Dans le Ferlo, cette partie septentrionale du Sénégal où ce groupe ethnique est majoritaire, la femme joue un rôle crucial dans les activités pastorales, même si celui-ci paraît « marginal », par endroit. Qu’elle soit en transhumance ou en sédentarisation, elle est toujours au-devant de la scène. Elle est impliquée dans des tâches telles que le soin des animaux, la transformation des produits laitiers, la collecte de l’eau et des produits forestiers, ainsi que la gestion des revenus. Son rôle est essentiel pour la survie et la résilience face aux défis environnementaux et économiques.
Sur les bords de l’axe Ranérou-Matam comme à l’intérieur du Ferlo, sur des pistes sinueuses et cahoteuses, un ballet incessant de charrettes des nomades offre un joli décor, une belle mosaïque. En ce début de l’hivernage, des cohortes de transhumants prennent le chemin du retour après plusieurs mois passés à rechercher de belles prairies et de points d’eau pour abreuver leurs troupeaux. À cause de la chaleur torride, les caravaniers décampent très tôt leurs résidences précaires pour parcourir de longues distances avant d’observer la pause quand le soleil sera au zénith. Dans ce lot de transhumants, la femme est aux premières loges. Elle tient la bride de l’animal, à côté de ses enfants, dans une charrette d’âne remplie de bagages de toutes sortes. Elle joue un rôle important dans le déplacement des nomades. La femme s’occupe traditionnellement de l’habitat (confection et montage de la tente) et de l’alimentation de la famille. Elle est donc au cœur de l’activité pastorale dans le Ferlo voire ailleurs. « Nous ne pouvons pas parler de pastoralisme sans la femme », résume Awa Alassane Sow, présidente du Directoire régional des femmes en élevage (Dirfel) de Louga. En transhumance ou en sédentarisation, elle joue les premiers rôles. D’après elle, la femme représente une partie importante de la main d’œuvre dans l’élevage, soulignant que les principales activités dont elle a la charge sont l’alimentation, l’abreuvement du cheptel, le soin des animaux, l’entretien des étables, la traite des petits ruminants et des bovins ainsi que la transformation des produits tirés de l’élevage (lait caillé, beurre, tannerie) et leur commercialisation. À ces activités s’ajoutent les tâches ménagères (préparation des repas, soin des enfants), la main d’œuvre agricole, renseigne Rougui Diallo, présidente du Gie « Kawral Diawbé». À l’en croire, la femme prend également soin des petits ruminants et s’occupe de la prise en charge des animaux malades.
Bravoure de la femme
D’ailleurs, dans les bagages des transhumants, figurent en bonne place brebis et agneaux fragiles qui ne peuvent suivre le rythme du grand troupeau à cause des contraintes liées au déplacement. Bocar Diallo, président du Conseil départemental des jeunes de Ranérou, confirme la place de la femme dans l’élevage et de façon générale dans l’agriculture. C’est pourquoi, elle est prise en compte dans tous les programmes et projets « pour la modernisation du secteur » dans le département de Ranérou. Ahmadou Diallo, président de la Commission environnement du Conseil départemental de Ranérou, est du même avis. Toutefois, il admet que le rôle de la femme dans le pastoralisme était naguère, « marginal». Selon lui, « elle ne se limitait qu’à traire les vaches, à transformer le lait ». Mais aujourd’hui, reconnaît-il, la femme éleveuse diversifie ses activités dans le sillage de la modernisation du secteur. De ce fait, explique-t-il, certaines femmes ont déjà entamé l’embauche bovine ou ovine. Sa conviction est que l’émergence du secteur requiert l’implication accrue de la femme, en lui redonnant sa place au sein de cette activité. Pour sa part, Amadou Sy, secrétaire élu au Conseil départemental de Ranérou, indique que la femme étant un élément incontournable dans le pastoralisme, assure plus de 50% de cette activité. Dahirou Pène, président de l’antenne départemental de Ranérou de la Chambre des métiers de Matam, précise que les hommes se limitent essentiellement à faire paître le troupeau. Selon lui, les autres tâches sont gérées par la femme avec toutes les contraintes liées à ce métier. C’est pourquoi, le commandant des Parcs nationaux Serigne Modou Mamoune Fall, conservateur de la Réserve de faune de Ferlo nord, n’a pas hésité à magnifier la « bravoure » de la femme peule dans le secteur parce qu’elle est toujours au-devant de la scène. « En hivernage, c’est la femme nomade qui s’occupe de la corvée d’eau parce que la majeure partie des forages pendant cette période aussi bien pour le ménage que les petits ruminants », explique M. Fall. Cependant, déplore-t-il, le rôle déterminant des femmes dans l’élevage et la transhumance est rarement reconnu. Au contraire, elles souffrent encore d’une certaine marginalisation qui se manifeste par un faible accès aux ressources foncières, financières et sociales.
Par Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Mbacké BA (photo)