En mission au Sénégal depuis le 11 octobre 2022, l’ambassadeur de l’Union européenne au Sénégal, Jean-Marc Pisani, évoque, dans cette interview, les orientations prises avec le nouveau régime pour redynamiser la coopération multilatérale. De nationalité française et maltaise, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire d’une maîtrise en droit européen et droit international de la Sorbonne, il explique le poids et l’impact des investissements européens au Sénégal et les perspectives de coopération.
Vous avez célébré, le 09 mai dernier, la journée de l’Union européenne. Quelle est l’importance de cet évènement ?
La Déclaration Schuman, faite quelques années après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a permis de poser les bases de l’Europe politique et économique que nous connaissons aujourd’hui. L’Union européenne fonctionne sur trois principes : la compétition qui stimule, la solidarité qui unit et la coopération qui renforce. Telle était la formule de feu le président de la Commission européenne, Jacques Delors. Cet événement est célébré, chaque année, dans un contexte qui est différent aujourd’hui de celui de 1950. D’abord parce que beaucoup de réalisations ont été faites en termes de solidarité. On parle au Sénégal de souveraineté agricole, de souveraineté industrielle, de souveraineté en général. Grâce à la politique agricole commune, dans les années 1950, l’Europe a pu accéder à la souveraineté alimentaire. C’est un des grands enjeux d’après-guerre. Dans nos relations internationales, nous sommes très attachés à la solidarité, à la coopération et au multilatéralisme. La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a d’ailleurs souligné, lors de la conférence de Munich en février 2025, qu’aujourd’hui « nous devons faire preuve de courage pour réinventer nos alliances, investir dans des partenariats d’égal à égal et défendre ensemble un ordre international fondé sur les règles ». C’est une approche, je pense, qui entre en résonance avec le partenariat que nous avons établi avec le Sénégal depuis 64 ans. Nous célébrons cette année les 75 ans de la déclaration de Robert Schuman et 64 ans de notre partenariat avec le Sénégal que nous célébrons à la fête de l’Europe.
Comment appréciez-vous l’état de la coopération entre le Sénégal et l’Europe ?
L’Union européenne et le Sénégal sont liés par une histoire commune, une géographie partagée, des valeurs démocratiques fortes, les droits humains et le multilatéralisme. C’est ce qui fait la particularité de cette relation entre l’Union européenne et le Sénégal. Sur la démocratie, à travers l’alternance démocratique de mars 2024, le Sénégal a démontré la solidité de ses institutions et aussi de l’attachement du peuple sénégalais à la démocratie et aux droits humains. La société civile sénégalaise a joué un rôle très important dans la tenue d’élections libres et transparentes. D’ailleurs le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce) est parmi les finalistes du prix Nobel de la paix en 2025. Il y a lieu de rappeler que peu après la prestation de serment du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, le Président du Conseil européen est venu à Dakar, plus précisément le 22 avril 2024. C’est la première visite d’un président non-africain visant à consolider un partenariat déjà dynamique. Le Président du Conseil européen avait rappelé, à cette occasion, que l’Union européenne est un « partenaire loyal, prévisible et sans aucun agenda caché ». Cette visite a été suivie par un certain nombre de visites de haut niveau du vice-président de la Banque européenne (Bei) d’investissement en septembre 2024, puis de la commissaire en charge des partenariats internationaux en octobre 2024. Et enfin, le 28 janvier dernier, nous avons pu tenir avec le ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, notre dialogue partenarial avec tous nos États membres. Cela a permis d’approfondir le contenu de ce partenariat en fonction des objectifs développés dans le nouveau référentiel des politiques publiques, « Vision Sénégal 2050 », dans la perspective d’une souveraineté juste et durable. Ce sont des éléments qui témoignent de l’engagement, de la volonté d’échange et de compréhension de ce nouveau référentiel, et de notre volonté de définir avec nos partenaires sénégalais des objectifs communs sur lesquels nous souhaitons travailler ensemble.
On peut estimer que des perspectives heureuses se dessinent alors…
En effet, notre partenariat est riche et multiforme, fondé sur la coopération, la solidarité et le respect mutuel. Ce moment d’écoute et de compréhension du changement important qui a eu lieu en mars 2024 était nécessaire pour établir les bases d’un partenariat gagnant-gagnant, tel que souhaité par les deux parties. Entre partenaires, nous avons redéfini ensemble, avec les nouvelles autorités, les appuis qu’elles jugeaient utiles pour pouvoir faire avancer leur agenda. C’est tout à fait l’objet de la réunion du 28 janvier dernier, de ce dialogue partenarial qui nous a permis de rentrer plus en détails sur les différents points du partenariat, notamment sur la question du capital humain, de la formation professionnelle, de l’économie, du rôle du secteur privé. L’Union européenne reste le premier partenaire commercial du Sénégal et les entreprises de nos Etats membres sont le premier investisseur étranger au Sénégal avec 906 milliards de FCfa d’investissement au Sénégal en 2023 et plus de 53.000 emplois sénégalais. On a pu passer en revue tous les éléments tendant à appuyer la « Vision Sénégal 2050 ».
L’actualité est aussi marquée par l’expiration des accords de pêche. Leur renouvellement est-il en vue ?
Les accords de pêche, ou le protocole de mise en œuvre de l’accord de pêche plutôt, entre le Sénégal et l’Union Européenne a expiré le 17 novembre dernier. Ce n’est pas une première : dans le passé, entre 2006 et 2014, ce protocole n’existait plus pour permettre aux deux parties de l’évaluer. Ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a plus de bateaux européens qui pêchent dans le cadre de cet accord dans les eaux sénégalaises depuis le 17 novembre dernier.
La question migratoire préoccupe aussi bien les Etats africains que l’Union européenne. En matière de migration, mobilité et emploi, à quoi le Sénégal peut-il s’attendre de la part de l’Union européenne ?
Je crois qu’il faut dire d’abord que l’Union européenne et le Sénégal partagent une vision et une approche communes par rapport à cette question migratoire, qui est très importante de part et d’autre. Cette approche commune est basée sur ce qu’on appelle une approche globale, c’est-à-dire la volonté des deux parties de traiter l’ensemble de toutes les dimensions de la question migratoire.
On parle souvent de la migration irrégulière, qui ne commence pas d’ailleurs au niveau des frontières, mais en général là où il n’existe pas d’opportunités pour la jeunesse. C’est une des priorités du gouvernement et nous l’accompagnons dans la prévention de la migration irrégulière.
L’autre aspect de la question migratoire, c’est la volonté de développer des moyens réguliers, sûrs et ordonnés pour une migration régulière. Et donc nous travaillons avec l’État du Sénégal sur l’ensemble de la question migratoire. Une des premières choses que nous faisons dans notre partenariat, c’est fondamentalement placer la jeunesse au cœur de notre réflexion et de toutes nos actions avec le gouvernement, avec la société civile, avec le secteur privé.
Vous avez placé au cœur de vos priorités les questions liées à la jeunesse et l’employabilité, que faites-vous concrètement sur ce plan ?
Depuis 2020, nous avons soutenu, à travers le consortium Jeunesse Sénégal, plus de 200.000 jeunes à Guédiawaye. Ils ont pu faire un certain nombre d’activités, de formations, qui leur offrent des perspectives. Nous avons également mis en place depuis cette année 2025, un Conseil consultatif des jeunes, composé de jeunes venant de toute les régions du Sénégal, et que nous associons systématiquement à notre réflexion.
Les jeunes, moteur du pays, sont au cœur de toutes nos actions. En tant qu’équipe Europe, nous disposons par exemple d’un programme de formation technique et professionnelle très important pour les jeunes, en lien avec les Jeux olympiques de la jeunesse d’été de 2026 qui se tiendront à Dakar. Plus de 200 métiers sont identifiés, 18.000 jeunes seront formés (techniciens du son, photographes, coaches sportifs, hôtellerie, transport, etc.) et 82 centres de formation dans le pays vont être restaurés et équipés avec des équipements sportifs en collaboration avec le Comité d’organisation des Joj. C’est un investissement européen de 47 milliards de FCfa. Dans cette initiative Fit, outre la Commission européenne, cinq États membres participent (France, Allemagne, Luxembourg, Italie, Pays-Bas) ainsi que la Suisse. Cela témoigne de notre volonté de travailler sur la jeunesse, la formation professionnelle, un volet qui est vraiment au cœur de nos engagements.
Par ailleurs, la stratégie Global Gateway investit aussi dans le capital humain (éducation, recherche, formation) : les programmes de mobilité étudiante et de recherche – comme le programme Erasmus plus et Horizon 2020, participent à cet effort de mobilité. Depuis 2014, chaque année environ 200 étudiants sénégalais en moyenne partent en Europe et plus de 200 projets bénéficient à des institutions au Sénégal. Dans Erasmus plus, l’Afrique subsaharienne a vu le montant des fonds qui lui est allouée passer de 7% à 23% pour la période 2021-2027 par rapport à la période 2014-2020, 570 millions d’euros. Sans compter les efforts bilatéraux de nos Etats-membres qui sont actifs dans ce domaine aussi.
La Team Europe, notamment l’Espagne, l’Allemagne, ou la France a aussi mis en place plusieurs programmes dans le domaine de la migration circulaire et légale, notamment dans les domaines de la construction, de l’agriculture, du textile et du tourisme. La Team Europe travaille étroitement avec le Secrétaire d’Etat aux Sénégalais de l’extérieur.
Pouvez nous en dire plus sur la Team Europe ?
Tout à fait. Elle regroupe 15 États membres de l’Union européenne présents au Sénégal, c’est dire l’importance qui est attachée au Sénégal. Bientôt il y aura d’ailleurs 17 États membres au Sénégal ainsi que la Banque européenne d’investissement qui est aussi présente au Sénégal et qui appuie ces efforts. L’objectif de cette approche Team Europe, c’est de conjuguer nos efforts (Ue, Etats membres et institutions financières européennes et nationales) pour renforcer l’impact de nos actions.
En janvier dernier, vous annonciez un partenariat rénové entre Dakar et Bruxelles. Quelles sont les bases de ce partenariat ?
L’Union européenne est un partenaire loyal, prévisible et digne de confiance. La Présidente de la Commission européenne a lancé le volet africain de la stratégie Global Gateway ici même à Dakar en février 2022. Celle-ci a été aussi présentée aux Chefs d’État et de gouvernement, lors du dernier sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine à Bruxelles. Global Gateway, c’est l’offre partenariale de la Team Europe. Cela représente 300 milliards d’euros dans le monde pour favoriser les investissements structurants et d’avenir, physiques (infrastructures, digital, etc.) et humains (formation, recherche, éducation) ; en fait tout ce qui peut servir à soutenir l’économie, la croissance et le capital humain chers au référentiel « Sénégal 2050 ». Et sur ces 300 milliards d’euros, 150 milliards d’euros ont été dédiés à l’Afrique pour renforcer les liens entre les pays africains et entre l’Afrique et l’Europe.
La Team Europe est aujourd’hui concentrée au Sénégal sur la mise en œuvre de cette stratégie Global Gateway qui promeut notamment des infrastructures durables, par exemple dans le domaine des transports (le Brt à Dakar est un bon exemple), de l’énergie et du digital. L’Ue est le premier partenaire du Sénégal, avec 500 millions d’euros de dons (soit 328 milliards de FCfa) qui génèrent par effet de levier 1,5 milliard d’euros (soit plus de 980 milliards de FCfa) d’investissements au titre de notre stratégie Global Gateway.
Pour donner quelques exemples au Sénégal, le pont de Rosso, que nous cofinançons avec la Banque africaine de développement, ou la route Sénoba-Ziguinchor, sont des exemples d’infrastructures physiques qui sont utiles à la mobilité humaine, qui sont utiles au commerce, qui sont utiles aux besoins des populations.
Autre exemple, dans le domaine de la souveraineté alimentaire, nous sommes impliqués, depuis quelques années déjà, dans le soutien aux coopératives agricoles, en ligne avec la volonté du ministre de l’Agriculture de développer plus de coopératives agricoles communautaires. J’étais moi-même, il y a un mois de cela, avec l’Association des femmes d’Afrique de l’Ouest (Afao), pour visiter dans la zone des Niayes, huit coopératives agricoles qui bénéficient à plus de 1600 femmes qui travaillent dur dans le domaine de l’agriculture.
Enfin, à travers l’initiative « Investir dans les jeunes entreprises en Afrique » de l’Équipe Europe, connue sous son acronyme anglais « Iyba », l’objectif est d’appuyer le développement de l’écosystème entrepreneurial et l’autonomisation et l’inclusion économique des femmes pour créer plus d’emplois décents. Dans ce cadre, la Team Europe a facilité des prêts intermédiés que la Bei a mis en place en collaboration avec des banques partenaires comme Cofina Sénégal, La Banque Agricole, et la Banque Atlantique, visant à mobiliser ainsi plus de 119,5 millions d’euros de financement pour les micro, petites et moyennes entreprises.
Même si le Sénégal est jusqu’ici épargné, la question sécuritaire préoccupe l’Afrique de l’Ouest. Quelle peut être la contribution pour venir à bout de ce fléau ?
Nous attachons beaucoup d’importance à cette question. Dans les échanges que nous avons avec l’Union africaine, dont nous célébrons les 25 ans de partenariat avec l’Ue cette année, cette question de paix et de sécurité est centrale. Nous soutenons les opérations africaines de maintien de la paix, par exemple. Bien entendu, une des dimensions importantes de cette relation partenariale entre l’Union européenne et l’Union africaine, c’est de rechercher de solutions africaines aux problèmes africains. L’Union européenne a aussi toujours soutenu les institutions africaines régionales, même dans des moments où celles-ci rencontraient des difficultés.
Le Sénégal est un acteur important par le rôle qu’il joue tant au plan continental que sur le plan régional, parce qu’il cherche à favoriser une meilleure compréhension sur le plan politique.
Le nouveau représentant spécial de l’Union européenne pour le Sahel, Joao Cravinho, était ici même à Dakar il y a quelques jours pour rencontrer les autorités, avant de retourner dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes). L’objectif de sa visite à Dakar était surtout de pouvoir entendre le point de vue du Sénégal sur ces questions de sécurité régionale qui représentent une source de préoccupation commune. Le Sénégal joue un rôle important dans la région, notamment à travers la mission qui lui a été confiée par la Cedeao, conjointement avec le Togo, vis-à-vis des pays de l’Aes.
L’Union européenne reste engagée dans toute la région et continue à soutenir les populations dans les pays du Sahel, pour le développement et la sécurité alimentaire, malgré la situation sécuritaire que vous évoquez. L’Union européenne soutient aussi les efforts des pays côtiers du Golfe de Guinée dans la lutte contre le terrorisme. Elle est également engagée sur les questions de sécurité maritime et portuaire. Nous soutenons ici au Sénégal les forces de sécurité et de défense, à travers différents programmes, y compris dans les zones frontalières qui sont souvent sensibles.
L’obtention des visas constitue encore une préoccupation majeure des Sénégalais. Le Premier ministre, Ousmane Sonko, avait même annoncé, lors de sa déclaration de politique générale, la décision d’appliquer le principe de réciprocité des visas. Comment expliquez-vous cette situation ?
C’est un sujet qui revient souvent dans les débats d’actualité, sur les réseaux sociaux. Nous sommes, bien évidemment, très conscients de l’importance que la population sénégalaise et le gouvernement accordent à ce sujet. C’est aussi un sujet que nous prenons sérieusement au niveau européen. Nous avons parlé de migration, tout à l’heure, il s’agit avant tout du souhait des personnes de pouvoir voyager en toute quiétude, que ce soit pour des motifs familiaux, professionnels ou personnels. Et nous comprenons parfaitement à quel point cette question peut être sensible.
Il est important de rappeler que la délivrance des visas relève de prérogatives nationales et qu’elle est encadrée par des lois nationales et européennes aussi pour ce qui nous concerne, avec notamment le Code des visas.
C’est également un sujet qui fait souvent l’objet de perceptions négatives, alors que celles-ci ne correspondent pas nécessairement aux faits. La réalité des chiffres montre que le nombre de titres de séjour accordés sur une base annuelle a augmenté ces dernières années. Entre 2008 et 2023, le nombre de Sénégalais bénéficiant d’un titre de séjour dans l’espace européen est passé de plus de 150.000 à plus de 300.000 sur la période. En matière de visas Schengen, les visas de plus court séjour, le nombre de visas accordés sur une base annuelle a doublé entre 2021 et 2023.
Concernant les coûts du visa Schengen, qui permet à son détenteur de voyager dans l’ensemble des pays européens de l’espace Schengen, celui-ci est fixe et établi par le Code des visas Schengen et il est moins élevé que celui de nombreux pays hors espace Schengen. En outre les frais de visa ne couvrent qu’une partie du coût réel lié au traitement d’une demande de visa, constitué par le personnel consulaire, les mesures visant à protéger les informations personnelles, les efforts de prévention de fraude, etc. Toutefois, cette perception d’un coût élevé des visas peut être aussi liée à l’intervention d’intermédiaires non-officiels, communément appelés officines, qui n’ont aucun rôle officiel dans la procédure de délivrance de visa. Je ne parle pas des prestataires de service officiels des ambassades, qui sont bien renseignés sur les sites internet des ambassades.
De manière plus générale, ce sont des sujets complexes que nos États membres suivent de très près, avec les autorités sénégalaises. Notre volonté est, bien sûr, de rendre la situation la plus transparente et fluide possible, au bénéfice de tous.
Un des programmes phares de l’Union européenne porte sur l’atteinte de la souveraineté pharmaceutique par le Sénégal. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le Sénégal a beaucoup d’ambition sur ce thème. Et on le comprend ! Avec l’Institut Pasteur qui est un pionnier du vaccin de la fièvre jaune en Afrique, avec le Centre africain de résilience aux épidémies (inauguré le 19 janvier 2024 et que nous avons soutenu), qui sera un pôle de veille épidémiologique, de recherche et de formation de référence en Afrique de l’Ouest, le Sénégal présente de nombreux atouts.
Un des enjeux majeurs d’aujourd’hui au Sénégal est celui de la production. C’est pour nous un des projets phare de la stratégie Global Gateway. Pour cela, grâce aux investissements conjoints de la Team Europe, des secteurs public et privé, nous appuyons le Sénégal dans la relance du secteur pharmaceutique, notamment avec la construction de l’usine de production de vaccins liée à l’Institut Pasteur de Dakar. La Team Europe – au cas présent, la Commission européenne, la Belgique, la France, l’Allemagne et la Banque européenne d’Investissement – travaille aussi sur l’environnement de ce secteur afin de couvrir une approche à 360 degrés. Une nouvelle subvention de 25 millions d’euros couvrant de nombreux aspects importants de l’écosystème pharmaceutique tels que le développement des compétences, la recherche, un environnement favorable au secteur privé, etc. a été annoncée à l’occasion de la venue à Dakar de la Commissaire européenne aux partenariats en octobre dernier. Elle complétera notre première intervention soutenant l’usine de production de vaccins Madiba liée à l’Institut Pasteur de Dakar. C’est un des projets structurants de notre offre partenariale Global Gateway au Sénégal.
Les Africains, de plus en plus exigeants, veulent une révision des contrats liant des pays du sud et du nord. Quelle est votre appréciation ?
Il ne s’agit pas tellement, à mon avis, d’une confrontation Nord-Sud, mais plutôt d’un appel plus général à des relations équilibrées, fondées sur le respect mutuel, l’écoute et l’identification d’objectifs et d’intérêts communs sur lesquels les partenaires se mettent d’accord de travailler ensemble. Notre monde est de plus en plus multipolaire et cela exige de repenser nos partenariats et la manière de travailler ensemble, tout en continuant à garder comme objectif la poursuite des intérêts communs. L’Union européenne ne considère pas le « Sud global » comme un bloc homogène, mais comme un ensemble de partenaires aux trajectoires, priorités et intérêts divers. Nous rejetons les logiques de confrontation entre blocs. Toutefois, nous comprenons aussi les attentes fortes en matière de réforme du système multilatéral et de la gouvernance mondiale pour le rendre plus équilibré et représentatif. Pour que l’approche multilatérale fonctionne – et nous y sommes fortement attachés, tout comme le Sénégal – il faut que tout le monde puisse s’y retrouver. L’Ue est d’ailleurs fortement engagée sur ces questions, notamment pour une réforme des instances multilatérales et, notamment, une place plus importante pour l’Afrique au sein de ces instances. Nous étions d’ailleurs les premiers à soutenir la demande de l’Union africaine pour un siège au sein du G20. Nous sommes aussi fortement engagés sur des questions très importantes pour beaucoup de pays africains comme les questions de justice climatique, de sécurité alimentaire, ou encore de traitement équitable de la dette. Notre ambition n’est pas d’imposer un modèle, mais de construire ensemble des solutions aux défis mondiaux, dans le respect de la souveraineté de chacun et sur la base d’intérêts communs : paix, stabilité, prospérité durable et justice sociale.
Entretien réalisé par Malick CISS et Matel BOCOUM