Le Sénégal a engagé un processus constant d’évolution de son système politique depuis 1992.
Si des avancées notables ont été enregistrées en matière de démocratie, d’alternance et de transparence électorale, des défis majeurs demeurent.
L’amélioration du cadre institutionnel et la poursuite du dialogue inclusif sont essentiels pour renforcer la stabilité politique et la légitimité démocratique dans la perspective des échéances à venir (2027, 2029).
Et Alliance pour les Urgences de la République (ALLURE/Wattù Rew Mii ) ne doit pas être en reste face à cette mission.
Et je vais juste m’épancher sur deux points d’attentions fondamentaux, à mon avis, qui se situent au niveau de l’évolution du cadre institutionnel, et particulièrement, l’élargissement du Conseil constitutionnel et le renforcement du rôle du Premier ministre.
EN CE QUI CONCERNE L’ELARGISSEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
En effet, dans le cadre du Dialogue national de mai 2025, plusieurs acteurs, ont proposé une réforme du Conseil constitutionnel pour renforcer son indépendance.
Ces propositions sont légitimes, mais méritent un regard critique objectif afin d’en évaluer les risques, limites et conditions de réussite.
1. Le risque de politisation inversée
Élargir la nomination à d’autres institutions (Assemblée, barreau, magistrature) peut introduire d’autres influences partisanes.
Au lieu de neutraliser la mainmise du pouvoir, cela pourrait créer un Conseil tiraillé entre différentes forces politiques, au détriment de son impartialité.
2. Ambiguïté sur les critères de désignation
Les propositions reposent sur des notions floues comme « indépendance » ou « représentativité ».
Qui juge de l’indépendance ?
Sur quels critères objectifs ?
Cela ouvre la voie à des disputes d’interprétation et à une désignation potentiellement contestée.
3. Risque de dysfonctionnements internes
Un Conseil trop hétérogène, sans cohérence de méthode, pourrait ralentir les prises de décision, voire créer des blocages en période de crise électorale.
L’efficacité d’une institution repose autant sur sa composition que sur sa cohésion fonctionnelle.
4. Faiblesse des propositions sur la transparence
On.insiste sur la composition du Conseil, mais reste silencieux sur les procédures :
Pas de propositions claires sur la motivation publique des décisions,
Ni sur l’instauration de recours ou de mécanismes de contrôle externe.
5. Un contexte politique peu favorable à une réforme consensuelle
Proposer ces réformes peut donner l’image d’un projet opportuniste.
Pour qu’une réforme soit légitime, elle doit résulter d’un large consensus.
En somme,
Les propositions de réforme sont nécessaires pour renforcer la démocratie, mais elles présentent plusieurs limites :
Risque de politisation,
Flou juridique,
Manque de garanties procédurales.
Une réforme véritablement crédible doit associer indépendance, transparence, et responsabilité, dans un cadre concerté, apaisé et constitutionnellement cohérent. *
EN CE QUI CONCERNE LE RENFORCEMENT DU ROLE DU PREMIER MINISTRE
Le renforcement du rôle du Premier ministre au Sénégal, s’inscrivant dans une logique de rééquilibrage des pouvoirs au sein de l’exécutif, peut effectivement présenter certains avantages en termes de gouvernance; cela semble encore très plausible lorsqu’il du s’agit du tandem « DIOMAYE MOYE SONKO » oubien « SONKO MOYE DIOMAYE ». Lexistence d’un type pareil de tandem n’est pas intemporel et peut ne pas l’être pour l’actuel tandem. On ne le souhaite pas pour le Sénégal, mais on en a vu ailleurs, en Afrique occidentale avec des tentatives de destabilisations entre tandem. De ce fait, Une transformation durable de l’organisation sociale ou de la culture sociétale doit désigner un changement plus profond, que ce qu’un tandem pourrait assumer ponctuellement, qui soit durable et systématique au sein d’une société, qui affecte ses structures, ses institutions, ses pratiques et ses valeurs. Toutefois, se livrer à ce changement va comporter aussi des risques potentiels, notamment dans un contexte politique encore marqué par des tensions institutionnelles et des enjeux de stabilité démocratique. Voici quelques-uns des risques principaux :
1. Confusion ou rivalité au sommet de l’exécutif
Le partage plus net des pouvoirs entre le président et le Premier ministre pourrait générer :
des tensions politiques entre les deux têtes de l’exécutif, notamment en cas de divergences d’orientation ou de rivalités d’influence ;
une dualité de commandement, source potentielle d’inefficacité administrative ou de blocages décisionnels.
2. Instabilité politique accrue
Si la réforme est perçue comme une tentative de redistribution du pouvoir sans véritable consensus politique, cela peut :
fragiliser la majorité présidentielle au parlement en cas de cohabitation ou de divergences entre les institutions ;
renforcer les clivages entre partis ou au sein même de la majorité, menaçant la stabilité gouvernementale.
3. Instrumentalisation de la réforme
Il y a un risque que cette réforme soit vue non pas comme une évolution démocratique, mais comme :
un outil politique, servant à neutraliser des opposants ou à repositionner certains acteurs dans le jeu institutionnel ;
un moyen de reconfigurer le pouvoir sans réforme constitutionnelle profonde, ce qui pourrait nourrir la méfiance populaire.
4. Faiblesse du cadre juridique ou institutionnel
Sans clarification dans la Constitution ou dans les lois organiques sur :
les compétences précises du Premier ministre ;
les limites du pouvoir présidentiel dans la nomination et la révocation du chef du gouvernement,
le pays risque de connaître une instabilité juridique ou des conflits de compétences.
5. Attentes populaires non satisfaites
Si cette réorganisation n’entraîne pas une amélioration concrète de la gouvernance (transparence, efficacité, lutte contre la corruption…), la population pourrait :
Perdre confiance dans les institutions ;
remettre en cause la légitimité de la réforme.
En résumé, bien que le rééquilibrage du pouvoir exécutif vers le Premier ministre puisse être interprété comme un progrès démocratique vers un régime plus parlementaire, sa mise en œuvre doit être encadrée, transparente et fondée sur un large consensus. Autrement, elle pourrait exacerber des tensions politiques, institutionnelles ou sociales, et menacer la stabilité démocratique du Sénégal.
Ousseynou Coulibaly
Chargé de la communication
ALLURE/Wattù Rew Mii