Presque sans surprise, la justice ivoirienne a ordonné, hier, mardi 22 avril 2025, la radiation du principal opposant, Tidjane Thiam, des listes électorales. Un coup de massue pour ce candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) qui espérait être élu président de la République ivoirienne au soir du 25 octobre 2025.
La décision est d’autant plus dure à supporter pour le banquier et ancien patron du Credit Suisse qu’elle n’est pas susceptible de recours. La messe est dite : Thiam ne pourra pas être candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain. « La présidente du tribunal a rendu son délibéré. Elle a estimé que le président Thiam avait perdu la nationalité ivoirienne quand il a acquis la nationalité française, et donc, elle a fait droit aux demandes de renouvellement et ordonné la radiation du président Thiam de la liste électorale », a affirmé Me Ange Rodrigue Dadjé, son avocat.
Tidjane Thiam qui avait acquis la nationalité française en 1987 a renoncé à cette dernière en mars dernier, selon ses partisans. Cependant, ses adversaires rappellent l’article 48 du Code de la nationalité datant des années 1960 et qui indique que l’acquisition d’une autre nationalité entraîne la perte de la nationalité ivoirienne. Ce débat sur la nationalité, au bord de la lagune Ébrié, rappelle celui sur l’ « ivoirité » qui a fait tanguer dangereusement, à une époque récente, ce pays, locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest francophone.
Cette polémique a été accentuée dans les années 1990. En décembre 1994, une révision du Code électoral ivoirien avait imposé aux candidats à la présidentielle de prouver leur ascendance ivoirienne, garante de leur citoyenneté. Les tenants de cette thèse ont rappelé que, durant les années d’exercice du pouvoir de Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire indépendante, les cartes d’identité avaient été largement distribuées à la majorité des étrangers vivant sur le territoire ivoirien. En août 1995, Henri Konan Bédié, devenu Président après la mort d’Houphouët-Boigny, réintroduit le concept de l’ « ivoirité ».
Selon lui, il permet à la Côte d’Ivoire de mieux préserver son identité. Mais, cela lui a permis aussi d’écarter son principal rival, Alassane Ouattara, originaire du Nord (pays des Dioulas). À l’époque, beaucoup considéraient l’actuel président ivoirien comme Burkinabè. La suite est connue. Une longue période d’instabilité en Côte d’Ivoire. Henri Kona Bédié est renversé à la suite d’une mutinerie qui se transforme en coup d’État le 24 décembre 1999.
Le général Robert Guéï prend le pouvoir. Après l’élection de Laurent Gbagbo, en 2000, une autre tentative de coup d’État est intervenue en septembre 2022. Lors de ces évènements, l’ancien chef de l’État de 1999 à 2000, Robert Guéï, est assassiné, de même que le ministre de l’Intérieur d’alors, Emile Boga.
Même si Laurent Gbagbo parvient à tenir le pouvoir, les rebelles contrôlent le nord du pays en se repliant à Bouaké. Comme pour protester contre le fameux principe de l’ « ivoirité », la principale revendication des rebelles est le départ de Laurent Gbagbo, l’obtention de la nationalité ivoirienne à tous les habitants du pays, le droit de vote et leur représentation à Abidjan. Le concept d’ « ivoirité » et tout ce qui en découle est directement mis en cause par les rebelles.
Finalement, Alassane Ouattara, qui a été évincé à cause de ce principe, est devenu président de la République en 2010. Il ne parvient à prendre le pouvoir qu’au terme d’une guerre civile l’ayant opposé au camp de Gbagbo.