Dès sa prise de fonction en décembre 2024, le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, a fait de la diplomatie parlementaire le levier principal pour « faire rayonner » le pouvoir législatif. Affichant sa volonté de faire de l’Hémicycle une chambre de « rupture » pour densifier la coopération, il s’appuie sur ce concept, bien que parfois contesté par des experts qui s’interrogent sur ses fondements juridiques et son rôle face au domaine réservé de l’Exécutif. Néanmoins, M. Ndiaye précise agir en étroite concertation avec le président de la République et le Premier ministre pour présenter une voix cohérente du Sénégal à l’international.
La diplomatie parlementaire est un levier sur lequel s’appuie la deuxième personnalité de l’État, à savoir le président de l’Assemblée nationale, pour impulser de nouvelles dynamiques. En effet, dans ses différentes interventions, El Malick Ndiaye met toujours en exergue son importance. Il la présente également comme un moyen efficace pour approfondir les relations entre le Sénégal et les autres pays, notamment entre les différentes institutions législatives. M. Ndiaye l’a d’ailleurs réaffirmé lors de la visite officielle de son homologue vietnamien au mois de juillet dernier. Ce dernier conduisait une délégation de 140 membres, composée de parlementaires, de ministres, de maires et d’acteurs du secteur privé. « Une visite historique, la première du genre depuis l’établissement des relations diplomatiques entre le Sénégal et la République socialiste du Vietnam, il y a 56 ans », se réjouit-il. Ce déplacement marque, à son avis, une étape majeure dans le renforcement des liens entre les deux Nations, en particulier sur le plan parlementaire. Le président de l’Assemblée s’évertue à soutenir l’ambition des nouvelles autorités de consolider les relations d’amitié et de fraternité du Sénégal avec ses différents partenaires. Dans ce sillage, il a manifesté sa volonté de faire de l’Hémicycle une chambre de rupture en mesure de densifier la coopération parlementaire.
Si la diplomatie parlementaire est présentée, à l’échelle mondiale, comme « un concept émergent », elle est intégrée, depuis longtemps, dans le schéma des différents présidents de l’Assemblée nationale du Sénégal. Et sa mise en exergue vient du premier président de l’institution Lamine Guèye.
Dans un article portant sur la diplomatie parlementaire et titré : « Actrice émergente de communications diplomatiques démocratisées », le docteur en Droit et fonctionnaire parlementaire français Philippe Péjo donne des indications claires sur ce concept. «La diplomatie parlementaire ouvre des horizons inexplorés de la diplomatie régalienne classique, même si les exigences de cohésion et d’unité d’expression de l’État vis-à-vis de l’étranger, confortées par la Convention de Vienne de 1961, confèrent un monopole d’expression au ministre des Affaires étrangères », soutient-il. Cet ancien ministre conseiller au niveau du ministère des Affaires étrangères et européennes renseigne que la « diplomatie parlementaire » a été mise en lumière pour la première fois en 2001 en France. C’était lors d’un colloque unique co-organisé par l’Assemblée nationale et le Sénat français. « Il faudra attendre 2011 pour que la revue « Foreign Policy » fasse émerger le concept en langue anglaise et même 2017 pour la publication du premier ouvrage anglophone sur le sujet, lui reconnaissant un caractère mondial », explique-t-il dans une communication publiée sur la toile. La diplomatie, explique M. Péjo, est aussi climatique, culinaire, culturelle, écologique, économique, humanitaire, médicale, militaire, parallèle, préventive, scientifique, sportive, etc.
Un concept émergent
Cette thèse est soutenue par Marame Seck, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) et analyste du discours. Il fait comprendre que « la diplomatie n’est pas un concept figé et elle n’est pas non plus réservée aux affaires étrangères ». « On parle, aujourd’hui, de diplomatie religieuse, alors pourquoi pas de diplomatie parlementaire ou culturelle ? Elle n’est rien d’autre qu’un moyen de raffermir les liens entre les États », indique M. Seck.
Des experts et observateurs ont eu à remettre en cause l’efficacité de la diplomatie parlementaire. Ils s’interrogent aussi sur ses fondements juridiques. De même, ils sont persuadés que la diplomatie n’est pas du ressort d’une chambre parlementaire et que cette dernière n’a pas à s’immiscer dans un domaine réservé de l’exécutif ou à venir en renfort à la diplomatie dite officielle. Le mot diplomatie renvoie, à leurs yeux, à la fonction régalienne du chef de l’État et de l’exécutif. Ils parlent, dès lors, de normes incompressibles. Pour eux, l’Assemblée nationale devrait se contenter de poser des actes tendant à renforcer la coopération interparlementaire.
Concertations
Le président l’Assemblée a reçu, depuis sa prise de fonction, en décembre 2024, de nombreux ambassadeurs accrédités dans notre pays. Ils ont tenu à répondre à son invitation et à soutenir sa volonté de promouvoir une diplomatie active et orientée vers les enjeux globaux. Il n’a pas manqué de revenir sur le bien-fondé de sa démarche. El Malick Ndiaye précise que les orientations sont déclinées d’un commun accord avec le président de la République et le Premier ministre. « Nous nous concertons systématiquement, y compris sur les discours à prononcer, afin que chacun puisse exposer, à son niveau, les atouts du Sénégal et porter une voix cohérente à l’international », fait-il savoir.
Le chercheur Marame Seck salue la dynamique enclenchée par l’actuel président de l’Assemblée nationale. Pour lui, «il faut l’encourager». «Les responsables culturels, sociaux, religieux devraient suivre son exemple et participer à une meilleure représentation de notre pays », préconise l’analyste du discours. Quand certains établissent des limites à la diplomatie parlementaire, lui pense qu’elle peut s’appuyer sur des entités plus grandes, telles que les organismes régionaux, sous-régionaux ou internationaux : la Cedeao, la Francophonie, etc. Et, rappelle M. Seck, «il y a des regroupements de parlementaires dans chacune de ces entités».
Par Matel BOCOUM


