Par Oumar NDIAYE
C’est au Tchad que l’interventionnisme de l’armée française en Afrique a réalisé ses plus hauts faits d’armes et écrit ses plus belles pages qui sont en train de se tourner. À plusieurs reprises, sous le règne d’Idriss Déby Itno, la France a été sollicitée pour stopper les incursions de colonnes rebelles qui sont fréquentes et récurrentes dans ce pays. Le Tchad, comme décrit par l’universitaire française Marielle Debos dans son ouvrage « Le Métier des armes au Tchad », publié aux éditions Karthala en 2013, « est le pays des guerres sans fin et aussi des guerres fraternelles ».
Cette permanence des conflits a permis à cet État d’être en avance dans le domaine sécuritaire. Même s’il n’a pas encore atteint une certaine autonomie stratégique, le Tchad est l’un des rares pays de la bande saharo-sahélienne à avoir des aptitudes capacitaires de son armée face aux inquiétudes sécuritaires de cette zone marquée par les menaces asymétriques incarnées essentiellement par le terrorisme. Avec des forces de défense et de sécurité aguerries et rompues à la tâche, dans un pays où le métier des armes est d’une grande permanence, le Tchad a donc une grande expérience opérationnelle. Mais, avec les contingences externes et ses divergences domestiques, son appareil sécuritaire est, des fois, sous situation d’urgence. Pour preuve, la dernière séquence de la « mort au front » du père de l’actuel Président, le maréchal Idriss Deby Itno. Actuellement, du nord, avec la Libye, à l’est, avec les frontières qu’il partage avec le Soudan, en passant par le bassin du Lac Tchad, sujet à des tensions sécuritaires et identitaires, le régime tchadien semble être cerné par une conflictualité qui appelle à avoir un appareil sécuritaire pouvant y faire face. Malgré la richesse de sa trajectoire et son histoire militaire tant vantée, le Tchad a eu à faire appel à la France, surtout côté appui aérien, pour vaincre tous les périls en face. Aujourd’hui que cette présence française vit ses dernières semaines, il y a des questions à se poser sur les aptitudes capacitaires de ce pays face aux inquiétudes sécuritaires qui l’assaillent de toutes parts, sans compter la situation politique interne qui ne s’est toujours pas stabilisée.
La sécurité est certes un domaine de souveraineté, mais il est indispensable de nouer des partenariats et des alliances stratégiques afin d’avoir une bonne complémentarité et une mutualité. Avec la dislocation du G5 Sahel, matérialisée par le départ du Burkina et du Niger qui ont suivi le Mali, cette force conjointe n’est plus totalement opérationnelle. Au mois de novembre dernier, le Tchad s’était aussi retiré de la Force mixte multinationale composée du Nigeria, du Cameroun, du Niger et du Bénin et qui avait pour but de lutter contre le banditisme et la grande criminalité dans le bassin du Lac Tchad. Autant de retraits qui vont certainement mettre sous pression l’armée tchadienne qui, malgré sa montée en puissance et son professionnalisme, devra davantage développer des aptitudes capacitaires devant des inquiétudes sécuritaires de plus en plus présentes et prégnantes tout autour du pays…