Le rythme de vie des travailleurs de nuit n’est pas sans conséquence sur leur santé. Ce manque de sommeil cause, pour ces derniers, des maux de tête, à l’anxiété, un stress permanent voire d’autres complications. Ces hommes de la nuit racontent leur dur travail pendant que la majorité des sénégalais sont au lit.
Il est presque 4 h du matin. En cette nuit du dimanche à lundi, Grand Yoff semble dormir. Sur une ruelle asphaltée de ce populeux quartier, c’est une enfilade de véhicules stationnés sur les trottoirs. Les coins diffèrent des uns les autres. Dans certaines zones de ce grand quartier, des jeunes sont autour de la théière pendant que d’autres investissent les « Maiga » où ils cherchent de quoi mettre sous la dent. Dans le secteur de Grand Yoff Santhiaba, près des Hlm Patte-d’Oie, la vie n’est pas monotone en cette nuit. Quelques boutiques et « Tangana » sont ouverts attendant des clients qui viennent se restaurer pour le premier repas de la journée du Ramadan. C’est la veillée nocturne. Sans arrêt. Tous les jours. Mais les travailleurs de nuit dont des vigiles ne ferment pas l’œil. Debout devant des immeubles, certains circulent entre les voitures garées qu’ils surveillent. D’autres sont assis sur des bancs tout en veillant à la sécurité des lieux qu’ils ne quitteront qu’à la première lueur du soleil.
Cheveux poivre-sel, la voix tremblotante, le visage fourbu, marchant à peine avec une torche à la main, Vieux Seck, la cinquantaine révolue, se faufile entre les véhicules qu’il surveille toutes les nuits. Le quinquagénaire confie qu’il a souvent des maux de tête à cause du manque de sommeil. Ce qui semble être pour lui un combat durant toutes ces années durant lesquelles il a veillé sur les biens des autres. Il souligne que le travail de nuit est lourd et très difficile. « Nous sommes obligés de veiller et de chasser le sommeil. Mais, c’est extrêmement compliqué à faire. On y parvient mais avec des conséquences terribles comme les maux de tête. J’en ai presque tous les jours mais je résiste car je n’ai pas d’autres propositions de boulot », a-t-il avancé avec désolation. L’homme confie qu’il tombe très souvent malade à cause du manque de sommeil. « J’ai beaucoup de soucis de santé dont la plupart sont liés au manque de sommeil. Je sens mon corps fatigué. Je n’ai plus cette force que j’avais avant que je ne commençais ce travail », dit-il en haussant les épaules, une manière de montrer son impuissance.
Assis à l’intérieur de leur bureau au Soleil, près de la porte d’entrée de l’immeuble, Abdoulaye Diallo, agent de sécurité de proximité, fait partie de la première promotion de 2013 des Asp. Il confie qu’à ses débuts, les horaires nocturnes furent très difficiles. Il a d’abord été agent de sécurité ailleurs dans le privé avant son recrutement comme Asp. Il dit que sa tête lui faisait très mal au début avant de s’adapter au rythme. Il révèle que c’est avec ce manque de sommeil qu’il a des problèmes ophtalmologiques. « C’était dur, je travaillais 12 h de temps, entre 18 h et 07 h du matin. C’était infernal. Voilà pourquoi, au retour à la maison, je dormais comme un loir », lance-t-il. Son collègue, assis à côté de lui, Mohamadou Moustapha Niang abonde dans le même sens. Il indique que c’est lorsqu’il s’est engagé comme Asp qu’il a commencé à travailler la nuit. Il fait savoir que le travail de nuit est complètement différent de celui de la journée. « La nuit est faite pour le repos. Cela démontre la différence qu’il y a entre le jour et la nuit. Mais, nous, nous sommes obligés de nous adapter à ces horaires. C’est dur mais il faut faire avec. Pour un début c’est assez compliqué mais au fur et à mesure qu’on travaille, on n’arrive à vaincre le sommeil », explique-t-il. Il souligne que c’est l’obligation de travail qui l’impose mais il aurait préféré travailler la journée et se reposer la nuit. « On veille toute la nuit. A la maison, on tente de rattraper ce sommeil perdu ; ce qui n’est pas du tout évident. Je n’ai pas de soucis de santé comme mais le sommeil me hante souvent et me crée des maux de tête », soutient-il.
Un autre de leur collègue, assis sur la table du bureau, Wally Ndour, estime que le travail est pénible. Le fait, dit-il, qu’on travaille 24 h en enchaînant trois fois 8 h, c’est comme si l’on travaille trois jours sans arrêt. « Nous tombons souvent malades à cause de la fatigue associée au manque de sommeil. Certains d’entre nous, contractent de l’hémorroïde à cause des heures où nous restons assis », confie-t-il. Pour lui, ils ne sont pas payés à la hauteur du dur travail qu’ils font. Sac au dos, Moctar traverse la route de la Cité des Eaux. Il se presse pour rentrer chez lui et se reposer. « Je viens de mon lieu de travail. Je suis préposé à la surveillance d’une banque. Quand je descends à 7 h du matin, j’arrive chez moi vers 8 h à cause de la circulation. Désormais, je préfère marcher à pied. C’est même plus rapide. Au début, quand je rentrais je ne prenais même pas le bain. Je filais directement au lit pour dormir.
Mais maintenant, je me suis adapté », lance-t-il. Il soutient qu’il rentre rapidement à la maison pour soutenir son épouse avec les enfants qui partent à l’école. Il révèle qu’il ne dort que quelques heures pour tenter de combler le gap. « Depuis quelques années, j’ai une insomnie. Je ne dors plus assez », fait-il savoir. Il n’est pas le seul dans ce cas. Les travailleurs de nuit ont presque tous une insomnie après des années de travail. Ils perdent le sommeil avec son lot de conséquences sur leur santé. Samba DIAMANKA