Les algues qui polluent nos plages et notre environnement marin sont transformées en matière première pour servir à la fabrication de produits agricoles, alimentaires et sanitaires. A Ngaparou, le Professeur d’université à la retraite Abdourahmane Tamba redonne vie à ces or- durs qui peuvent aujourd’hui participer à l’atteinte de nos objectifs de souveraineté alimentaire.
MBOUR – Dans la nature, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. A Ngaparou, Abdourahmane Tamba transforme les déchets de la mer en matière première. Dans ce village côtier, situé à 80 kilomètres au Sud de Dakar, les algues marines ont une seconde vie en dehors du grand bleu. Depuis quelque temps, le Professeur d’universités à la retraite s’est trouvé une nouvelle passion. Il donne un nouveau souffle aux algues marines récupérées sur les plages. Cette ressource longtemps négligée est le produit de base d’une grande révolution alimentaire. Désormais, ces déchets qui défigurent nos plages sont utilisés pour nourrir les populations, le bétail, l’agriculture et l’industrie pharmaceutique. « Vous avez vu mes moutons. Ils se nourrissent de fourrage que j’ai fabriqué à partir des algues. Mon bœuf se nourrit aussi des algues transformées et enrichies avec d’autres senteurs », explique le Professeur Tamba, secrétaire exécutif de SOS environnement.
Derrière cette prouesse, c’est tout un protocole qui doit être appliqué pour arriver à ce résultat. Lors de la phase de récupération, les algues non contaminées par la pollution sont choisies. Il s’ensuit un séchage avant que la magie ne puisse s’opérer. Avec ces nombreuses tonnes d’algues qui échouent sur nos plages, l’ancien chef de programme de valorisation des algues marines du Sénégal trouve un moyen rapide et durable de participer à la souveraineté alimentaire. La transformation des algues est aussi un moyen de lutter efficacement contre la pollution des plages de la petite côte, qui constitue la vitrine touristique de la destination Sénégal. « Dans le domaine de la nutrition, nous mangeons mal et nous avons énormément de possibilités avec les algues. Dans le domaine de la santé, les algues contiennent des éléments importants pour la peau, la santé maternelle, la santé infantile. Sur le plan agricole, les algues ont un très grand potentiel pour nourrir le sol. Et dans l’élevage, il est possible de transformer les algues en fourrage, dans un pays comme le nôtre qui a des difficultés à nourrir sa population et son bétail », a-t-il rassuré.
Ainsi, cette nouvelle technologie qui invite à repenser les rapports entre l’eau et la terre est un mécanisme qui se concentre sur la réduction de l’empreinte environnementale, la création d’emplois et la croissance de l’économie locale. Comme pour dire que la mer peut offrir d’autres ressources utiles en dehors des ressources halieutiques. Surtout, les femmes transformatrices de produits halieutiques peuvent aussi se faire une place dans l’industrie des algues.
Quand les femmes intègrent les recettes dans la cuisine
Une fois séchés, ces végétaux marins sont transformés en poudre qui peut bien servir à la consommation humaine. A Ngaparou, les groupements de femmes qui collaborent avec le Professeur Tamba ont déjà expérimenté des recettes à base d’algues marines. Aujourd’hui, elles détiennent les secrets d’une large gamme de produits naturels comme le thiakry, les nems, les fataya ou encore du jus et d’autres compléments alimentaires, le tout soigneusement concocté avec de la poudre tirée de la transformation des algues. Cette machine portée par ces braves dames est un modèle pour stimuler l’esprit entrepreneurial et générer des emplois chez les jeunes et les femmes. « L’algue rouge est un trésor de la mer que nous pouvons intégrer dans nos produits locaux, pour ajouter de la valeur, nourrir, soigner et surtout toucher de nouveaux marchés. Aussi, il faut préciser que l’algue a des propriétés antibactériennes qui lui permettent d’avoir une longue durée de vie après la transformation. Cela ne va pas sans compter les multiples vertus que les algues possèdent en matière de santé et de bien-être. C’est pour ces raisons que la transformation est une entreprise rentable », a expliqué la porte-parole des femmes transformatrices de Ngaparou, Fatou Bineta Tamba.

L’ingéniosité d’Abdourahmane Tamba attire déjà des partenaires qui s’engagent à accompagner les initiatives. Une manière de soutenir l’économie circulaire qui est un enjeu de taille à l’échelle mondiale, dans un contexte marqué par la pollution et les changements climatiques. Il s’agit pour le Centre africain de la performance et de l’excellence opérationnelle (Capeo) de mettre en place des dispositifs d’accompagnement pour arriver à la création d’entreprises spécialisées dans la transformation des algues marines. Un moyen efficace d’accentuer la lutte contre l’insalubrité de nos côtes, mais aussi de préserver notre environnement tout en créant des milliers d’emplois. « Notre idée, c’est d’amener une approche entrepreneuriale. C’est permettre à ces produits à base d’algues d’atteindre les cibles. L’idée aujourd’hui, c’est de pousser les jeunes et les femmes à avoir l’esprit entrepreneurial et aller vers ces opportunités offertes par les algues pour créer des entreprises », a expliqué Cheikh Moubarack Wade, directeur exécutif du Capeo.
Diegane DIOUF ( Correspondant)