Blaise Diagne, le Pacte de Bordeaux, début de la FrançAFrique ?

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Quand ils évoquent « le Pacte de Bordeaux », la plupart des historiens font référence à un événement marquant de la 3e république en France, quand le président Adolphe Thiers a fait reporter le vif débat sur la nature du régime qui opposait monarchistes et républicains.

C’était en mars 1871, dans le sillage de leur défaite face à la Prusse. Au Sénégal, « le Pacte de Bordeaux » parle d’un autre compromis, purement électoral cette fois. Il s’agit de la fin du radicalisme du député Blaise Diagne et de son alignement sur les intérêts des maisons de commerce qui contrôlaient l’économie du Sénégal, alors colonie française. En retour, celles-ci lui assurèrent leur soutien lors des élections.

Il y a deux séquences dans la vie parlementaire de Blaise Diagne avec la date du 12 juin 1923 comme point de rupture. La première part de sa retentissante victoire en 1914 contre François Carpot. « Comme la défense de la patrie est un devoir du citoyen », Diagne fit deux propositions de loi permettant aux indigènes originaires des quatre communes, de servir dans l’armée française et non parmi les Tirailleurs sénégalais, pour la reconnaissance pleine et entière de leur statut de citoyens français. « Galandou Diouf et Lamine Gueye qui s’enrôlèrent dans l’armée française purent bénéficier de ces lois Blaise Diagne de 1915 et 1916 pour accéder à une position sociale d’égale dignité avec les Blancs », écrit à ce sujet l’historien Adama Baytir Diop.

Après la désastreuse offensive Nivelle au « Chemin des dames » (l’une des plus sanglantes batailles de la première guerre mondiale), le député Blaise Diagne s’en prend (en privé) à l’état-major du général Magin coupable à ses yeux d’avoir utilisé les troupes noires comme « chair à canon », ainsi que le rapporte l’historien-essayiste, Bruno Fuligni. Malgré tout, il devient en janvier 1918 commissaire général chargé du recrutement indigène. De février à août 1918, de Dakar à Bamako, il réussit à enrôler 63.000 soldats en Afrique-Occidentale française (AOF), et 14 000 en Afrique-Équatoriale française (AEF) en promettant la citoyenneté française aux combattants après la guerre.

Aux élections municipales de 1920, Saint-Louis, Dakar et Rufisque (Gorée sera intégrée à Dakar en 1929) tombaient aux mains des partisans de Blaise Diagne. « L’inquiétude fut donc grande du côté du gros commerce bordelais car c’était l’après-guerre avec les préoccupations de relance économique et, le nouveau député dans ses promesses de campagne déclarait vouloir s’attaquer au monopole exercé par ces entreprises dans le commerce import-export et qui, de surcroit, contrôlaient la Banque de l’Afrique Occidentale (BAO) seule banque d’émission de dépôt et de crédit », explique Adama Baytir Diop dans un article publié en 2023 et consacré au centenaire de « la fin du radicalisme » de Blaise Diagne. La deuxième séquence part de 1923.

Au mois de juin de cette année, alors qu’au nom de la libre concurrence il avait toujours combattu les entreprises bordelaises qui exerçaient le monopole sur le commerce dans la colonie, Blaise Diagne, contre toute attente, passa un accord de réconciliation avec leurs représentants en métropole. C’était sous les auspices du président Albert Sarraut. Afin de garantir le développement économique du Sénégal, il s’engage alors à cesser toute opposition aux grandes compagnies de commerce françaises. Cet accord, négocié dans le secret, contribua à le discréditer aux yeux de certaines populations. Il parvient néanmoins à remporter les élections de 1924, 1928 et 1932, notamment grâce au soutien durable des anciens combattants, des Lébou, du négoce bordelais et de l’administration coloniale.

Selon l’historien américain Wesley Johnson, Blaise Diagne fut taxé de « séparatisme », de pratiquer le double jeu qui consistait à prêcher la « loyauté envers la France » à Paris et le « self-governement » pour les Africains quand il était au Sénégal. Le pacte de 1923 était donc un engagement de ses adversaires à assurer au député la préservation sans délai de son poste, étant donné qu’il n’y avait pas de limitation de mandat. Et en contrepartie le député devait cesser ses attaques contre le commerce bordelais.

Dès l’année suivante en 1924, Diagne brigua et obtint son 3e mandat. Pas de contestation du clan bordelais encore moins de recours juridique pour invalider sa candidature comme ce fut le cas 1914. En 1928, Diagne se présenta à nouveau. Cette fois, il eut en face de lui Galandou Diouf. Diagne remporta la victoire d’une courte tête (5175 contre 4396). En 1931, il fut nommé Sous-secrétaire d’Etat aux colonies devenant ainsi le premier noir africain ministre dans le gouvernement français. L’année suivante, il fut réélu pour un 5e mandat qu’il ne put terminer puisqu’il mourut le 11 mai 1934 à Cambo-Les Bains, en France…

Samboudian KAMARA

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