La première journée du Dialogue politique sur la gouvernance des pêches en Afrique de l’Ouest (6-7 août 2025) a permis aux parties prenantes de dresser un réquisitoire contre les usines de farine et d’huile de poisson. Accusées de nuire aux activités des femmes transformatrices et de porter atteinte à l’environnement, ces unités industrielles font face à une fronde grandissante. Le ministère des Pêches a, de son côté, tenté de rassurer en présentant des mesures de régulation.
Le Dialogue politique sur la gouvernance des pêches en Afrique de l’Ouest, organisé par l’université anglaise de Lancaster, à Saly (6 et 7 août 2025), a réuni des acteurs du Sénégal et de la Gambie. En ligne de mire : les usines de farine et d’huile de poisson. Au Sénégal, ils sont au nombre de six. Ces infrastructures, implantées au nom du développement industriel, sont désormais perçues comme une menace directe pour les communautés locales, en particulier les femmes transformatrices de produits halieutiques.
Présidente des femmes transformatrices de Cayar, Maty Ndao a lancé un cri du cœur poignant : « Sur les 325 femmes qui vivaient de la transformation du poisson, il en reste, aujourd’hui, à peine quelques-unes en activité. Les autres sont retournées chez elles, faute de matière première. Nous ne trouvons plus de poisson à transformer ». Pour ces femmes, la concurrence est déloyale. Face à des usines puissamment dotées financièrement et bénéficiant de facilités administratives, leur activité traditionnelle décline dangereusement. « Ceux qui délivrent les agréments à ces usines devraient revoir leur copie », a insisté Mme Ndao.
Le constat est partagé par Mamadou Sarr, coordinateur du Comité local de la Pêche artisanale (Clpa) de Dakar-Ouest. Selon lui, les autorisations délivrées aux industriels n’ont pas tenu compte de l’environnement ni de l’acceptabilité sociale. Vers une nationalisation de la sardinelle Autre point noir : la capture massive de poissons juvéniles et même de déchets de poisson par ces usines. Diaba Diop, présidente du Réseau des Femmes de la Pêche artisanale (Refepas) regroupant 45.000 membres, dénonce une pression insoutenable sur la ressource.
Mamadou Kaly Bâ, militant écologiste et chargé de campagne Océan à Greenpeace Afrique, explique les raisons de cette frénésie : « Le taux de protéines d’une farine issue de déchets n’atteint pas 40 %. C’est pourquoi ces usines privilégient l’utilisation de poissons frais, notamment des pélagiques, qui présentent un taux de protéines supérieur à 50 % ». Face à ces interpellations, le ministère des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires, à travers la voix de Coumba Ndoffène Diouf, chef du Bureau des Aménagements à la
Direction des Pêches maritimes, a assuré travailler à des mécanismes correctifs. « Le ministère réfléchit à l’instauration d’un quota de production de petits pélagiques exclusivement réservé aux femmes transformatrices afin de garantir la pérennité de leur activité », a-t-il affirmé. Autre sujet majeur abordé lors de cette rencontre : la sardinelle ou « yaboye », espèce populaire, mais aujourd’hui surexploitée et hors de portée de la majorité des Sénégalais.
La Direction des Pêches maritimes (Dpm) envisage désormais de nationaliser cette ressource stratégique. « Il est devenu impératif de faire de la sardinelle une priorité nationale en limitant son accès aux marchés locaux. Depuis quelques années, de grandes quantités congelées sont exportées vers des pays de la sous-région », a-t-il regretté. Par ailleurs, les autorités planchent sur le renforcement de la réglementation relative à la capture des juvéniles, interdite par le Code de la pêche, mais encore largement pratiquée.
Babacar Guèye DIOP