En période estivale, la fréquentation touristique redessine les flux commerciaux sur la Petite Côte. À La Somone, en bordure de lagune, le marché de fruits de mer dénommé « Jeegui bi » (la traversée) capte cette demande saisonnière. Pêcheurs, piroguiers et vendeurs ambulants réajustent leur pratique à cette opportunité. Ce système, souple mais accessible, met en lumière les logiques économiques d’un secteur non structurel.
The Sunset, comme l’appellent ses téléspectateurs, a drainé un monde fou comme à chaque fin d’après-midi dans ce coin de la lagune de La Somone, sur la Petite Côte. Ce lieu est devenu un spot incontournable pour admirer le coucher de soleil. Attablés au bord de l’eau, sous une grande tente faite de feuilles de rôniers soutenues par des piliers en bois, des groupes d’amis, des couples ou de simples familles contemplent la timide marche du soleil rejoignant son nid. Sur les tables en bois recouvertes de tapis artisanal, à côté de l’incontournable poisson braisé, trônent divers plats de fruits de mer allant des brochettes de gambas ou des oursins enfournés aux huîtres simplement passés à la vapeur, le tout accompagnés d’une marinade piquante et de jolies tranches de citrons. « Jeegui bi » comme l’indique le nom de cet endroit qui fait allusion à la traversée pour y arriver est un petit marché ouvert de la lagune où on propose principalement des menus aux fruits de mer. Le site est accessible en voiture ou à pied, mais ses visiteurs préfèrent souvent le rallier à bateau pour profiter d’une balade et de la vue sur la mangrove.
Ce lieu, à la fois rustique et vivant, est devenu un point névralgique de l’économie locale. En cette période d’été, cet endroit est rempli à plein temps par les touristes et vacanciers qui viennent assister au coucher du soleil et faire plaisir à leurs papilles. Cette affluence n’est pas pour déplaire aux travailleurs de « Jeegui bi » qui y trouvent leurs comptes.
Trouvée en train de braiser des langoustes, Rokhaya Ndiaye est vendeuse sur cette plage. Habillée d’un pagne multicolore et d’un large haut marron, foulard rouge sur la tête, suant à grosses gouttes, elle s’extasie de ses recettes. « Franchement, l’été est la meilleure saison pour nous. Cet endroit est presque désert les autres saisons de l’année et nous galérons à réaliser 10.000 FCfa de bénéfice par jour, mais en ce moment, on s’en sort beaucoup mieux. Les touristes viennent à toute heure et font surtout de grosses commandes. Il y a aussi des maisons de productions qui font des tournages dans la zone qui viennent se détendre ici », indique-t-elle.
Les huîtres de mangrove, élevées dans les eaux salées de la lagune, sont les plus prisées du marché. Leur culture, peu coûteuse et sans danger pour l’environnement, offre une source de revenu stable à plusieurs familles. Ce marché est par ailleurs écologique. Les plats sont faits au charbon et les déchets biologiques reversés dans la lagune pour être absorbés par la faune. Cette courte chaîne favorise l’accessibilité des tarifs proposés à la clientèle. Maguette Lo, serveur, renseigne sur les prix. « Ici, nos tarifs sont harmonisés. Les goûts peuvent différer d’un vendeur à un autre, mais le prix reste le même. Le plat d’huîtres et de moules est proposé à 1500 FCfa, celui de crevettes ou gambas à 3000 FCfa et celui de langoustes à 5000 FCfa. Les plats mixtes sont à 3000F et les oursins sont vendus à 1000 FCfa les trois. Les prix qui varient sont ceux des poissons qui dépendent de la taille et de l’espèce », informe-t-il.
Une pirogue accoste et débarque des touristes en tenue de plage, accompagnés d’un homme élancé, qui parle en agitant les mains. Vieux est un guide touristique qui travaille à la lagune depuis 20 ans. « J’accueille les visiteurs à l’entrée de la lagune et je les conduis à ce marché pour leur proposer des plats sea food avant d’aller visiter des endroits comme le parc des oiseaux où l’île des pélicans. Tout le monde me connaît ici ; je travaille avec les piroguiers comme avec les travailleurs du marché. J’amène les clients et on me paye ma commission et des repas gratuits quelquefois », laisse-t-il entendre avec un sourire en coin. « La moitié des travailleurs d’ici sont en famille. Le père va à la pêche avec le ou les fils, au retour les prises sont cuisinées par la mère, souvent aidée de leurs filles. Pour le menu du jour, seuls les serveurs sont quelquefois étrangers à la famille parce que ce travail n’est pas bien vu ici. Tout comme le mien d’ailleurs», explique-t-il.
Ce petit marché au bord de la lagune est bien plus qu’un lieu de dégustation. C’est un microcosme économique où la nature, la culture et l’entrepreneuriat local s’entrelacent. Mais l’absence de régulation formelle pose des défis comme la préservation de la mangrove ou la gestion des déchets plastiques. 19h28, le soleil descend lentement derrière la mangrove projetant ses reflets dorés sur les eaux calmes de la lagune.
Par Ndèye Ndiémé TOURE (stagiaire)