Si la majorité (67 %) des Sénégalais jugent positivement l’action du gouvernement, ils sont près de la moitié (47 %) à penser que l’économie va mal. C’est ce qui ressort d’une étude menée par le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres) pour le compte d’Afrobarometer.
Les Sénégalais, dans leur majorité, affichent un optimisme quant à la direction du pays, malgré une perception contrastée de la situation économique marquée par la pauvreté et la cherté de la vie. La lutte contre la corruption est saluée, mais sa persistance dans les services publics et la crainte de représailles freinent les efforts de transparence. La jeunesse, bien formée, mais confrontée au chômage, attend des réponses concrètes à ses défis, notamment en matière d’emploi, de formation et d’accompagnement à l’entrepreneuriat. Ce sont là les principales conclusions de l’enquête d’Afrobarometer au Sénégal. Les résultats de l’étude, menée par le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres) et déroulée entre février et mars 2025, ont été dévoilés, hier, lors d’un atelier à Dakar. « L’objectif est de photographier l’état de l’opinion sénégalaise sur un certain nombre de préoccupations à un instant donné », explique le Pr Abdoulaye Diagne, directeur exécutif du Cres, partenaire de l’Afrobarometer au Sénégal. Hasana Diallo, représentant d’Afrobarometer pour l’Afrique francophone, a justifié le choix du Cres, considéré comme « une institution crédible et neutre », pour mener cette enquête.
L’étude, qui se base sur un échantillon nationalement représentatif des citoyens adultes (+18 ans), livre plusieurs enseignements clés. D’abord, la majorité (67 %) des Sénégalais pensent que le pays se dirige dans la bonne direction depuis l’arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko. En revanche, près de la moitié (47 %) jugent mal la situation économique actuelle du pays.
Toutefois, près de quatre citoyens sur 10 (38 %) la décrivent comme plutôt bonne. Paradoxalement, la moitié (52 %) des Sénégalais estiment que leurs conditions de vie actuelles sont bonnes. La majorité (62 %) des Sénégalais disent avoir vécu une pauvreté, dont 28 % une pauvreté élevée et 34 % une pauvreté modérée. Le gouvernement prend note L’augmentation du coût de la vie (59 %) constitue le problème le plus important aux yeux des citoyens interrogés, suivie de la santé (52 %), du chômage (38 %) et de l’insécurité (23 %). Seuls 3 % se disent préoccupés par la corruption, pourtant citée comme l’une des priorités du gouvernement.
Selon Soukeyna Diallo, chercheuse au Cres, si la majorité des Sénégalais estiment (53 %) que la corruption a diminué, une écrasante majorité (69 %) a peur de la dénoncer, redoutant des représailles.
À l’exception de la gestion de l’économie (54 %), la majorité des Sénégalais jugent « plutôt mal » ou « très mal » les réponses du gouvernement actuel aux préoccupations économiques des citoyens. Toutefois, nuance Mamadou Abdoulaye Diallo, chercheur au Cres et co-auteur de l’étude, la perception d’une performance positive est en hausse comparativement à la situation de 2012.
« On constate, au début de chaque alternance, un très fort optimisme dans l’opinion, mais avec le temps, il diminue », constate le Pr Abdoulaye Diagne, espérant que ce ne sera pas le cas pour cette troisième alternance.
Selon Hamet Dia, directeur de cabinet du ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions, il est important, dans un contexte de tension budgétaire, de connaître les préoccupations des populations pour une allocation optimale des ressources.
« Nous avons entendu l’appel de la population concernant la problématique de l’emploi. Les défis sont réels, mais notre détermination reste intacte », déclare M. Dia, affirmant que cette étude constitue « une précieuse source d’information » pour le gouvernement. Mais, d’après Cheikh Tidiane Sow, conseiller technique en communication du Premier ministre Ousmane Sonko, il faut « faire la différence entre la perception et la réalité ».
« La perception est plus importante que la réalité », rétorque une participante, invitant le gouvernement à se servir des résultats de cette étude pour réorienter les ressources vers les véritables préoccupations des Sénégalais.
Seydou KA