Les forêts des régions de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou validaient le label «verte Casamance» attribué à ces régions du Sud. Mais depuis plusieurs années, elles sont défigurées par la coupe illégale de bois. De Ziguinchor à Kolda, les trafiquants de bois ont eu raison de ce qui faisait la richesse arboricole de ces terroirs. Les coupeurs de bois viennent du Sénégal mais aussi des pays limitrophes. Le Soleil a mené une enquête sur une organisation sévissant dans la zone de Médina Yoro Foulah (région de Kolda) la plus sous pression avec celle de Bissine (département de Ziguinchor).
Le visiteur ne peut que rester stupéfait face au décor. Les habitués de ce qui fut une forêt luxuriante peinent à reconnaître les lieux. La vaste forêt de Médina Yoro Foulah a pris un sacré coup avec l’exploitation sauvage de ses espèces. Tous les arbres sont presque à terre. Rien que des souches mortes. L’espèce la plus courue, le bois rouge appelé « Venn », n’est presque plus visible dans la sylve à cause de sa surexploitation par les trafiquants. Ce vaste département de la région de Kolda faisait partie des zones parmi les plus boisées de Casamance. Son bois très prisé, notamment en Chine, a attiré les trafiquants venant du Sénégal, de la Gambie et une forte communauté de Peuls Fouta originaire de la Guinée Conakry. Son exploitation à outrance commence à laisser place à une sorte de mi-steppe, mi-savane qui s’installe progressivement.
De Kolda à Dabo, il faut parcourir à peu près une cinquantaine de km avant de prendre l’embranchement conduisant vers le vaste département de Médina Yoro Foulah. En cette matinée du mois de mai, sur la route menant de Dabo (une commune de Kolda) à la commune de Fafacourou (un des arrondissements du département de Médina Yoro Foulah), les arbres disparaissent aidés par les feux de brousse souvent dévastateurs. Premier indice, dans le village de Bassoum, des piles de sacs en jute remplis de charbon de bois jonchent le sol. Le charbon de bois est ici une source majeure de revenus…
Bassoum est un village Peul qui a accueilli des étrangers au fil des années. Des hôtes particuliers dont le travail se résume à la coupe du bois. Les autochtones sont conscients de l’action dévastatrice de leurs locataires sur leur environnement, mais ils sont dépourvus de moyens pour mettre fin à ces coupes sauvages. Parmi ces hôtes très particuliers qui sont en majorité des Peuls Fouta venant de la Guinée Conakry, certains viennent de villes comme Touba.
Dans le village, ces nouveaux venus occupent des concessions en cases rondes pour les uns et des bâtiments d’autres, sans doute plus nantis. A l’autre bout de la route menant à Fafacourou, ce qui fut une luxuriante forêt n’est plus que désolation avec de petites arbustes qui résistent alors que d’autres gisent à terre. Sur son vélo, un passant nous confie que toute cette zone était ceinturée par une forêt. Mais aujourd’hui, les coupeurs ont tout terrassé.
Interdiction du venn
Sur un terrain vague à Bassoum, le soleil darde ses rayons. Deux jeunes sont préposés à la surveillance des sacs de charbon de bois. Rejoints par d’autres jeunes, ces derniers chargent les sacs sur des charrettes. « C’est un nommé Fallou, venant de Touba, qui a commandé ce charbon de bois. », révèle le jeune Ibrahima Mballo, natif du village de Bassoum. Ici, les étrangers ont finalement élu domicile et certains ont fini par y résider avec leurs enfants qui sont devenus des natifs du bourg. «Beaucoup d’étrangers qui étaient dans le village étaient venus pour la coupe de bois avant de s’installer. Ce sont presque des Peuls de la Guinée Conakry. Ils coupent les arbres et partent les revendre. Ils n’ont que ça comme boulot », lance un des villageois, un Peul du Fouladou.
Vêtu d’un tee-shirt et d’un short noirci à l’hygiène douteuse, Sory Baldé, natif du village, donne des directives à un des garçons qui remplissent des sacs de charbon de bois. Selon ses informations, ce sont les agents des eaux et forêts qui donnent la permission pour la coupe du bois. « Ils nous indiquent dans la brousse les endroits où la coupe est autorisée. Quand ces parties sont désertiques, ils nous désignent d’autres lieux», renseigne-t-il. Cependant notre interlocuteur précise que si les agents des eaux et forêts autorisent la coupe de certains arbres appelés «Dugui», «Bani», «Nété», «Pélé», «Bodé», «Nogué». Ceux-ci sont souvent utilisés par la fabrication de charbon de bois. Par contre, il est formellement interdit de toucher aux arbres comme le «Venn» sous peine de sanctions sévères. Bassoum, à l’origine terroir des Peuls du Fouladou, a vu ainsi d’anciens migrants y devenir majoritaires. Selon un de nos interlocuteurs, ces migrants détiennent tous des permis de coupe et ont l’aval des chefs des villages de la zone. «Ils abattent des dizaines ou plus par jour dans la zone sans être inquiétés. Et tous les autochtones savent qu’ils résident dans le village pour des activités d’exploitation de la forêt», grommèle un jeune du village, impuissant.
Samba DIAMANKA