Élu maire des Parcelles-Assainies avant la victoire du président Bassirou Diomaye Faye en 2024, Aboubacar Djamil Sané a dû composer avec un contexte politique tendu et des finances locales précaires. Trois ans après, il défend un bilan marqué par la transparence, le dialogue avec tous les camps politiques et la mise en œuvre de projets structurants. Dans cet entretien accordé au «Soleil» à la veille d’un voyage qui devait le conduire en Allemagne et en République Tchèque, il déplore la modicité des fonds de dotation alloués cette année aux collectivités locales.
Vous avez été élu maire des Parcelles Assainies avant la victoire du Président Bassirou Diomaye Faye à la présidentielle de 2024. En tant que responsable du Pastef, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans ce contexte ?
C’est une coalition de partis qui nous a porté à la tête du conseil municipal, il ne faut pas l’oublier. Et jusqu’au moment où je vous parle, nous collaborons très bien. Je n’ai jamais connu de déboires dans le cadre du vote d’une délibération. Même les conseillers de l’Apr (Ndlr – Alliance pour la République, opposition) votent positivement quand l’intérêt des parcellois est en jeu. Il y a que j’essaie, en toutes circonstances, d’être le plus transparent possible. J’informe les gens. Je les mets au courant car beaucoup de conflits surviennent par manque d’interactions tout simplement. D’emblée, j’ai tenu un discours rassembleur et fait savoir que j’étais là pour tout le monde au-delà de mon parti. Le parti m’a investi mais je suis au service des populations des Parcelles-Assainies. Mon discours au sein du Conseil municipal tient à minorer les casquettes politiques des uns et des autres pour les rassembler autour des nombreux problèmes se posant aux populations. Nous devons être responsables et comprendre que nous n’avons pas été élus par les seuls militants du Pastef.
Mais quels sont les écueils auxquels vous faites face ?
Ce furent deux ans de calvaire pour tout dire. Nous en sommes à trois ans de mandat. Pour les deux ans qui viennent, nous devons redoubler d’efforts car nous venons de loin. Malgré ces difficultés, nous avons pu installer une unité d’imagerie médicale au Centre de santé «Mame Abdou», ce qui est une première. L’éducation, la santé, l’état-civil et la culture ont été au cœur de nos préoccupations. J’ai trouvé sept écoles primaires dont les toilettes n’étaient fonctionnelles pour aucune. On a tout refait. L’officier d’état-civil avait des soucis de mobilité, pas de véhicule, ses locaux pas aux normes d’une administration municipale sérieuse, on a remédié à cette situation.
Avant celui lancé par l’État, nous avons installé un logiciel de gestion aussi performant et qui nous donne entière satisfaction. Vous avez été élu dans la dynamique populaire et des slogans mobilisateurs du Pastef comme la rupture dans le mode de gestion des affaires publiques. À votre niveau, comment avez-vous pensé appliquer cet engagement ?
Nous avons d’abord dit que nous ne ferions pas de chasse aux sorcières. Je n’ai renvoyé personne. J’ai dit aux agents trouvés sur place que je prenais en compte leur expérience. J’ai, par exemple, porté un témoignage sur le secrétaire municipal, qui est du reste un voisin, ce qui m’a permis de constater qu’il n’a jamais été engagé dans les activités d’un parti politique. Pourquoi devrais-je me séparer de lui ? Des changements, oui. Mais pas de renvois. Ces derniers temps, on a constaté une accélération des chantiers ici. Quels sont vos projets en cours d’exécution ? Nous sommes toujours dans notre programme de 2022 sur la base duquel nous avons été élu. Ma principale promesse était de construire un grand centre de formation aux métiers ici à l’Unité 25 des Parcelles-Assainies : l’école des métiers. Nous avons une commune dont la population est caractérisée par sa jeunesse et un nombre important de ménages à faible revenu. L’image de nos jeunes désœuvrés le soir dans les rues m’a toujours hanté. Le site du centre existait déjà ; il y avait une école, mais en état de délabrement très avancé. Nous avons décidé de la réhabiliter et d’y construire un centre adapté au marché de l’emploi. C’est en réalité une école des métiers de maison : électricité, plomberie, menuiserie, couture, coiffure, restauration….
Quid du Fonds de dotation des collectivités locales ?
Je ne suis pas du tout satisfait de la répartition des fonds de dotation et je tiens à le faire savoir. Je ne peux travailler avec une dotation étatique de 87 millions FCfa ! On espère une seconde tranche, mais que voulez-vous que le maire des Parcelles-Assainies fasse avec une dotation de 87 millions ? Sérieusement, la mairie a des dettes, nous avons pris des engagements et nous avons d’innombrables projets. Dans ces conditions, la commune ne peut pas investir. Pour vous dire la vérité, c’est une catastrophe ! Je ne m’attendais pas du tout à cette situation (soupirs…)
Selon vous, qu’est-ce qui explique cette situation ?
Je n’ai aucune explication… La commune a sous sa responsabilité 24 écoles primaires. L’année dernière, on a dû trouver 36 millions rien que pour la réparation des toitures. Nous avons la satisfaction d’avoir pu reprendre entièrement l’école primaire des Hlm Grand-Médine. À l’école de l’Unité 24, j’ai initié un potager scolaire avec un bassin piscicole. Comment faire face avec une telle dotation ?
Il est aussi beaucoup question de culture dans vos projets. Qu’en est-il au juste ?
En 2022, j’ai été le seul maire à avoir organisé un grand Festival culturel. En 2024, j’ai organisé la deuxième édition. Cette année, il aura lieu en décembre. Sans un centre culturel de référence, il me sera difficile de déployer mes projets dans ce secteur. Il y avait à l’époque un espace culturel dans la commune. Mais le contexte n’est plus du tout le même. Il faut aussi noter la diversité culturelle qui s’y exprime. Les habitants des Parcelles viennent de Grand-Dakar, de Niarry-Tally, de la Médina et de Grand-Yoff principalement. Nous avons besoin de renforcer la cohésion sociale, le vivre ensemble.
Quel est l’agenda à moyen terme de la municipalité ?
Il nous faut sécuriser la Promenade des Parcellois et y installer une voirie de référence. Les travaux de la nouvelle gare routière ont débuté avec l’appui du Cetud avec qui nous échangeons sur la question depuis 2022. Je déplore que le ministre de tutelle ne rencontre pas assez régulièrement les maires. On a des problèmes. On doit nous écouter car nous avons quand même la confiance des populations. La sécurité et l’assainissement ne sont pas dans nos compétences et pourtant toutes les récriminations retombent sur les maires. La Senelec et Sen’Eau nous doivent beaucoup d’argent. La redevance de 02,5% que vous voyez sur vos factures revient aux mairies.
Propos recueillis par Samboudian KAMARA