De Yoff à Guédiawaye, le littoral est décoré de gravats. Ils y sont déposés, soit pour essayer d’arrêter l’avancée de la mer, soit pour s’en débarrasser simplement. Les chantiers sont pointés du doigt. Mais ces actes ne sont pas sans conséquences environnementales.
Entre son domicile dépourvu de peinture et la mer, c’est moins de 100 mètres. Alors Ndiatté Guèye, sexagénaire Lébou, visage tatoué de traits de vieillesse, ne dort désormais que d’un seul œil. La mer gronde et avance vertigineusement. Sur son visage, ne pointe aucune once de joie, juste de la peine, même dans ses cernes. Ses yeux sont éteints par l’indicible horreur qui le guette : la disparition de sa maison. Le patriarche aux 13 enfants, issus de 3 femmes, n’a qu’une seule barricade. « Désormais, mes enfants et moi avons érigé des tas de gravats devant la maison pour contrer les eaux. Comme personne ne nous vient en aide, nous nous protégeons », expose-t-il, tout en perçant l’horizon du regard. Devant la maison, beaucoup de pierres sont superposées les unes sur les autres.
De Yoff à Malika, en passant par la bande de filaos de Guédiawaye, les somptueuses dunes de sable croulent sous le poids des gravats déposés à côté.
Dans cette partie de la Grande côte dakaroise, une des rares grandes superficies en termes de plage, le littoral est devenu un déversoir de tous les liquides. « À Guédiawaye, à cause des projets immobiliers sur la bande des filaos, on jette tout sur le sable. Les gravats sont amassés sur les parcelles et c’est le terreau fertile aux eaux usées. Les gens ont trouvé dans ces pierres le moyen de se débarrasser de leurs eaux issues des fosses septiques et des déchets domestiques. Le littoral est très sale », décrie Talla Guèye du Collectif pour la défense de la bande de filaos de Guédiawaye.
À la plage de Diamalaye, quartier chic de Yoff, les amas de gravats dégagent un parfum fétide à cause des déchets liquides. Ici, les eaux domestiques se mélangent aux urines vidées par certains sportifs. On se bouche le nez ou l’on détourne le regard, tellement les effluves incommodent. Le sol noirâtre cohabite avec les ordures amoncelées le long du sable vermoulu. Les vagues noircies par ce cocktail de saleté lâchent de longues rafales qui s’écrasent sur les rives.
Ce samedi 8 février 2025, l’après-midi offre une marée haute. Désormais, les tas de pierre font partie du décor. Tessons de bouteilles, résidus de plastique, tissus, canettes vides… attention aux marcheurs ou baigneurs. « L’appétit immobilier pour la cité Diamalaye va se transformer en drame environnemental. Au-delà de la mauvaise odeur, on ne peut plus faire correctement du sport sans marcher sur des pierres. À force de créer des tas de gravats, tous les déchets liquides y sont déversés et l’eau va déborder jusqu’à la mer. L’eau de mer est aujourd’hui très polluée », s’insurge Babacar Diagne dit Abou, l’un des jeunes qui se battent pour la sauvegarde du foncier dans ce quartier de Yoff.
En attendant que l’État prenne en charge cette question qui risque de favoriser l’érosion côtière, les populations ont trouvé leur lieu privilégié pour les gravats. Interpellée sur la question, Madeleine Diouf Sarr, directrice du Changement climatique, de la Transition écologique et des Financements verts au ministère de l’Environnement, a indiqué qu’une mission va être faite pour arrêter ce phénomène. « C’est déjà requis par l’autorité », a précisé laconiquement Mme Sarr.
Babacar Guèye DIOP