Le 22 août 1974, à l’occasion d’une conférence de presse à Dakar, Me Abdoulaye Wade, fondateur de la formation libérale, annonce la reconnaissance officielle du Parti démocratique sénégalais (Pds) qui a vu le jour le 31 juillet 1974. Le premier parti d’opposition à l’Union progressiste sénégalaise (Ups) ouvre ainsi la voie au multipartisme limité initié par le président Senghor en 1976.
C’est un Abdoulaye Wade souriant qui s’avance devant un parterre de journalistes réunis dans les salons feutrés de l’hôtel « Croix du Sud », avenue Albert Sarraut (actuel Hassan II), en cette journée du 22 août 1974. Costume sur mesure et tiré par quatre épingles, l’avocat et homme politique sénégalais a du mal à cacher sa joie. Il n’hésite pas à brandir le récépissé de son parti : le Parti démocratique sénégalais (Pds). Cet acte matérialise la reconnaissance officielle de son parti. Ce bout de papier délivré par les autorités sénégalaises vient couronner le combat d’une vie pour la démocratie et le multipartisme au Sénégal.
Sous le titre « Me Wade réclame un blanc-seing de l’opinion », le journaliste du quotidien national « Le Soleil » Ibrahima Gaye, futur directeur du journal alors reporter, revient pour nous sur cet événement majeur marquant le début du multipartisme limité en 1976. Le fondateur de la formation libérale n’hésite pas à lâcher ses mots. « Aujourd’hui, nous avons en main notre récépissé, nous allons pouvoir nous atteler à la tâche », déclare-t-il.
Dans la déclaration liminaire, Me Wade indique que son parti se félicite du fait que le gouvernement n’a pas fait obstacle à la reconnaissance du Pds. Mais pour déboulonner l’ogre que constitue l’Union progressiste sénégalaise (Ups), qui règne sans partage sur la vie politique sénégalaise depuis 1952 avec l’ancien Bloc démocratique sénégalais (Bds), Me Wade veut consolider le corpus idéologique et doctrinal du premier parti d’opposition sénégalais. Dans cette optique, « l’organisation dans les six prochains mois devrait figer les statuts définitifs du parti », relate l’article. Une massification qui se fera à travers la vente de cartes de membre d’un coût de 100 francs ; l’opération doit aussi consolider les structures du parti.
Dans sa déclaration, le chantre du libéralisme sénégalais s’inquiète du manque de visibilité médiatique de l’opposition avec le risque d’être marginalisé par les organes d’informations publics qu’il considère comme des instruments de propagande à la solde du régime senghorien. « Nous sommes en droit d’utiliser les organes de presse, qui sont des services d’État. Nous sommes en droit de penser que ces organismes doivent informer le public. Or, la radio et la télévision n’ont pas jugé digne de considération la naissance d’un parti au Sénégal en 1974 » peste celui qui deviendra président de la République 26 ans plus tard. Côté offensives, Me Wade a dû en esquiver quelques-unes de la part des journalistes.
Ces derniers sont revenus sur son passé de membre de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) en lui demandant s’il avait apposé sa démission à la section Ups de Kébémer. « Mon passage à l’Ups aurait pu me conduire à l’Assemblée nationale mais j’ai rencontré dans ce parti un système de blocage qui m’a obligé à partir », fait-il savoir aux journalistes. Et Me Wade, en vrai « Njomboor » (ndlr : lièvre en français) ne voit pas cette reconnaissance comme une finalité. Il entend protéger ses arrières pour assurer la pérennité de son nouveau « bébé ».
Pour dissiper tout malentendu, il n’hésite pas à faire du président Senghor le responsable moral du Pds qui, selon lui, pourrait assister au bureau politique ! « Il est seulement dit que le président de la République, s’il n’est pas membre du Pds, peut être invité aux travaux du bureau politique ». Pour Me Wade, dans un pays où le multipartisme est admis, une fois nommé, le président de la République doit être à même de pouvoir s’élever au-dessus des partis. « Il n’y a pas de raison donc de ne pas l’inviter, car il pourra se rendre compte de lui-même de la qualité des gens, sans passer par des intermédiaires », affirme-t-il. Au plan idéologique, Me Wade promet d’œuvrer à la promotion d’un nationalisme assumé et d’une coopération africaine comme levier de développement de notre continent.
Mamadou Makhfouse NGOM