Malgré la marée de béton qui recouvre la capitale, quelques initiatives citoyennes tentent de redonner des couleurs et du souffle à Dakar. Jardins collectifs, toits végétalisés et plantations de quartier traduisent une volonté partagée de réconcilier la ville avec la nature, même si l’ombre des arbres reste encore rare.
Dans certains quartiers, des initiatives locales tentent pourtant de redonner un peu de souffle à la ville. Des associations, écoles et entreprises privées s’impliquent dans la création de petits îlots de verdure. À Fann, des riverains ont replanté des filaos et des bougainvilliers autour d’un terrain de sport, tandis qu’à la Médina, une coopérative féminine a transformé une ancienne décharge en jardin potager collectif.
Ces espaces modestes deviennent de véritables points de respiration au cœur du béton. Au-delà du geste symbolique, ces actions traduisent une prise de conscience d’un besoin collectif de renouer avec la nature. « Nous n’avons pas les moyens de créer des forêts, mais nous pouvons entretenir un arbre devant chaque maison », confie Mariama Diouf, membre d’une association de femmes de Hann Bel-Air. Dans cette capitale qui pousse vers le ciel, le vert renaît parfois sur les toits, dans les cours intérieures ou le long des trottoirs. ;
Certains urbanistes encouragent désormais les promoteurs à intégrer des façades végétalisées et des toitures écologiques. « Avec le réexamen du Code de l’urbanisme en juin dernier, il est indiqué aux populations de Dakar, d’aménager des espaces de plantations d’arbres à l’intérieur comme à l’extérieur des maisons », explique Seydou Sy Sall, ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Entre résistance et adaptation, ces gestes esquissent une nouvelle forme de verdissement urbain, encore discrète mais bien réelle. Une forêt d’intentions certes, mais encore trop peu d’ombres dans la capitale, selon les Dakarois.y
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Les plus âgés racontent la ville d’hier, comme une vieille chanson, empreinte de nostalgie. Oumar Sagna, ancien employé à la Médina, se souvient: « Il y avait ici un grand fromager. Quand il a été coupé, c’est comme si un voisin était mort. On ne respire plus l’air frais d’antan ». À Fann-Hock, Néné Fall garde aussi le souvenir d’un jardin détruit pour la construction d’un immeuble : « Le simple fait de respirer de l’air de qualité est devenu un luxe à Dakar. Même pour trouver un banc à l’ombre, il faut aller très loin. » Entre les souvenirs des anciens se glisse une génération qui n’a pas connu ces lieux de verdure. « Avant, on jouait au foot derrière le marché. Maintenant, ce sont des immeubles », confie Mouhamadou Barry, vendeur de café Touba.
La lycéenne Aïcha Sow exprime un manque plus émotionnel : « On veut juste s’asseoir quelque part pour discuter, mais il n’y a plus de place. » Pourtant, Dakar a rêvé de retrouver sa verdure. À Diamniadio, un « Central Park » devait symboliser cette renaissance écologique ; un autre projet de parc environnemental sur le site de l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor avait failli sortir de terre.
Deux projets phares, deux espoirs verts : l’un n’a jamais vu le jour, l’autre s’est éteint sous le poids du foncier. Malgré tout, la capitale garde quelques refuges comme le parc de Hann ou la forêt classée de Mbao. Mais le déficit d’espaces verts affecte la santé publique. « La chaleur, la poussière et la pollution combinées affectent directement la santé. Les arbres purifient l’air et régulent la température », rappelle le médecin généraliste Adama Gaye. Dakar et ses immeubles poussent, grandissent et s’élèvent vers les cieux, mais oublient encore de respirer, selon les riverains interpellés.
Mamadou Elhadji LY