Les éleveurs saisonniers nomades venus de la région de Diourbel et du département de Dagana (Saint-Louis) et basés dans la commune de Labgar (département de Linguère), dénoncent la pénurie d’eau dans la zone du Ferlo. Ils éprouvent d’énormes difficultés pour étancher leur soif et abreuver leur bétail en cette période d’hivernage.
LINGUÈRE – Sur la piste latéritique entre Labgar et les confins du Ferlo, le paysage change subtilement. Le tapis herbacé est moins verdoyant et très sec du fait de la rareté des pluies. Les arbres sont rabougris, des espèces d’oiseaux comme les petits passereaux nichent dans les creux noueux des branches de « soump », de jujubier, de « nep-nep » et de mellifera. Leurs chants ne sont pas éclatants, ni harmonisés, comme si la chaleur leur rappelait de ne pas trop éveiller le silence du matin.
Le vent sec du Ferlo porte leurs gazouillis à travers les branches, les mêlant à des bruissements de feuilles mortes, et au craquement lointain du sol sec.
La saison des pluies s’est installée, mais les éleveurs saisonniers en provenance du Baol et du Walo souffrent pour abreuver leur bétail. Ils font des kilomètres à la recherche d’eau. En cette période de l’année, c’est la transhumance, les saisonniers et leurs bêtes se déplacent dans le Diolof où ils séjournent pendant six mois, avant de retourner dans leurs zones. Ils se déplacent avec leur famille, et s’installent dans les hameaux du département de Linguère. « Nous éprouvons d’énormes difficultés pour étancher notre soif et abreuver nos bêtes. Nous faisons chaque jour la queue dans les points d’eau de la commune de Labgar », se plaint Idrissa Guèye, nomade saisonnier, la cinquantaine, originaire de Dagana. La rareté du liquide précieux est de plus en plus récurrente pour les pasteurs, qui sont obligés de s’agglutiner autour des points d’eau.
Les bousculades sont fréquentes, et le responsable est tenu de mettre, à chaque fois, de l’ordre. Les puits sont profonds et atteignent parfois 90 mètres de profondeur. « À Labgar, nous n’avons pas trouvé de puits. Ce sont les forages qui nous fournissent de l’eau, mais nous payons l’eau. Nous avions perdu beaucoup de nos bêtes à cause de la soif et du manque d’herbes. Nous sollicitons l’État et des personnes de bonne volonté pour plus de points d’eau dans la zone », plaide Idrissa Gueye.
Les femmes à la peine
Ce ne sont pas seulement les hommes qui font la queue devant les fontaines, les femmes éleveuses sont également de la partie. Mariama Kâ est à la corvée avec son troupeau de chèvres. Elle affirme que certaines femmes parcourent 70 kilomètres pour atteindre un point d’eau. Mariama invite vivement les pouvoirs publics à tout faire pour que la disponibilité de l’eau soit une réalité dans la zone du Ferlo.
Coumba Bâ, éleveur de chèvres, abonde dans le même sens. « Nous souffrons énormément du manque d’eau. Nous demandons aux autorités locales de nous aider à résoudre définitivement ce problème. J’ai perdu, cette année, huit bêtes à cause de la soif. Nous avons constaté des forages, mais ils sont insuffisants, dans la mesure où nous vivons dans la zone sylvopastorale. Le bétail ne doit pas manquer d’eau, encore moins de fourrage. Les populations de cette zone sont prêtes à développer le pastoralisme, mais les moyens du bord ne suivent pas », a avoué Coumba Bâ.
Le forage de Labgar, géré par Pape Diop, est très sollicité. « Ici, les bergers puisent presque tous les jours l’eau du matin jusqu’au soir », dit-il. Mais la ressource n’est pas gratuite, les recettes générées sont destinées à l’achat du gasoil pour faire fonctionner le forage qui souffre aussi d’une faible pression. Les nomades saisonniers viennent de loin, assure Pape Diop, et rejoignent Labgar avec toute leur famille, à la recherche de l’eau. Mais « le forage a une pression très faible », se désole Pape Diop pour justifier les longues files d’attente. Il faut des techniciens pour booster la pression, dit le gérant du forage, avec l’espoir que ce rêve se réalise un jour, pour le bien des transhumants.
Abdoulaye SADIO (Correspondant)