L’engouement collectif noté ces derniers jours pour la préservation de nos mers et du patrimoine halieutique est salutaire. Il est, sans doute, une marque indélébile des suites positives de la signature, par le Sénégal, à l’occasion de la dernière Conférence des Nations unies sur l’Océan, du Traité pour la protection de la haute mer et la biodiversité marine (Bnff).
À ce titre, il serait aussi une preuve… Preuve qu’au-delà de ce qu’il représente comme acte de souveraineté, symbolique du leadership de notre pays dans la diplomatie internationale et la gouvernance multilatérale de l’environnement et du climat mondial, cet acte solennel de signature est surtout un gage ; à la fois, de légitimation mais aussi de motivation et de mobilisation, à plusieurs niveaux.
D’abord, pour l’onction institutionnelle qu’elle représente pour les collectivités locales, la société civile d’envisager le cap, ensemble et sous la direction de l’État. Mais aussi, pour ce qu’elle permet, en tant quitus officiel et acte-aiguillon de gouvernance pris au sommet, d’appuyer de façon coordonnée la gestion inclusive des ressources naturelles halieutiques dans les terroirs concernés et d’impulser une dynamique nouvelle aux services techniques de l’État qui en ont la charge à l’échelle des pôles-territoires.
Sceau officiel qui estampille l’engagement de l’État à trouver de façon urgente les réponses efficaces et durables à la question de la dégradation des ressources halieutiques (dont les chiffres révélés par le dernier Rapport sur l’état de l’environnement au Sénégal du Centre de suivi écologique-Cse de Dakar, autorité en la matière de mesure de la Biodiversité, restent importants, pour ne pas dire effarants ), cette signature va assurément booster les activités prévues dans la mise en œuvre de la Stratégie nationale de gestion des écosystèmes de mangroves du Sénégal (Sngm). Document de référence qui met l’accent sur les enjeux liés à la double fonction de régulation écologique et de pourvoyeuse des biens et services écosystémiques reconnue à la mangrove et des enjeux planétaires liés à sa gouvernance. Et qui s’inscrit, en droite ligne, sur le programme de développement durable des Nations unies « Transformer notre monde à l’horizon 2030 ».
C’est-à-dire de l’Agenda international adopté en septembre 2015 par les chefs d’État et de gouvernement et comprenant 17 objectifs de développement durable (Odd) et 169 cibles dont l’Odd14 (vie aquatique) avec ses dix cibles : pollution marine ; écosystèmes marins et côtiers ; l’acidification des océans ; la surpêche et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée – pêche Inn- et les pratiques de pêche destructrices ; conservation ; subventions à la pêche nuisibles, entre autres. Les mangroves qui sont au cœur de ce dispositif de préservation et de gestion durable qu’est la Sngm, figurent, en tant que zones humides côtières, parmi les milieux les plus productifs du monde. Elles représentent aussi, selon ce document, un bon potentiel pour réduire l’impact des vagues et des tempêtes, en plus de permettre de faire face à l’élévation du niveau de la mer grâce à l’accumulation des limons et la réduction de l’érosion.
Sans compter l’extrême richesse de sa biodiversité faunique et végétale mais aussi culturelle des communautés qui y vivent et qui la préservent depuis la nuit des temps. (Populations originaires des îles de la frange littorale de la Casamance maritime, Seereer Nyominka du Delta du fleuve Saloum, habitants de l’estuaire du fleuve Sénégal, dans le Gandiolais). Communautés plurielles et ouvertes des « gens de la mer », caractéristiques de ce que le sixième Congrès de l’Uicn de Durban (Afrique du Sud) a consacré sous le vocable d’éco-cultures et dont sont emblématiques les nombreux amas coquilliers sur les terroirs amphibies du « Royaume de l’enfance » cher au poète-président Léopold Sédar Senghor : Diorom Boumack, Bangalère, Nidior, Maya, Missirah, Djinack…
Des sites sacrés au cœur des mangroves des iles du Saloum étudiés par la chercheure Mary Amy Mbow du Musée de la mer de l’Institut fondamental de l’Afrique noire (Ifan) où les représentations humaines du milieu sont structurées par un imaginaire très écologisé. Porté, celui-ci, par une vision des relations homme-environnement définies par une cosmogonie préservationniste (vivier véritable de savoirs endogènes encore vivaces dans les communautés halieutiques vivant à la lisière de ces écosystèmes singuliers et biotopes souvent classés « aires protégées »).
Une vision qui, aujourd’hui, est intégrée, et à juste titre, dans les options de gestion et les schémas d’aménagement des écosystèmes des mangroves. Pour ce qu’elle donne à comprendre sur les valeurs intangibles des écosystèmes, au-delà des potentialités biophysiques des milieux. Mais aussi, pour ce qu’elle renseigne et aide à anticiper sur les risques éventuels que les bouleversements (écologique, social, économique et autres) non-maitrisés peuvent engendrer comme crises aux conséquences imprévisibles.