mouvement a réussi à créer des bancs dans la cour de l’école. « Cela a pu améliorer considérablement la réception des élèves parce que chaque pneu peut prendre six élèves », explique Ibrahima Camara. Ces espaces de forme circulaire, appelés « Agora », sont conçus pour accueillir presque une classe entière, contribuant à limiter les sorties des élèves de l’établissement. Dans le cadre de sa « grille de service », le programme qu’il met en œuvre tout au long de l’année scolaire vise à combattre l’insalubrité des salles de classe. Pour ce faire, l’encadreur a choisi d’organiser les filles et les garçons au sein de chaque classe. « Les filles se chargent de balayer la classe et les garçons d’effacer le tableau et de vider les poubelles, si toutefois elles sont pleines », indique-t-il. Ainsi, des «poubel’Art» sont créées. «Ce sont des bidons de 20 litres que je découpe de manière artistique», fait-il savoir, soulignant qu’ils servent de dépotoir aux élèves.
La stratégie de la responsabilisation
M. Camara, comme l’appellent affectueusement ses élèves, accorde une grande importance à leur implication dans toutes ses activités. L’objectif pour lui est de « former des hommes au service des autres, en opposition à une école capitaliste qui perçoit l’intelligence comme un bien privé ». Dans cette optique, il s’est engagé sur le terrain tout en impliquant activement les élèves dans son encadrement. « Alors, ce n’est pas le professeur, mais le chef scout, l’encadreur qui parle. Le fait d’impliquer les jeunes, c’est un souci de former de bons citoyens qui se soucient toujours de leur milieu », explique-t-il. Selon le professeur d’histoire et de géographie, pour former un citoyen exemplaire, il est essentiel d’enseigner aux élèves l’importance de la contribution. « On passe à une société de contribution », souligne-t-il. À l’en croire, cela leur permet de préserver les créations qu’ils ont réalisées de leurs propres mains. « Si on fait contribuer les gens avec les petits moyens, cela crée un lien », déclare-t-il, ajoutant que cela donne aussi une conscience écologique. Ibrahima Camara a élargi ses activités en s’implantant dans plusieurs établissements de la commune de Mbacké. Les élèves qu’il a formés contribuent à la multiplication de ses initiatives au lycée de Mbacké. Il collabore étroitement avec eux, partageant idées et orientations. Il intervient également dans d’autres écoles élémentaires, telles que Mame Mor Diarra et Cheikh Ibrahima Fall, pour augmenter son impact. L’enseignant exhorte les autorités à reconsidérer le rôle de l’école. Selon lui, l’encadreur scout a toute sa place dans le système éducatif, car il contribue à former les jeunes, pour qu’ils deviennent des acteurs engagés, quelle que soit leur situation.
Birane DIOP (correspondant)