Au lendemain des tirs et de la prise de pouvoir annoncée par un groupe d’officiers, la capitale s’est vidée de ses habitants. Entre silence pesant, restrictions, tensions politiques et manœuvres militaires, Bissau traverse l’une des journées les plus incertaines de son histoire récente.
BISSAU – À Bissau, le silence pèse plus lourd que les rafales de la veille. C’est-à-dire, le mercredi 26 novembre. Ce jeudi matin, malgré la levée officielle du couvre-feu à 6 heures, la capitale bissau-guinéenne est demeurée quasi déserte.
Les rues habituellement bruyantes restent vides, les boutiques et marchés clos. La circulation automobile interdite. À la place, seuls des 4×4 aux vitres teintées roulent lentement, surveillant les artères de la ville. La présence militaire est omniprésente.
Devant les bâtiments officiels comme dans les quartiers périphériques, des patrouilles circulent sans relâche. Les soldats, armes en bandoulière, se déploient jusque dans les zones les plus reculées de la capitale, renforçant l’impression d’une ville placée sous respiration artificielle. Les communications, elles aussi, semblent sous contrôle.
Des habitants témoignent de difficultés persistantes pour accéder à Internet ou passer de simples appels. Les médias privés restent à l’arrêt, leurs programmes suspendus. Seules la télévision et la radio nationales continuent d’émettre, relayant principalement la déclaration ou le discours d’investiture du général Horta N’tam ayant été investi président de la transition pour une durée d’un an.
Le PAIGC exige la libération de Domingos Simões Pereira
Malgré ce climat d’incertitude, l’appel du PAIGC lancé tôt dans la matinée a trouvé un écho immédiat. Sur les réseaux sociaux, le parti a exhorté ses militants à se rassembler devant le ministère de l’Intérieur pour exiger la libération de leur leader, Domingos Simões Pereira.
Quelques heures plus tard, des groupes de sympathisants se sont formés, tentant même de se rendre jusqu’à la prison centrale où DSP serait détenu. Leur mobilisation a toutefois été rapidement interrompue.
Les forces de l’ordre ont dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogènes, faisant reculer les plus déterminés. Dans le centre-ville, quelques rares carrefours sont encore fréquentés. Car, beaucoup de Bissau-Guinéens préfèrent rester chez eux, par prudence.
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D’autres osent sortir brièvement pour s’approvisionner, profitant d’un moment de calme apparent, sans savoir combien de temps il durera. « Ici, tout le monde a peur. Nous vivons toujours un moment d’incertitude pendant les périodes électorales. C’est vraiment dommage ce qui se passe dans notre pays », regrette Osvaldo Sambú, chauffeur de taxi de profession croisé ce matin, non loin des allées du quartier Pilùm.
Aux abords du Palais présidentiel, les axes demeurent strictement surveillés. Casques, treillis et pick-up alignés imposent une atmosphère solennelle, presque irréelle, comme si la capitale retenait son souffle.
À Bissau, chacun attend désormais de savoir ce que révélera la prochaine annonce officielle, dans un pays où, depuis vingt-quatre heures, le pouvoir semble flotter entre les murs de casernes et les couloirs vides des ministères.
De notre envoyé spécial en Guinée-Bissau, Gaustin DIATTA


