Le Dialogue national prévu du 28 mai au 04 juin vient s’articuler autour de la réforme de notre système politique. Il a reçu l’assentiment d’une grande partie de la classe politique alors que des partis comme l’Alliance pour la République, (Apr), la République des Valeurs et « Les serviteurs » du député Pape Djibril Fall ont dénoncé « un manque de transparence et d’inclusivité » du processus pour justifier leur boycott.
Le président de la République Bassirou Diomaye Faye à l’occasion de son adresse à la Nation le 3 avril 2025 avait vanté la pertinence du Dialogue national prévu du 28 mai au 4 juin prochain. Pour le chef de l’Etat « la solidité d’une nation se mesure aussi par sa capacité à dialoguer », disait-il d’emblée avant de rappeler l’importance de la concertation permanente avec toutes les composantes de notre société pour garantir la concorde nationale. « J’ai récemment instruit le Premier ministre, Monsieur Ousmane Sonko d’organiser la grande concertation nationale avec les partenaires sociaux, les autorités religieuses et coutumières, la société civile, le secteur privé et l’ensemble des forces vives de la Nation. Ainsi, nous matérialisons notre engagement à garantir une cohésion nationale toujours renforcée », avait-t-il précisé dans son discours.
Cette démarche du chef de l’Etat s’inscrit en droite ligne de la volonté de réforme du nouveau régime qui, en mai 2024 déjà, avait lancé les assises de la Justice. Dans la perspective du Dialogue, le ministère de l’Intérieur à travers la Direction générale des élections (Dge) a envoyé des projets de Termes de référence (Tdr) à 169 entités politiques coalitions de partis, formations politiques, organisations de la société civile.
Selon la Dge, le ministère de l’Intérieur, qui sera le point focal du Dialogue après la réception de ces Tdr, va les centraliser et les affiner afin que le maximum de recommandations et propositions puissent être débattues lors de ce dialogue. Par ailleurs, ce dialogue, se voulant inclusif, mettra aussi à contribution les Sénégalais. Ces derniers, via la plateforme numérique « Jubbanti », pourront faire des propositions concernant les divers termes de référence autour des thèmes comme la réforme et l’amélioration du système électoral sénégalais, mais aussi le statut de l’opposition et de son chef ainsi que l’inscription automatique sur le fichier électoral dès l’âge de la majorité, entre autres risques.
Les assises comptent aussi se pencher sur la révision du système de parrainage, la rationalisation en profondeur des partis politiques et le financement des partis politiques. Le Dr Cheikh Guèye, facilitateur général du Dialogue national nommé par le chef de l’Etat, en tournée auprès des familles religieuses, se dit toujours optimisme quand la tenue de discussions inclusives et transparentes au profit de la démocratie sénégalaise. Pour l’heure, même si l’initiative rencontre l’assentiment d’une bonne partie de la classe politique, des partis comme l’Alliance pour la République (Apr), la République des Valeurs, ou encore « Les serviteurs », ont déjà décliné l’offre de dialogue.
Pour le journaliste Ibrahima Bakhoum, la réussite du Dialogue est capitale pour la suite du mandat de Bassirou Diomaye Faye, qui en est le promoteur. « Le président de la République a un grand intérêt que ce dialogue se passe sous de bonnes conditions. Car, si l’opposition s’aperçoit que sa participation ne sert que de faire valoir au régime pour faire passer ses réformes, dans ce cas, elle risque de se braquer définitivement. En temps de crise, elle risquerait de déserter le champ du dialogue politique », affirme-t-il. Il indique qu’il peut s’avérer contre-productif pour les opposants au Dialogue de le boycotter dans la mesure où cette concertation pourrait redéfinir les règlements et dispositifs organisant les prochains scrutins.
Et l’enseignant-chercheur en sciences politiques Moussa Diaw, de soutenir que le boycott de certaines formations peut nuire à la bonne tenue du dialogue républicain. « Certaines forces ont décliné l’offre, c’est une erreur parce qu’on est dans un État démocratique où tout doit faire l’objet de discussions. Ils sont libres d’avoir cette position, mais aujourd’hui, on est dans une phase de construction pour faire émerger un État démocratique et éviter des tensions à chaque fois qu’il y a des élections. À mon avis, c’est un rendez-vous qu’il ne faut pas rater et les absents auront tort », soutient le Pr Moussa Diaw.
L’universitaire renseigne, par ailleurs, que le Dialogue doit également prendre en charge la réduction des pouvoirs exorbitants du chef de l’Etat ainsi qu’une répartition équilibrée des pouvoirs au sein de l’Exécutif pour une démocratie viable. Et le Pr Moussa Diaw de conclure que « ces réformes s’imposent parce qu’il faut adapter le fonctionnement du système politique à l’évolution sociale, économique et du monde. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, il est important de rationaliser les partis politiques parce qu’il y en a énormément. Il faut aussi faire des élections qui coûtent moins chères. Tous ses sujets doivent faire l’objet de débats sereins et consensuels pour garantir la pérennité de notre démocratie ».
Mamadou Makhfouse NGOM