Quelques mois après le déguerpissement des tabliers de Colobane, le phénomène a repris de plus belle. Marchands ambulants, vendeurs de friperie et mendiants squattent les trottoirs, entravant ainsi les allées et venues des populations. Ce qui pousse ces dernières à arpenter la chaussée et donc à se mettre en danger.
COLOBANE – Le soleil est au zénith. Le marché de Colobane, comme à l’accoutumée, est envahi par une flopée de passants. D’innombrables personnes occupent les rues de ce quartier populeux. De la fumée s’échappant des véhicules, mâtinée à la poussière soulevée par les passants, rendent l’air difficilement respirable au grand dam de la population. Dans ces allées, principalement allant du rond-point de la maison du parti (Ndlr : siège du parti socialiste) vers la gare du Ter, une file interminable de voitures, est à l’arrêt, la cause à un embouteillage monstre. Ce qui oblige certains usagers des transports en commun à descendre des véhicules pour continuer le trajet à pied. Faute d’une occupation anarchique des trottoirs par les mendiants, les marchands tabliers et autres étals de fortune, certains piétons empruntent la chaussée à leurs risques et périls.
Sur les trottoirs, successivement, on rencontre des vendeurs à la sauvette, des marchands de fruits, des vendeurs de fripes, des vendeurs de montres et autres articles. Si, pour la plupart, ils étalent leurs marchandises, à la limite, sur la chaussée, d’autres préfèrent occuper le trottoir et se servir de leurs bras tendus pour proposer leurs marchandises. La transformation de ces lieux de circulation en lieux de commerce est monnaie courante à Dakar, mais à Colobane le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Bamba, un jeune homme d’une vingtaine d’années, est vendeur de pantalons jeans à Colobane.
À même le sol, entre la chaussée et le trottoir, une toile lui permet d’empiler ses marchandises. Bréviligne, un pantalon jean noir déchiré et un débardeur gris lui servent d’accoutrement. Il tient une partie de sa marchandise entre les mains et les fait miroiter aux passants afin de les inciter à acheter. « À Colobane, la chaussée est toujours empruntée par les piétons alors qu’elle est réservée aux véhicules. Certes, nous sommes en partie responsables de cette situation, mais nous n’avons pas le choix. Nous voulons juste gagner dignement notre pain quotidien. Nous leur laissons un peu d’espace, certains n’en font qu’à leur tête et se disputent la chaussée avec les voitures », déplore le jeune homme. La mine dépitée, il renchérit : « nous ne sommes pas fiers d’être là, nous voulons avoir des magasins ou être recasés. Le bitume nous noircit, on n’est pas à l’abri d’un chauffard qui pourrait éventuellement perdre le contrôle de sa voiture et foncer sur nous. Nous nous en remettons à Allah le temps de trouver mieux ailleurs ».
Un trottoir, pas trottable
Sémou Diouf, ancien étudiant reconverti dans la vente de fripes, abonde dans le même sens. Ce frileux jeune homme joufflu et âgé d’à peine 24 ans n’est pas insensible à cette situation. Dans une monotonie nonchalante, il fustige ce comportement qui ne reflète guère le comportement d’un bon père de famille. « Tous les étudiants ont assailli le milieu du commerce ici à Colobane. Dans ce secteur, la majeure partie des vendeurs sont des étudiants. D’où cette occupation anarchique du trottoir qui pousse les passants à prendre la chaussée », dit-il. Cependant, selon lui, l’imprudence des piétons est notoire. Certaines personnes, par étourderie ou pour une autre raison méconnue, préfèrent marcher sur la chaussée alors qu’il y a de l’espace sur le trottoir. « Les piétons pestent toujours que nous occupons illégalement le trottoir. Et pourtant, nous n’occupons pas tout le trottoir. Même si nous avions libéré le trottoir, on verra des gens emprunter la chaussée », se désole-t-il avant de conclure : « Nous voulons que le gouvernement nous trouve un site pour pouvoir y travailler paisiblement et en toute sécurité ».
Un site de recasement pour juguler le problème
Dans cette partie du marché, il n’y a pas une partie du trottoir qui n’est pas assiégée. Non loin de la pharmacie Touba Mbacké, entre les deux voies, se trouvent des vendeurs de chaussures. Mme Diagne, une vieille maman, est venue acheter des chaussures à ses enfants. Interpellée sur le sujet, la dame, la cinquantaine, se confie d’une voix basse : « On doit élargir la route et le trottoir. J’exhorte tous les piétons à prendre le trottoir au lieu de la chaussée pour leur sécurité. On ne cautionne pas l’occupation des trottoirs, mais on doit pouvoir être indulgent, parce que les marchands essaient de gagner dignement leur vie ». Elle renchérit en appelant le gouvernement à trouver une alternative. « Les marchands et autres vendeurs ne sont pas dans leurs droits et le gouvernement doit leur trouver un site de recasement », soutient la dame.
Adama Mohamed DIEME (Stagiaire)