Le nouveau ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Cheikh Niang, est l’un des doyens d’âge du gouvernement du haut de ses 68 hivernages. Alors qu’il venait d’entamer une paisible vie de retraité, après des décennies de dur labeur, le voilà appelé par le devoir pour servir, à nouveau, son pays. Rigueur et compétence sont des termes très caractéristiques de ce diplomate, posé et courtois, réputé pour sa sagesse. Portrait d’un homme qui a été très tôt à la conquête du progrès à force d’abnégation.
Quasi imperturbable ! Le verbe est bien à propos chez l’Ambassadeur Cheikh Niang, devenu ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères à la faveur du récent réaménagement du gouvernement, et qui rallie quasiment tous les « suffrages » en sa faveur. Tellement flegmatique, qu’on aurait pu dire, le concernant, « so british ! ». Comme un plébiscite, sa nomination ramène, chez de nombreux observateurs, l’espoir d’une renaissance de la diplomatie sénégalaise considérée, jadis, comme l’une des forces du Sénégal dans les instances internationales. Naviguant dans les relations internationales tout au long d’une carrière vouée à État, il a été au service de la République pendant plus de 40 ans. Très prolixe avec des publications sur la marche du monde, les changements géopolitiques et géostratégiques, le désormais ministre aura certainement peu de temps à consacrer maintenant à ses analyses averties sur l’actualité mondiale.
Profession de foi
Aguerri d’une longue et riche pratique de la diplomatie qui l’a projeté aux quatre coins du monde, le voilà donc de retour à la maison mère, au ministère des Affaires étrangères.
Les témoignages convergent sur ses qualités humaines, notamment sa courtoisie et son urbanité si caractéristiques des diplomates, très habiles à veiller à ne placer aucun mot plus haut qu’un autre. On en apprend avec lui au détour d’une brève conversation. Son dernier ouvrage « Réflexions d’un diplomate africain sur les défis du continent », paru, il y a quelques mois, aux éditions L’Harmattan, donne une idée de la perception de l’action diplomatique vue par le nouveau Monsieur Affaires étrangères du Sénégal. « En comprenant pleinement les complexités de la scène internationale, en cernant, avec plus de rigueur, leurs priorités, en élaborant des politiques bien pensées et, surtout, en croyant fermement en leurs propres capacités, les leaders africains peuvent jouer un rôle essentiel dans la transformation radicale du destin de leurs peuples. Ces convictions doivent servir de guide ainsi que de source d’inspiration quotidienne ».
Une vraie profession de foi avant l’heure pour le nouveau patron de la diplomatie sénégalaise qui aura à faire face à de nombreux défis. Titulaire d’un diplôme en diplomatie de l’École nationale d’administration (Ena, 1991-1993) de Dakar, Cheikh Niang a été le seul Sénégalais admis dans la section Diplomatie de sa promotion. Féru d’études, il a également un Master en relations internationales et études stratégiques de l’Université de Lancaster (Royaume-Uni), un Diplôme d’études approfondies (Dea) en études et civilisation anglaises de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ainsi qu’un certificat d’interprétation français-anglais / anglais-français de l’Université de Westminster à Londres (Royaume-Uni). Avant de se retrouver en poste à l’étranger, Cheikh Niang a d’abord servi au Sénégal après sa sortie de l’Ena d’abord au sein du ministère en tant que chef de la division Afrique au ministère des Affaires étrangères, et ensuite à la présidence de la République en tant que Conseiller diplomatique du chef de l’État, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade précisément, de 1995 à 2001. Ainé de sa famille, il a hérité des qualités de rigueur de son père policier.
« Cheikh est un guide, une référence, un père pour nous tant il rassemble la famille », témoigne un de ses proches.
Rigueur du père
Ce dernier rappelle qu’il a été major de son centre au Bfem et avait été orienté en série E (maths et technologie). Mais voulant aider Baba, son charismatique papa, il choisit alors de faire l’École normale pour devenir instituteur. Celui qui se fait appeler affectueusement en famille, Amaniang, est un obstiné du savoir et du progrès. Son abnégation l’a mené de l’enseignement primaire à l’École normale et à l’Université de Dakar pour des études en langues anglaises. Un bel exemple d’ascension professionnelle ! « Qui veut gravir des cimes, trouve des sentiers », rappelait-il dans son dernier livre, en citant un célèbre auteur. Féru de lecture et de belotte, le tout nouveau ministre des Affaires étrangères passe une bonne partie de son temps, quand il est au Sénégal, aux côtés de sa maman âgée à qui il rend régulièrement visite. « Derrière son tempérament très calme, il a un vrai sens de l’humour et sait mettre à l’aise ses interlocuteurs », témoigne un diplomate sénégalais. De quoi rassurer ceux qui auront à le croiser prochainement dans les couloirs du Miae.
Au cœur du multilatéralisme
Dans le langage des diplomates, les multilatéralistes sont ceux qui gèrent les questions autres que bilatérales, c’est-à-dire impliquant plusieurs États et/ou des organisations internationales. À côté d’illustres autres diplomates sénégalais, il est dans ce domaine l’un des plus expérimentés. De 2018 à 2025, M. Niang a été le Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations unies à New York où il avait déjà servi bien avant au début des années 2000, après ses fonctions de conseiller diplomatique du président de la République. Durant cette étape, il a été président du Comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, président de la Commission de l’Assemblée générale chargée des questions économiques et financières, président de la Commission du développement social, au sein des Nations unies, co-facilitateur du processus de réforme du Conseil économique et social et du Forum politique de haut niveau, Expert des Nations unies sur le traçage et le marquage des armes légères et de petit calibre. Autant de stations qui reflètent son engagement pour la paix et la sécurité mondiales, missions essentielles des Nations unies.
Ibrahima Khaliloullah NDIAYE