Son adhésion au prestigieux Club des plus belles baies du monde a propulsé la baie de Ngor sur l’échiquier international du tourisme durable. Pour le maire, Maguèye Ndiaye, la commune de Ngor est fière et honorée de voir son site reconnu pour sa beauté et son authenticité. Et cette reconnaissance internationale ouvre, selon lui, de très belles perspectives, notamment touristiques, économiques et environnementales.
Depuis des années, vous œuvrez pour que la baie de Ngor intègre le Club des plus belles baies du monde. C’est désormais chose faite. Est-ce une consécration ?
Oui, c’est une belle consécration. Quand nous sommes arrivés à la tête de la municipalité, ça faisait partie de notre politique de repositionner et rehausser l’image de Ngor à l’international. Quand on parlait de Ngor, les gens pensaient que c’était juste une île, sans compter la connotation très négative qui lui collait à la peau avec les boîtes de nuit, les problèmes de mœurs. Donc, il fallait rapidement changer ces questions et repositionner Ngor sur dans une dynamique nationale et internationale. Et à partir de là, aller chercher des financements, des fonds, du partenariat, mais également créer de l’attrait par rapport au territoire, notamment sur le marketing territorial, pour permettre aux autres de venir investir, créer des opportunités qui serviraient pratiquement à la jeunesse, aux populations. Quand Issa Barro, directeur général du Club des plus belles baies m’a parlé de cette opportunité, j’ai sauté sur l’occasion et nous avons introduit une lettre de demande d’adhésion. Je rappelle que la Baie du Sine Saloum a parrainé notre adhésion. Par la suite, nous avons reçu, du 10 au 12 avril dernier, une délégation du Club, composée de son président Louis Thébault, Bruno Bodard, et Issa Barro, venue voir si ce que nous avions présenté sur la baie de Ngor, à savoir sa localisation, ses attraits, ses forces, ses faiblesses et opportunités économiques, mais surtout les avantages écologiques et tout ce qui tourne autour : tourisme, écologie, environnement, économie, était exact. Dès qu’ils sont venus, ils ont fait le tour et ont été séduits. Ils sont retournés pour confirmer ce qu’ils ont vu.
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Aujourd’hui, vous avez réussi à positionner l’île de Ngor à l’international. Qu’est-ce qui va changer concrètement ?
Ce qui va changer, c’est déjà le fait qu’on va davantage parler de Ngor qui fait désormais partie des plus belles baies du monde. Il y a deux ans, les clichés étaient très négatifs, mais aujourd’hui, la tendance est inversée. Nous sommes la deuxième baie au Sénégal et c’est très positif. Le Sénégal possède 700 km de côte et si on arrive à se positionner juste après Sine Saloum, c’est une chose extraordinaire, parce que des baies, nous en avons à foison. Maintenant, ce qui va changer, c’est déjà l’aperçu et la perception que les gens auront de Ngor. La baie est naturellement connue par tous les Sénégalais parce qu’étant jeunes, les élèves et étudiants venaient soit à la plage, soit sur l’île de Ngor pour passer du bon temps. Maintenant, c’est un joyau naturel et cette reconnaissance internationale nous ouvre de très belles perspectives, notamment touristiques, économiques, environnementales mais aussi diplomatiques. Elle nous oblige à mener un travail d’aménagement et à trouver des investissements pour accompagner le développement de cette baie. L’île de Ngor va beaucoup améliorer toutes ces questions, beaucoup travailler sur cette orientation de se projeter sur l’aménagement, mais également sur les impacts économiques, sociaux que cette baie de Ngor pourrait offrir.
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Les îles sont souvent confrontées à des problèmes d’environnement et de financement. Comment comptez-vous relever ces défis ?
Il faut remercier et féliciter l’Association des amis de l’île de Ngor constituée d’habitants et de personnes qui ont des commerces sur l’île. Ils font un excellent travail lié notamment à la gestion des déchets parce que c’est une île et il faut bien s’organiser surtout par rapport à la collecte des déchets, au tri et au déploiement sur le continent. Ils ont affrété un bateau qui permet, tous les matins, de ramasser les ordures et de les acheminer sur le continent. Pour les questions d’assainissement sur l’île de Ngor, il faut savoir qu’il est très difficile d’aménager un réseau, parce que c’est de la pierre organique ; donc créer un réseau est quasiment impossible. Chacun essaie de voir, de la meilleure des manières, et des plus simples comment s’organiser pour disposer de fosses septiques.
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La particularité de l’île de Ngor, c’est qu’elle est sans électricité. Est-ce une option ?
L’île de Ngor est restée sans électricité parce qu’à la base, c’était des maisons de week-end, des cabanons, et les gens ne passaient pas forcément la nuit. Ils venaient le week-end, ou pour passer une journée. Et les rares familles qui y passaient la nuit, étaient à la quête d’authenticité. Donc, il n’y avait pas besoin d’électricité, mais certains fonctionnaient avec des plaques solaires et d’autres avec des groupes électrogènes. Aujourd’hui, on voit de plus en plus que le type de construction a changé et la demande est là par rapport à l’électrification. Encore que cette question divise pour la simple raison que certains souhaitent aller sur de l’énergie propre et d’autres avoir de l’électricité ; de l’électricité standard avec des câbles tirés.
Il y a quelques semaines, notre collègue de la commission coopération était au Vietnam pour participer au Congrès de la recherche internationale des maires francophones. Il a essayé de lever des fonds verts liés à l’électrification des îles et a fait une proposition d’un montant de 300.000 euros (près de 200 millions de FCfa) pour l’île de Ngor pour voir comment accompagner son électrification, soit avec le club des plus belles baies ou avec la Ville de Dakar, mais avec une énergie propre, une énergie verte ; que ce soit des plaques solaires ou de l’éolienne. C’est notre souhait et certainement celui des gens qui habitent l’île. L’objectif, c’est de concilier les besoins. Ce qu’on veut, c’est avoir de l’électricité pour garantir plus de sécurité.
Ce sont des questions qui nous rassemblent et nous espérons pouvoir, avec l’adhésion au club, faire davantage de plaidoyer pour attirer des investisseurs, des financements, des fonds pour avoir de l’électricité, mais une électricité propre.
La sécurité de l’île constitue également un enjeu…
Sur cet aspect, il faut remercier l’État du Sénégal parce que l’île de Ngor abrite le Centre d’entraînement tactique capitaine Ibrahima Camara. Et depuis un certain temps, la gendarmerie a mis en place un détachement pour asseoir une sécurité permanente sur l’île. Cela est dû au développement du proxénétisme, de la vente et de la consommation de drogues, sans compter les pickpockets et les agressions. Depuis deux ans, la gendarmerie y a déployé une équipe, qui fait un excellent travail et on a vu l’impact sur le plan sécuritaire. Néanmoins, il reste toujours des niches qu’il faut régler parce que quand on parle de drogue et de proxénétisme, c’est très difficile à éradiquer parce qu’ils travaillent en réseau et il est très difficile de les cerner. Mais l’impact est là, parce que ça a baissé de manière remarquable.
L’île foisonne de restaurants, d’auberges, de vendeurs d’objets d’art et de souvenir. Comment comptez-vous organiser tout cela pour éviter l’anarchie ?
Dans notre stratégie et notre style de management, nous privilégions l’inclusion. Nous impliquons tout le monde. Nous avons des idées, une vision, mais c’est une vision partagée. Les gens nous disent là où ils veulent aller et nous demandent notre avis, nos amendements et nos suggestions pour que nous retrouvions avec un modèle partagé et accepté par tous. Et avec l’adhésion de la baie, ce qui est prévu, c’est d’organiser une rencontre avec eux, de leur faire comprendre qu’une baie, c’est une notoriété internationale, une référence avec des normes. Adhérer au club sélect des plus belles baies, c’est une chose, mais le risque d’en ressortir est là. L’implication de tous est nécessaire. Pour les restaurants, dans les pays où l’on a une économie bleue, ils sont organisés. Donc, il faut les amener à prendre conscience de l’avantage qu’ils ont d’être sur une baie classée, mais également la responsabilité qu’ils ont pour y rester. Il va falloir les réaménager, les accompagner à construire, à s’équiper et à offrir des produits et des services de qualité. C’est également la notoriété de la destination Sénégal et à ce titre la Direction de la réglementation touristique a défini certains critères pour certains services. Il va falloir les sensibiliser, les réorganiser et les réinstaller. Nous espérons y arriver rapidement, parce que ce sont des gens qui se réjouissent de l’adhésion de Ngor au club des plus belles baies. Pour le reste, ça ne devrait pas être difficile et nous espérons y arriver rapidement.
Avec la nouvelle donne, peut-on s’attendre à une réorganisation de la traversée ?
Absolument. Aujourd’hui, il y a le contexte lié à l’écologie et le charme de la traversée, c’est qu’elle se faisait sur des pirogues en bois. Avec l’interdiction de la coupe de bois, il y a la raréfaction de la matière première. Il s’y ajoute que le Sénégal tend vers des pirogues en fibre de verre. Donc, il faut garder cet aspect rustique d’avoir des pirogues en bois, en évoluant vers les pirogues en fibre de verre pour des questions de sécurité, des questions liées à l’écologie et à l’environnement. Les piroguiers sont engagés à nous accompagner, à faire évoluer leur activité, parce que ce qui se passe sur la baie sera une chose qui concerne tout le monde : les piroguiers qui assurent la traversée, les restaurateurs, les jeunes maîtres-nageurs-sauveteurs, les jeunes qui sont dans l’aquagym : Tout le monde sera responsabilisé, parce que l’adhésion, on l’a fait ensemble et si quelqu’un ne respecte ses missions pour un service donné, cela risque d’impacter sur l’ensemble. C’est pour cette raison qu’il faut les sensibiliser, les accompagner. Aujourd’hui, on a vu le jeune Mbaye Seck, l’un des rares Sénégalais à construire des pirogues faire partie des personnes qui assurent sur la traversée. La municipalité l’accompagne et lui a octroyé un espace pour qu’il puisse installer son usine de fabrication de pirogues pour assurer la traversée et la sécurité des gens qui vont emprunter ces embarcations.
Par Samba Oumar FALL