Au Sénégal, des milliers de femmes sont engagées dans les partis politiques. Plusieurs occupent ou ont occupé des fonctions ministérielles ou de Directrice générale. Cependant dans l’histoire politique du pays, seules quatre femmes ont été candidates à la présidentielle, des indépendances à nos jours. Il s’agit de Marième Wane Ly, Diouma Dieng Diakhaté, Amsatou Sow Sidibé et Anta Babacar Ngom. Ces femmes ont osé et essayé de briser le plafond de verre. Mais dans le secret de l’isoloir, la population n’est pas encore prête à franchir le cap d’une femme présidente.
L’engagement au féminin a toujours été une réalité au Sénégal depuis les illustres Linguères de nos royaumes traditionnels (Sine-Saloum, Baol, Cayor, Djolof…). Des femmes de Nder, de Ndatté Yalla, en passant par Aline Sitoé Diatta, la dame de Cabrousse, à Anta Babacar Ngom, les femmes sénégalaises ont toujours eu leur conviction à dire pour le bien-être de la société sénégalaise.
Au plan politique, même si beaucoup d’autres femmes ont marqué de par leurs combats l’histoire du pays, on retient le plus souvent celles qui se sont présentées aux élections présidentielles. Dans ce lot figure Marième Wane Ly, première femme à fonder et à diriger une formation politique, le Parti pour la renaissance africaine (Parena), et considérée comme la pionnière. Même si elle n’est pas allée jusqu’au bout parce qu’ayant retiré sa candidature avant la tenue du scrutin de 2000, elle a marqué les esprits et a failli entrer dans l’histoire politique du Sénégal et de l’Afrique francophone en devenant la première femme candidate à une élection présidentielle.
« C’est par souci de bien représenter les femmes et de lutter contre l’injustice que j’avais décidé de déposer ma candidature », avait-elle confié. Finalement, elle avait retiré sa candidature. « Je n’avais pas confiance en la sincérité du scrutin. De plus, je ne voulais pas avoir un score ridicule qui pourrait décourager les femmes », a-t-elle expliqué dans les médias à l’époque. Après son retrait, elle avait soutenu la candidature de Moustapha Niasse au sein de la coalition de l’Espoir 2000.
Marième Wane Ly, la pionnière
Sa formation politique, le Parti Pour la Renaissance africaine (Parena), est officiellement reconnue le 5 janvier 2000. Lors des élections législatives de 2001, il recueille 3 351 voix, soit 0,18 %, et n’a obtenu aucun siège à l’Assemblée nationale.
Marième Wane Ly est née en 1949 à Cascas, dans le département de Podor. Ancienne élève au Collège d’application (actuel lycée Seydou Nourou Tall) puis du lycée Kennedy de Dakar, elle fut professeur d’histoire et est titulaire d’un Phd en genre citoyenneté et bonne gouvernance. Ancienne vice-présidente du Sénat, cette première femme leader de parti au Sénégal a été conseillère à la présidence en approche genre sous le magistère de Abdoulaye Wade.
Marième Wane Ly a intégré très tôt les partis de Gauche où elle a milité auprès de leaders comme Omar Blondin Diop. Ancienne membre du Rassemblement national démocratique (Rnd) du professeur Cheikh Anta Diop, elle rejoint par la suite le parti créé par le professeur Iba der Thiam, la Convergence des Démocrates et Patriotes (Cdp-Garap Gui) où elle a occupé les fonctions de présidente nationale des femmes.
L’ancienne membre du Conseil sénégalais des femmes (Cosef), de l’Observatoire national de la parité et de l’Institut panafricain de stratégies reconnaît que la réussite politique des femmes est plus difficile que celle des hommes. Au-delà des clichés, elle avait souligné que par réflexe, les femmes combattent même d’autres femmes et se neutralisent entre elles.
« Les femmes rivalisent. Pourquoi les femmes n’avancent pas ? C’est parce qu’entre elles, elles se neutralisent. Quand il y a une qui veut émerger, il y en a une autre pour l’empêcher d’émerger. C’est ça le problème des femmes. (…) Et les hommes utilisent les femmes pour émerger », avait-elle confié dans un podcast diffusé dans l’émission conversations féminines de Dukokalam.
Marième Wane Ly confesse aussi : « au moment où je vais devenir une épouse, j’étais déjà révolutionnaire alors je ne pouvais pas épouser n’importe qui ».
Diouma Dieng Diakhaté et Amsatou Sow Sidibé, les premières à aller au bout
Si Marième Wane Ly n’est pas allée jusqu’à bout en retirant sa candidature avant le scrutin présidentiel de 2000, Diouma Dieng Diakhaté et Amsatou Sow Sidibé se sont présentées à l’élection présidentielle du 26 février 2012.
Diouma Dieng Diakhaté termine à la dernière position du premier tour, en ne recueillant que 3 354 voix soit 0,12 % des suffrages valablement exprimés. Âgée de 64 ans et couturière de renom, sa décision de s’engager dans la course à la présidentielle, à soixante-douze heures de la clôture du dépôt des candidatures, avait surpris les observateurs. Certains avançaient même qu’elle était parrainée par le président sortant Me Abdoulaye Wade pour fragiliser l’opposition.
« Ce n’est pas vrai. Je n’ai pas vu Wade depuis 2002. Il ne m’a reçu qu’une seule fois, en 2002 », s’était défendue la styliste. Native de Rufisque, Diouma Dieng Diakhaté a d’abord exercé le métier de secrétaire de direction, à partir de 1969 à l’ambassade de la République démocratique du Congo (Rdc) à Dakar et à l’Asecna (entre 1970 et 1980). Elle a ensuite fait un bref passage à Air Afrique comme hôtesse avant de se consacrer définitivement, à partir de 1981, à sa passion : la haute couture, un domaine qui l’a rendue célèbre.
Amsatou Sow Sidibé aussi était dans les starting-blocks lors de la présidentielle de 2012 avec la Convergence des acteurs pour la défense des valeurs républicaines/Leneen (Car Leneen). Professeur de droit, agrégée des Universités, elle avait recueilli 5 167 voix soit 0,19 % au premier tour de la présidentielle de février 2012.
Au deuxième tour, elle avait soutenu le candidat Macky Sall qui s’était fait élire face à son ancien mentor Abdoulaye Wade. Elle avait été par la suite nommée ministre conseiller auprès du président Macky Sall.
Amsatou Sow Sidibé, née le 14 octobre 1953, à Dakar, est une universitaire de renom. Première femme sénégalaise agrégée en sciences juridiques et politiques et première femme membre de l’Observatoire national des élections (Onel), elle est auteur de nombreuses publications. Titulaire dun doctorat obtenu à lUniversité Paris II en 1987, elle est aussi professeur agrégée titulaire de la chaire de Droit privé à l`Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2003).
Membre actif de la société civile pendant plusieurs années, elle a été nommée, en mars 2025, par le président Bassirou Diomaye Faye, présidente de la Commission nationale des droits de l’Homme (Csdh) du Sénégal pour un mandat de 6 ans.
Anta Babacar Ngom, la benjamine valeureuse
Anta Babacar Ngom est la dernière femme candidate à une présidentielle sénégalaise. Cependant, elle est l’une qui s’est mieux classée. Candidate pour la présidentielle de mars 2024, elle a passé la redoutable étape du parrainage là où de grandes femmes politiques à l’image de Aminata Mimi Touré, ancienne Première ministre, ministre de la Justice sous Macky Sall, ont été recalées.
Face à la déferlante du candidat de la coalition « Diomaye-Président », qui a été élu avec 54,28% des voix dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars 2024, Anta Babacar Ngom s’était retrouvée avec 15 457 voix soit 0,34% des voix. Même si elle a été classée à la 12e position, la seule femme candidate à cette présidentielle a devancé 6 autres candidats comme Cheikh Tidiane Dieye, El Hadji Mame Boye Diao, Mamadou Lamine Diallo, Mahammed Boun Abdalah Dionne, Malick Gackou et Habib Sy.
Née en 1984, à Malika, Anta Babacar Ngom est entrepreneure. Elle a été directrice générale du groupe Sedima fondé par son père Babacar Ngom. Formée au Canada et en France, elle est directrice générale du groupe avicole Sedima depuis 2015. Elle a créé son mouvement, Alternative pour la relève citoyenne (Arc), en juin 2023.
Oumar KANDE