Le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a accordé un entretien exclusif à France 24, ce vendredi 26 septembre, abordant sans détour la relation avec la France, la crise des finances publiques, et les exigences de transparence de son administration.
Le Président Bassirou Diomaye Faye, a insisté sur l’impératif de faire la lumière complète sur le massacre de Thiaroye de 1944, affirmant que cette transparence est indispensable à la pleine sérénité des liens unissant le Sénégal et la France. Le Chef de l’État a fait état des actions en cours, notamment des fouilles archéologiques ayant donné des « résultats concrets, » et a mis l’accent sur l’accès aux archives françaises.
« Le comité vise des archives qui semblent être des archives classées secret défense et qui ne sont pas déclassées. […] Je pense que ça fait 80 ans que tout ça s’est passé. Et la meilleure façon de le dépasser, c’est d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Et de savoir que cette histoire commune que nous avons partagée doit être éclairée », a t-il déclaré.
Tout en saluant le fait que le Président Emmanuel Macron ait fait « un pas de plus par rapport à ses prédécesseurs en reconnaissant déjà que c’était un massacre, » le Président Diomaye Faye estime que des efforts à faire sont nécessaires pour que les partenaires français soient plus ouverts et plus transparents.
Excuses et « Franc symbolique »
Interrogé sur les compensations, le Chef de l’État a lié la question au mouvement panafricain.
« L’année 2025 a été déclarée par l’Union Africaine comme l’année de la justice et des réparations pour ce qui s’est passé dans l’esclavage, pendant l’esclavage et les colonisations », a t-il fait comprendre.
Il a affirmé que l’enjeu n’est pas tant l’aspect financier qui importe, mais qu’il s’agit de « rendre justice à ces personnes-là qui ont combattu pour libérer la France » et ont été tuées pour réclamer leurs pécules. Le Chef de l’État a précisé que, « même si cela doit être le franc symbolique, cette réparation-là doit être faite. » Il a jugé que les excuses sont importantes pour apaiser les descendants des tirailleurs et la relation générale entre la France et ses ex-colonies.
Partenariat avec la France
Évoquant le partenariat franco-sénégalais, le Président Diomaye Faye l’a qualifié de « plus sereine » depuis son arrivée, car il a tenu à ce qu’il soit rénové et réactualisé. Concernant le retrait des bases militaires françaises, il a indiqué que la demande de « départ des éléments français » s’inscrit dans une « volonté de ne plus avoir une présence militaire quelconque dans notre pays » 65 ans après l’indépendance. Il a rejeté l’idée d’une rupture, rappelant que « la France était un partenaire important pour le Sénégal. » Il a conclu que les deux pays se projettent vers un séminaire intergouvernemental en novembre, que le Sénégal accueillera, pour discuter des « nouveaux contours de cette relation. »
Économie et transparence
Le Président a également abordé la situation financière critique du Sénégal, justifiant l’audit national lancé par son gouvernement, notamment en vue de la reprise de l’aide du FMI.
Le Président Diomaye Faye a souligné que la situation est « encore plus grave que ce que nous avions soupçonné », révélant des chiffres officiels avec une dette proche des 119% du PIB, et un déficit près de 13%.
Il a rappelé que, même en 2018, il alertait déjà le FMI sur les dépassements financiers. Le Président a affirmé que l’audit commandé à des cabinets internationaux n’est pas fait pour le FMI, mais pour la « crédibilité des dirigeants que nous sommes vis-à-vis de notre peuple et pour la crédibilité du Sénégal sur la scène internationale. » Le Chef de l’État a toutefois demandé au FMI de « presser un petit peu le pas » pour donner un signal de confiance aux partenaires.
Poursuites judiciaires : l’exécutif se tient « loin de ça »
Questionné sur la publication de l’audit et l’éventualité de poursuites contre d’anciens dignitaires, le Président a confirmé avoir trouvé « pire que ce que la Cour des Comptes avait déjà révélé. »
Concernant l’idée, évoquée par un député de son parti, de poursuivre l’ancien Président Macky Sall pour haute trahison, le Président Diomaye Faye a coupé court : « Non, je ne voudrais pas m’inscrire dans le débat politique par rapport à la justice. C’est la justice qui doit faire son travail. Le pouvoir exécutif doit se tenir loin de ça », a t-il martelé.
Djibril DIAO