On se rappellera sans doute ce qu’a représenté Kayar quand, au terme du long et sérieux processus partitif en cours, la dimension halieutique sera intégrée dans la nouvelle Loasph (Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale et halieutique) en gestation.
Car, Kayar a été, en même temps, au cœur de ce processus et une étape majeure dans cette difficile quête d’une gestion institutionnelle des pêcheries qui va consolider la dynamique nouvelle impulsée au secteur de la pêche avec l’avènement des Conseils locaux de. Village de pêcheurs de la zone des Niayes, souvent cité comme un modèle de gouvernance communautaire de la ressource halieutique, forgé de rude épreuve d’expériences conflictuelles, Kayar est le symbole achevé, tout à la fois, de la résilience face aux aléas que de cette intrication complexe entre les divers segments de l’économie maritime et des écosystèmes littoraux, conséquence de cette évolution dont l’inégal accès au foncier halieutique est la marque de fabrique.
C’est non sans regret qu’à Kayar on évoque cet épisode douloureux de la vie de la communauté et qui rendait si lourd le climat social de cette cohabitation dans la zone des Niayes entre pêcheurs migrants et autochtones. Même si l’image de Kayar est souvent associée à travers le monde à celle de ce modèle de gestion endogène intègre, dans un processus participatif bien pensé et qui s’inscrit dans une double dimension de durabilité : le souci de préservation de la ressource et l’équité assortie d’une transparence véritable dans la manière de gérer pour tout ce qui concerne les produits de la mer. À Kayar, dans les Niayes et presque partout dans les autres sites abritant les zones humides côtières, les liens sont aujourd’hui établis entre la compétition autour de la ressource du fait de ce rush vers les lieux de pêche et la migration saisonnière.
Celle tendant à être définitive depuis quelque temps et qui, à Kayar, occasionne une collusion de différentes cultures, pratiques et techniques de pêche et des conflits récurrents dont certains ont été sanglants connus ces dernières années dans cette localité. Avant que les pêcheurs eux-mêmes ne décident de développer sur de nouvelles bases l’inédit modèle communautaire de gestion de la ressource halieutique disponible sur ce site… Fort de son expérience de gestion de tensions du genre et de résilience communautaires, Kayar a été pour beaucoup dans l’instauration des Conseils locaux de Pêche artisanale (Clpa) au Sénégal dont les rôles sont définis dans l’article 9 du décret 98-498 du 10 juin 1998 portant application du code de la pêche et la création, par les autorités de la République, motivée par « la nécessité d’une forte implication des professionnels dans la gestion des ressources halieutiques ».
Pour avoir servi de laboratoire à ciel ouvert à la mise en place des Conventions locales, Kayar a servi de catalyseur à l’adhésion enthousiaste dont elles ont fait l’objet de la part des communautés locales, en tant que symbole prégnant d’une capacité d’adaptation aux effets pervers des changements climatiques. Mais aussi à une résistance citoyenne aux choix aménagistes surannés notamment dans le secteur de la pêche, longtemps gangréné par une exploitation irrationnelle, qui met en péril non seulement le développement des populations vivant de la pêche mais aussi l’équilibre des écosystèmes marins et côtiers.
Ce qui confirme le point de vue du chercheur Bara Guèye de l’organisation non gouvernementale « Innovations environnement développement » (Ied Afrique) qui définit la convention locale, à la fois, comme un processus et un moyen de promotion d’un cadre réglementaire partagé. Mais également comme une forme élaborée « d’arrangements locaux pensés par les populations pour mieux gérer les ressources naturelles et qui sont orientés vers la recherche de solutions endogènes à des problèmes spécifiques ; dans la mesure où : « la définition de règles d’accès et de contrôle des ressources naturelles communes est nécessaire au niveau local afin de stopper la spirale de la dégradation des écosystèmes naturels ou la montée des conflits ».